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Chapitre III : Synthèse des complexes associés

D. Complexes dérivés du motif Bodipy

3. Propriétés optiques

Le spectre d’absorption UV-Visible de chacun des composés révèle un profil caractéristique du motif Bodipy (Figure III-33). En effet, des bandes intenses à 528 nm pour

L6H et L14H2 ; 527 nm pour [Cu(L6)2] et 526 nm pour [Cu4(L14)4] indiquent une

importante transition S0→S1 (π-π*).[107]

Des transitions plus hautes en énergie sont également visibles. Dans le cas de L6H et [Cu(L6)2], un pic large centré à 370 nm est observé. Celui-ci

caractérise la transition S0→S2 (π-π*) de l’unité Bodipy (généralement situé sous 400 nm)[107]

mais également les différentes transitions π-π* du noyau phényle et du motif énaminone. Dans le cas de L14H2 et [Cu4(L14)4], une meilleure résolution de ces transitions est obtenue

avec une transition S0→S2 à 389 nm. Par ailleurs, il est intéressant de constater que le coefficient d’’absorption du complexe [Cu4(L14)4] n’est pas quatre fois supérieur à celui du

ligand correspondant libre. En effet ε = 63000 pour L14H2 et ε = 165000 pour [Cu4(L14)4].

Ainsi, il est probable que des interactions entre motifs Bodipy au sein du cubane soient responsables de ce phénomène. Ceci n’est pas observé dans le cas du complexe mononucléaire qui adopte une valeur de ε bien deux fois supérieure à celle de son ligand libre

associé (ε = 63000 vs 116000 respectivement). Une excitation à 510 nm des deux ligands

révèle une émission de ceux-ci centrée respectivement à 542 nm pour L6H et 543 nm pour

L14H2. Ainsi, le maximum d’absorption et d’émission n’est pas affecté par la différence de denticité entre le ligand L6H (bidente) et le ligand L14H2 (tridente). De plus, dans chacun des deux cas, le spectre d’émission obtenu est la parfaite image miroir du profil d’absorption avec un faible déplacement de Stockes (15 nm). Un enregistrement du diagramme de Stern-Volmer de ces composés (en considérant la rhodamine B comme référence) obtenu par les mesures d’émission à diverses concentrations, nous permet d’obtenir leur rendement quantique de fluorescence respectif. Ainsi un rendement quantique de 93% est obtenu pour le ligand bidente L6H et de 97% pour le ligand tridente L14H2.

Figure III-33 : Spectre d’absorption UV-Visible du ligand (courbe en trait plein noir) et son complexe associé (courbe en trait pointillé rouge) et spectre d’émission du ligand (courbe en trait plein bleu). Ligand

L6H et complexe [Cu(L6)2] (à gauche). Ligand L14H2 et complexe [Cu4(L14)4] (à droite).

Finalement, le temps de vie de fluorescence τF est déterminé expérimentalement pour les deux ligands par le principe de comptage de photon unique corrélé en temps (Time-Correlated Single PhotonCounting : TC-SPC). Cette technique repose sur une distribution temporelle des

300 400 500 600 700 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Absorbance norma lisée O (nm) 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Fluorescence (u.a.) 300 400 500 600 700 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Absorbance norma lisée O (nm) 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 Fluorescence (u.a.)

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photons émis par l’échantillon après de brèves excitations laser. Ils sont ainsi repartis en canaux en fonction de leur Δt = t1-t0 (avec t0 le moment de l’impulsion laser et t1 le moment où le photon émis est détecté par l’appareil). Le signal obtenu est deconvolué après enregistrement de la réponse de l’appareil avec une solution LUDOX et celui-ci adopte un profil monoexponentiel (I(t) = I0 exp (-t/τ)) pour chacun des deux ligands. Le temps de vie de

fluorescence est de l’ordre de 4.52 ns pour L6H et 4.91 ns pour L14H2. Ces valeurs sont en accord avec la formation d’un état singulet excité.[108] Un exemple du profil obtenu est représenté pour le ligand L14H2 sur la Figure III-34.

Figure III-34 : Mesure de TC-SPC pour le ligand tridente L14H2 (chaque canal représente ici un domaine

temporel de largeur finie).

Par ailleurs une mesure de TC-SPC effectuée sur les deux complexes en solution ne révèle, dans chacun des cas, que la durée de vie du ligand associé ce qui laisse raisonnablement penser à un processus de dissociation des complexes aux concentrations utilisées (~10-6 M). En effet, pour ceux-ci, l’enregistrement du diagramme de Stern-Volmer suggère une dépendance du rendement quantique de fluorescence global observé en fonction de la densité optique de la solution analysée (Figure III-35). Dans les deux cas, le rendement quantique de fluorescence diminue avec l’augmentation de la densité optique soit avec l’augmentation de la concentration en composé considérée (Figure III-36). Ceci démontre bien l’influence d’un équilibre de dissociation des complexes en solution

600 800 1000 1200 0 2000 4000 6000 8000 10000 LUDOX L14H2

Nombre de photons émis

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Figure III-35 : Diagramme de Stern-Volmer des deux complexes [Cu(L6)2] et [Cu4(L14)4].

