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5-1 Synthèse et étude d’un amphiphile acrylate

DU NANOTUBE DE CARBONE AUX NANOBAGUES

II- 5-1 Synthèse et étude d’un amphiphile acrylate

Afin de valider la polymérisation par les motifs acrylates, un tensio-actif polymérisable par voie radicalaire a été synthétisé. Ce surfactant est composé d’une tête polaire comportant un diacide, d’une chaîne lipophile de 18 carbones et d’un motif acrylate polymérisable par voie radicalaire (Schéma II-10). L’amorce que nous avons choisi est le bombardement électronique, car cette technique a l’avantage de polymériser les motifs acrylates sans introduction d’agent chimique extérieur. Cette étude a pu être réalisée grâce à la collaboration avec l’équipe de Serge Pin et Jean-Philippe Renault du laboratoire de radiolyse au CEA Saclay (CEA/Saclay/DSM/DRECAM).

II-5-1-1- Synthèse d’un amphiphile constitué d’un motif polymérisable acrylate

La synthèse de la molécule II-11 s’effectue en 6 étapes (Schéma II-11) à partir de l’acide 6-(benzyloxycarbonylamino)-2-(tert-butoxycarbonylamino)hexanoïque qui, après activation préalable de l’acide par le NHS en présence d’EDCI, est couplé à l’octadécylamine pour donner la molécule II-6. Le groupement protecteur tert-butoxycarbonyle de la molécule II-6 est déprotégé par l’acide trifluoroacétique et conduit à l’amine II-7.

Schéma II-11 – Synthèse de l’amphiphile polymérisable par un motif acrylate (II-11)

La dialkylation de II-7 par le 2-bromoacétate de terbutyle dans l’acétonitrile à 80°C conduit à l’espèce II-8. L’amine en position 6 du composé II-8 est ensuite déprotégée par hydrogénolyse du groupement benzyloxycarbonyle dans le méthanol, pour donner le produit II- 9. Le composé II-10 est obtenu par acylation de la molécule II-9 par le chlorure d’acryloyle. Enfin, la déprotection des deux esters tert-butyliques de la molécule II-10 par l’acide trifluoroacétique conduit à la molécule amphiphile polymérisable II-11 avec un rendement global de 30%.

L’amphiphile polymérisable par le motif acrylate a ensuite été assemblé à la surface de nanotubes de carbone multi parois avant d’être polymérisé par bombardement électronique.

II-5-1-2- Autoassemblage de l’amphiphile

II-11

à la surface de nanotubes de carbone

Une expérience d’adsorption a été réalisée avec le tensio-actif II-11 sur des MWNTs n- Tec dans le but de vérifier si ce type de molécule a la capacité de s’assembler sous forme d’anneaux à la surface des nanotubes.

Pour ce faire, 50 mg de la molécule II-11 ont été solubilisés dans un tampon TRIS/glycine/SDS à une concentration de 1 mg/mL, auquel ont été rajoutés 50 mg de nanotubes de carbone multi parois. Cet échantillon a par la suite été soniqué pendant 3 min à la sonde de sonication afin d’obtenir une suspension stable de nanotubes de carbone. La solution est ensuite dialysée avec une membrane de dialyse de porosité 25000 daltons afin d’éliminer le SDS présent dans le tampon.

Les échantillons sont ensuite observés par microscopie électronique à transmission par coloration négative à l’acétate d’uranyle (Figure II-47).

Figure II-47 – Images MET de l’assemblage de la molécule II-11 à la surface de nanotubes de carbone – Echelles : (A) 50 nm ; (B) 50 nm

Les clichés de microscopie électronique montrent que les autoassemblages en anneaux sont possibles à partir de la molécule amphiphile II-11. L’observation de ces arrangements est toutefois moins évidente en comparaison de ceux observés avec le tensio-actif II-4, car les

anneaux ne sont visibles en microscopie qu’à la périphérie des nanotubes et non sur toute leur surface, comme dans le cas des anneaux de première génération.

Au vu de ces résultats, il peut être remarqué, par analyse des différentes images de microscopie, que les anneaux formés à la surface des MWNTs ont un diamètre de 20 à 25 nanomètres pour une épaisseur d’environ 5 nanomètres.

II-5-1-3- Méthode de polymérisation des motifs acrylates

La nouvelle méthode de polymérisation envisagée pour ce type de surfactant est la polymérisation radicalaire de motifs acrylates.

