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Chapitre I : Partie Bibliographique

C. La photosensibilité

2. Le photochromisme

Le photochromisme caractérise l’aptitude d’une espèce chimique à exister sous deux formes A et B dont le passage de l’une à l’autre est induit réversiblement par absorption d’une radiation électromagnétique (photochromisme de type P) et/ou par voie thermique (photochromisme de type T). Les deux formes en équilibre A et B présentent un spectre d’absorption différent.

Le photochromisme de certains motifs est lié à des processus chimiques divers tels que des réactions péricycliques, des isomérisations cis-trans, des transferts d’atomes d’hydrogène ou de groupes intra-moléculaires, des processus de dissociation ou encore des transferts d’électrons (réactions redox).

Dans le cadre de ces travaux de recherche nous nous sommes particulièrement intéressés au photochromisme de l’unité azobenzène et l’anthracène mais également à la fluorescence de certains motifs comme le noyau Bodipy.

b. Photoisomérisation de l’azobenzène

Le groupement azobenzène caractérise le motif construit par deux groupements phényles séparés entre eux par une liaison de type azo. Ce motif est très connu pour sa capacité à s’isomériser de façon réversible sous rayonnement UV.[53] Une excitation vers 380 nm induit le passage d’une configuration trans vers une configuration cis tandis qu’une irradiation dans le domaine du visible ou un apport d’énergie thermique induit le retour à la forme trans. Ce type d’isomérisation est également observé dans le cas des stilbènes[53] et de certains récepteurs photochromiques biologiques comme le rétinal (Figure I-35).[54]

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Figure I-35 : Exemples de composés photoisomérisables.

L’existence des deux configurations du groupement azobenzène a été mise en évidence par Hartley en 1937.[55] La forme trans, thermodynamiquement plus stable est séparée d’une énergie d’environ 50 kJ.mol-1 de la configuration cis. Une différence de longueur entre les deux extrémités du squelette azobenzène existe entre les deux formes du motif avec environ 3.5 Ǻ d’écart de longueur entre eux (Figure I-36).[56]

Figure I-36 : Différence de taille entre le trans-azobenzène et le cis-azobenzène.

Selon Rau, il existe trois classes d’azobenzènes classés en fonction du niveau de leurs états singulets de plus basse énergie : les azobenzènes, les aminoazobenzènes et les pseudo-stilbènes (Figure I-37).[57]

Figure I-37 : Classification des azobenzènes selon Rau.

De façon théorique, le groupement azobenzène présente pour chacune des classes deux types de transitions. Une première transition intense π→π*, et une seconde beaucoup plus faible n→π* (Figure I-38). Dans la plupart des cas, en fonction de la substitution et de la classe d’azobenzène utilisée, ces deux transitions se confondent sur le spectre d’absorption.

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Figure I-38 : Absorption UV-Visible des différents azobenzènes (en noir : azobenzène, en bleu : aminoazobenzène, en vert : pseudostilbène) .

Le mécanisme d’isomérisation de l’azobenzène est à ce jour indéterminé et n’est explicité que par plusieurs hypothèses : un mécanisme d’inversion et un mécanisme de rotation. Il est suggéré qu’un mécanisme d’inversion est impliqué suite à une excitation à l’état singulet S1 et plutôt une rotation suite à la formation d’un état singulet S2 (Figure I-39).[57]

Figure I-39 : Mécanismes d’isomérisation de l’azobenzène.

La différence de géométrie entre les deux configurations de l’azobenzène provoquée par simple rayonnement lumineux en fait un motif de choix dans la synthèse de matériaux innovants photosensibles. Il est ainsi utilisé dans la synthèse d’interrupteurs moléculaires ou encore de dispositifs de stockage optique.

c. Photodimérisation de l’anthracène

Le motif anthracène présente un photochromisme lié à une réaction péricyclique. C’est le cas de nombreux motifs connus comme le norbornadiène qui présente un équilibre avec sa forme quadricyclane ou encore les diaryléthènes qui existent sous deux formes (ouverte et

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fermée) (Figure I-40). Ce type de photochromisme est très étudié de nos jours puisqu’il permet un stockage important d’énergie et trouve une application dans le domaine notamment des récepteurs photovoltaïques.[52]

Figure I-40 : Exemples de photochromisme lié à une réaction péricyclique.

L’unité anthracène, hydrocarbure aromatique composé de trois cycles benzéniques, est très étudiée pour ses propriétés de fluorescence mais surtout pour sa capacité à dimériser sous rayonnement UV.[58] Cette dimérisation, résultant d’une transition π-π*, représente un véritable modèle de photocycloaddition 4π+4π (Figure I-41). Il est démontré que la dimérisation pouvait avoir lieu entre deux motifs anthracènes séparés d’une distance d’environ 4.0 Ǻ minimum et que les monomères pouvaient être reformés par simple chauffage. Le spectre d’absorption d’un monomère présente généralement une structure fine de toutes les transitions π-π* entre 300 et 400 nm environ. L’aromaticité centrale étant brisée pour le dimère, celui-ci est caractérisé par une perte considérable des propriétés d’absorption.

Figure I-41 : Photodimérisation de l’anthracène.

d. Applications en synthèse de complexes innovants

Il apparaît dès lors intéressant, dans le domaine de la synthèse de matériaux originaux de pouvoir construire des molécules uniques comportant un cœur métallique d’une part et une unité photochromique d’autre part. Ceci constitue une approche efficace pour obtenir des dispositifs moléculaires innovants dont les propriétés reposent sur deux potentiels phénomènes distincts. Premièrement l’effet du cœur métallique sur la photo-transformation de l’unité photochromique, et deuxièmement la modification des propriétés du cœur métallique induite par la transformation du photochrome (Figure I-42).

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Figure I-42 : Stratégie d’obtention de dispositifs moléculaires innovants photosensibles.

Beaucoup de composés de ce type, comportant un motif azobenzène ou anthracène comme unité photochromique, notamment associé à des ligands de type bipyridine et terpyridine, voir même une base de Schiff, sont élaborés (Figure I-43).[59]

Figure I-43 : Propriétés d’un complexe de Re porteur de ligand azobenzène.

Par exemple, des complexes de PtII présentent un double comportement photoinduit (Figure I-44).[60] En effet, la photoluminescence du complexe est inexistante lorsque les unités azobenzènes se présentent sous leur forme trans, tandis qu’une émission du composé est observée vers 600 nm après excitation de celui-ci à 366 nm lorsque les azobenzènes sont en configuration cis.

Figure I-44 : Photoluminescence d’un complexe de Pt formé par un ligand azobenzène.

Certaines équipes de recherche montrent également la capacité de certains complexes comportant des motifs azobenzènes à s’isomériser réversiblement par action d’une seule et même longueur d’onde grâce au couplage avec une réaction redox du cœur métallique.

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Figure I-45 : Complexe de Co présentant une photoluminescence liée à son activité redox.

C’est notamment le cas de ce type de complexe de Co (Figure I-45).[61] En effet, leur forme CoII induit l’isomérisation des motifs azobenzènes après irradiation à 365 nm. Une oxydation chimique de ces espèces conduit à la formation de complexes de CoIII pour lesquels les unités azobenzènes reviennent à la forme trans toujours avec une irradiation à 365 nm.

Est également mis en évidence la capacité de certains complexes de PtII porteurs de deux ligands azobenzènes différents à réagir à trois différentes irradiations lumineuses liées à l’isomérisation consécutive des différents ligands (Figure I-46).[62]