Figure III-36 : Evolution du rendement quantique de fluorescence en fonction de la densité optique de la solution.

En effet, en considérant une fluorescence quasi-nulle des complexes sous leur forme « coordinés » ([Cu(L6)2] et [Cu4(L14)4]) et un rendement de fluorescence supérieur à 90%

pour les ligands libres correspondants (L6H et L14H2), le rendement quantique obtenu peut être relié à la proportion approximative de ligand libre en solution. A forte concentration, la présence prédominante de complexes sous forme « coordinés » induit un rendement quantique très faible, tandis qu’en augmentant la dilution, le phénomène de dissociation va concentrer les solutions utilisées en ligand libre et va donc révéler un rendement quantique beaucoup plus important.

En ce qui concerne le complexe mononucléaire [Cu(L6)2], la représentation du rendement

quantique en fonction de la densité optique révèle un palier aux alentours de ϕ = 50 %

caractérisant un équilibre très déplacé dans le sens [Cu(L6)2] → [Cu(L6)]+

+ L6- à cette 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,0 2,0x107 4,0x107 6,0x107 8,0x107 1,0x108 1,2x108

Complexe mononucléaire [[Cu(L6)2] Cubane [[Cu4(L14)4] Aire d'intégration DO 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0 1 2 3 4 5 Cubane [[Cu4(L14)4] Rendement quantique (%) DO 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 10 20 30 40 50 60 70

Complexe mononucléaire [[Cu(L6)2]

Rendement quantique (%)

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concentration. A une concentration inférieure à ce palier le rendement quantique continu d’augmenter caractérisant alors la deuxième dissociation [Cu(L6)]+ + L6- → Cu2+

+ 2L6-. Dans le cas du cubane, là encore c’est la dissociation [Cu4(L14)4] → [Cu4(L14)3]2+ + L14 2-qui est caractérisée par une augmentation de ϕ à faible concentration. Cependant, dans ce cas,

le rendement varie faiblement d’environ 0.5% à 5% sur la gamme de concentration étudiée ce qui montre que la dissociation est beaucoup moins favorable pour le cubane que pour le complexe mononucléaire.

Ainsi, outre ce phénomène de dissociation, le rendement quantique de fluorescence extrêmement faible des complexes montre que la présence du cuivre au sein de ces composés inhibe les propriétés de fluorescence des ligands.

Tableau III-5 : Tableau récapitulatif des données spectroscopiques des ligands L6H et L14H2 et des

complexes [Cu(L6)2] et [Cu4(L14)4].

Paramètres L6H [Cu(L6)2] L14H2 [Cu4(L14)4]

λabs [nm] 528 527 528 526 λem [nm] 542 - 543 - ε [L.mol-1 .cm-1]a 63 000 116 000 63 000 165 000 Φb 0.93 - 0.97 - τF [ns] 4.52 - 4.91 - a

Le coefficient d’absorption molaire ε n’est calculé que pour λmax. b Le rendement quantique Φ est obtenu en utilisant la rhodamine B comme référence (Φ = 66% dans MeOH).

4. Propriétés électrochimiques

Le comportement électrochimique des deux complexes obtenus ([Cu(L6)2] et [Cu4(L14)4]) est examiné dans le DMF anhydre avec n-Bu4PF6 comme électrolyte support, une électrode de travail en carbone vitreux, le couple Ag/Ag+ 0.01 M pris comme référence avec une vitesse de balayage de 0.2 V s-1. Pour les deux complexes, le profil met en évidence la réduction du CuII en CuI (Figure III-37). Dans le cas du complexe mononucléaire [Cu(L6)2]

cette réduction est quasi réversible et a lieu à Ered = -0.91 V alors que pour le cubane

[Cu4(L14)4] cette réduction est irréversible et se présente à -1.47 V. Dans chacun des deux

cas, en plus du profil lié à la réduction du cuivre, la signature caractéristique du motif Bodipy porté par les ligands structurants est observée.[98] En effet, tout comme pour les ligands libres, le profil révèle une vague de réduction réversible située respectivement à E1/2 = -1.63 V pour

[Cu(L6)2] et -1.58 V pour [Cu4(L14)4] caractéristique de la formation du radical anion

Bodipy־. Là encore, c’est en enregistrant le profil électrochimique des deux complexes dans le DCM que l’on peut révéler la réversibilité de la vague d’oxydation des composés caractéristique de la formation du radical cation Bodipy•+. Celle-ci se situe à E1/2 = +0.77 V pour [Cu(L6)2] et +0.82 V pour [Cu4(L14)4].

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Figure III-37 : Signature électrochimique du CuII au sein des complexes [Cu(L6)2] (à gauche) et

[Cu4(L14)4] (à droite).