La polymérisation radicalaire est une réaction en chaîne qui s’effectue en trois étapes :63  La première étape est

l’initiation ou amorçage de la réaction

, qui nécessite la production d’un radical. Celui-ci est généralement produit par coupure homolytique d’un initiateur, donnant lieu à deux radicaux réactifs qui viennent s’additionner sur le premier monomère pour produire la réaction d’initiation (Schéma II-12 – A).

 La deuxième étape est

la propagation de chaîne

, qui consiste en l’addition successive d’un grand nombre de monomères sur le radical initié à l’étape précédente. Chaque addition crée un nouveau radical de la même espèce, plus grand d’une unité monomère (Schéma II-12 – B).

 Enfin, la dernière étape est

la terminaison de chaîne

, qui stoppe le processus de propagation. Deux mécanismes de terminaison peuvent se produire : le mécanisme de terminaison par recombinaison consiste en la recombinaison de deux macro-radicaux l’un sur l’autre conduisant à la formation d’un « polymère mort » (Schéma II-12 – C) ; le mécanisme par dismutation implique le transfert d’un hydrogène radicalaire, en béta du centre radicalaire, vers un autre centre, lui aussi radicalaire, qui donne lieu à la formation de deux polymères : l’un saturé et l’autre insaturé (Schéma II-12 – D).

A - Initiation I R

+

R H2C CHY

+

R R C C Y H H H B - Propagation R C C Y H H H H2C CHY

+

R C C Y H H H C C H H Y H R C C Y H H H C C H H Y H H2C CHY

+

R C C Y H H H C C H H Y H C C H H Y H C C Y H H H C C H H Y H C C H H Y H n H2C CHY

+

C C Y H H H C C H H Y H C C H H Y H n+1

C - Terminaison par recombinaison

C C H H Y H C C H H Y H

+

C C H H Y H C C Y H H H D - Terminaison par dismutation

C C H H Y H C C H H Y H

+

C C H H Y H C C H Y H

+

H

Schéma II-12 – Mécanisme de polymérisation par voie radicalaire63

La première étape de cette réaction est l’initiation de la chaîne par formation d’un radical réactif qui vient s’additionner sur le premier monomère. L’initiation de la polymérisation peut être déclenchée par une variété de méthodes permettant la production d’un radical réactif. Ces espèces peuvent être générées par des méthodes telles que thermiques, photochimiques, oxydoréductions ou par un rayonnement ionisant.

La méthode d’initiation de polymérisation, que nous avons retenu pour notre étude, est

la

production de radicaux par des rayons ionisants

et plus particulièrement par des radicaux hydroxyles formés lors de la radiolyse de l’eau par un accélérateur linéaire d’électrons (LINAC) ou par une source de rayons γ. Cette méthode est très intéressante car, comme pour les motifs diacétyléniques, cette polymérisation n’implique pas l’utilisation d’agent chimique pour initier la réaction et supporte différentes conditions expérimentales. Néanmoins, les interactions de ces radiations avec la matière sont complexes et peuvent produire différents types de radicaux lors de la radiolyse de l’eau (Schéma II-13). L’espèce majoritaire reste cependant le radical hydroxyle.

Schéma II-13 – Réaction intervenant au cours de la radiolyse de l’eau63

La polymérisation est conduite par irradiation des échantillons pour induire la formation de radicaux hydroxyles qui viennent initier la réaction. L’énergie apportée à l’échantillon, aussi appelée dose (exprimée en Gray, Gy, ou Joule par kilogramme, J/kg), est proportionnelle à une quantité finie de radicaux. Il est donc possible de contrôler l’initiation de la réaction, et donc le nombre de radicaux formés, en influant sur la dose fournie à l’échantillon. Pour chaque source (électrons ou rayon γ), un débit de dose, correspondant à l’énergie fournie à la matière par unité de temps (en Gray par heure, Gy/h), est mesuré. Connaissant cette valeur, la production des radicaux hydroxyles peut être contrôlée par une exposition à la source plus ou moins prolongée.

Dans le cas du LINAC au laboratoire de radiolyse du CEA à Saclay, le débit de dose généré par la source d’électron pulsée est très important et permet d’obtenir une dose de 20 Gy par impulsion de 10 ns à une fréquence d’environ 20 Hz. L’avantage de ce système est que les électrons accélérés possèdent une énergie pouvant atteindre 10 MeV, permettant d’atteindre des doses importantes sur des temps très courts : 60000 Gy en 2 minutes environ.

Par la suite, une source de rayons γ a été utilisée pour initier les réactions de polymérisation. L’irradiation a été conduite en utilisant une source de 137Cs à l’institut Curie (installation IBL637, université d’Orsay) délivrant un débit de dose de 38 Gy/min. Cette source d’irradiation a été utilisée suite à la panne du LINAC. Les temps d’irradiation ont du être rallongés pour obtenir une dose similaire à celle délivrée par le LINAC.

II-5-1-4- Polymérisation des assemblages de

II-11

sur MWNT au LINAC

Pour la mise en évidence de la polymérisation des motifs acrylates, des échantillons de nanotubes de carbone, recouverts de l’amphiphile II-11 structuré en anneaux, ont été irradiés par le LINAC.

Pour ce faire, trois échantillons de nanotubes de carbone multi parois recouverts de l’amphiphile II-11 ont été irradiés à différentes doses (30000 Gy, 60000 Gy et 90000 Gy) dans le but de déterminer la dose efficace engendrant la polymérisation des motifs acrylates. Pour favoriser la production préférentielle de radicaux hydroxyles, chaque échantillon est dégazé et conditionné à l’azote. De plus, le milieu tamponné de la solution (pH=8) permet de produire majoritairement des électrons aqueux par rapport aux atomes d’hydrogène radicalaires. Ces électrons peuvent, de la même manière que les radicaux hydroxyles, initier la polymérisation.

Après polymérisation, chacun des échantillons est centrifugé puis lavé avec du tampon TRIS/Glycine sans SDS afin d’éliminer les produits de dégradation qui auraient pu se former lors de la polymérisation. En effet, lors de la radiolyse, la présence de nombreux radicaux peut dégrader le tensio-actif II-11 par des réactions radicalaires ayant lieux sur des sites autres que les motifs acrylates.

Les échantillons ont ensuite été observés par microscopie électronique à transmission par coloration négative à l’acétate d’uranyle dans le but de vérifier si les anneaux de surfactants étaient intacts après polymérisation.

Figure II-48 – Images MET de l’assemblage de la molécule II-11 à la surface de nanotubes de carbone après polymérisation par bombardement électronique à 3000 coups (A & B) et à 4500 coups (C) -

Echelles : (A) 50 nm ; (B) 50 nm ; (C) 50 nm

Les clichés de microscopie électronique à transmission ont montré que les autoassemblages n’avaient pas été détruits lors de la polymérisation initiée par les radicaux hydroxyles (Figure II-48). Cette observation nous indique que la nouvelle voie de polymérisation envisagée peut être appliquée à la réticulation des anneaux de surfactants. Les doses utilisées semblent un peu élevé par rapport aux données de la littérature sur la polymérisation de motifs acrylates par radiolyse de l’eau.64-67 En effet, des doses moins importantes de 10 à 20 kGy devraient être suffisantes pour effectuer cette réticulation.

Enfin, l’efficacité de la polymérisation de l’amphiphile II-11 a été évaluée par une extraction en milieu organique de deux échantillons de nanotubes recouverts d’anneaux : un polymérisé et l’autre non. Pour cela, chaque échantillon est centrifugé dans le but de faire sédimenter les nanotubes. Le surnageant est éliminé, et remplacé par un mélange de dichlorométhane et de méthanol. Cette solution est soniquée pendant 5 minutes dans un bain à ultrason et centrifugée à nouveau, de façon à éliminer le solvant organique. Les nanotubes sont repris dans un tampon TRIS/glycine et dispersés à l’aide de la sonde de sonication. Au final, l’échantillon non polymérisée sédimente au bout de quelques minutes, alors que celui qui a été polymérisé est redispersé en solution et stable, du fait de la persistance des anneaux à la surface des nanotubes de carbone. Ce test simple met en évidence l’efficacité de la réticulation.

Un nouveau surfactant polymérisable via des motifs acrylates a été synthétisé afin de valider une nouvelle voie de polymérisation. Celle-ci est initiée par les radicaux hydroxyles formés lors de la radiolyse de l’eau par bombardement électronique (LINAC). Le tensio-actif II-11 se structure en anneaux à la surface des nanotubes de carbone, de la même façon que l’amphiphile II-4. La chaîne lipophile de II-11 étant plus courte, les anneaux formés à partir de cet amphiphile sont plus fin que les nanobagues formées à partir de II-4, mais avec un diamètre comparable.

Cette voie de polymérisation peut donc être employée pour la synthèse d’anneaux doublement polymérisables en diminuant la dose de radiation pour initier la polymérisation par les radicaux hydroxyles avec une dose d’environ 10 kGy. Au vu des résultats présentés dans cette partie, un nouveau surfactant doublement polymérisable a été synthétisé et étudié, ce dernier étant polymérisé via des motifs diacétyléniques (irradiation UV à 254 nm) et des motifs acrylates (radiolyse de l’eau).