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2-1 Autoassemblages supramoléculaires d’amphiphiles en solution

DU NANOTUBE DE CARBONE AUX NANOBAGUES

II- 2-1 Autoassemblages supramoléculaires d’amphiphiles en solution

Les molécules amphiphiles (amphi, dérivé du grec, signifie les deux), plus communément appelées surfactants ou « savons », sont des molécules organiques ayant la particularité d’être à la fois hydrophiles et hydrophobes. Ces espèces aux propriétés antagonistes s’organisent spontanément en solution aqueuse sous différentes microstructures telles que la micelle par exemple.27-32

Pour expliquer le phénomène d’agrégation des amphiphiles, il est important de comprendre comment l’ajout de ces espèces en solution aqueuse provoque ce processus. Prenons comme exemple une molécule amphiphile usuelle : le dodécylsulfate de sodium (SDS) qui est connu pour former spontanément des micelles en solution (Schéma II-1).

Cette molécule est constituée d’une partie polaire, avec une fonction sulfate de sodium, et d’une partie hydrophobe, constituée d’une chaîne alkyle de douze carbones. Cette espèce a donc un caractère amphiphile. Le SDS, en solution dans l’eau à une concentration inférieure à 2,3 g/L, se comporte de façon similaire à un électrolyte tel que le NaCl, à une exception près : la tension de surface de la solution aqueuse diminue à mesure que la concentration en SDS augmente (Figure II-17). La chaîne lipophile de la molécule de SDS étant insoluble en milieu aqueux, cette espèce vient se concentrer à l’interface air-eau avec les chaînes hydrophobes orientées du coté de la phase gazeuse. La tension de surface entre l’eau et l’air étant plus importante que celle entre les chaînes carbonées et l’air, l’ajout de surfactants diminue la tension de surface.27

Figure II-17 – Schéma de principe de la formation de micelles33

Cette diminution persistera jusqu’à la saturation complète de la surface de la solution aqueuse par le surfactant. Au-delà, l’ajout de surfactant ne change pas la tension de surface, qui devient quasiment constante. Ce point particulier, où la tension de surface n’évolue plus par ajout de tensio-actifs, est appelé la concentration micellaire critique (CMC).

A la concentration micellaire critique, un phénomène de séparation de phase et de dispersion moléculaire en solution apparaît, engendrant la formation de microphases dans lesquelles les surfactants s’autoorganisent. Dans ces phases, les chaînes lipophiles s’agrègent pour former un domaine hydrophobe au cœur de la micelle, et les chaînes hydrophiles s’orientent du coté de la phase aqueuse. Les chaînes de carbone dans ce type de micelles sont généralement désordonnées, de telle façon que le cœur de la micelle se comporte comme un petit volume liquide de chaînes carbonées.34

La formation des micelles résulte de deux effets opposés : le transfert de la chaîne carbonée de la phase aqueuse vers la phase lipophile du cœur de la micelle, et la répulsion des têtes hydrophiles au fur et à mesure qu’elles se rapprochent. La résultante de ces deux facteurs est la création de micelles avec des tailles maximales définies. Par exemple, dans le cas du SDS, les micelles sphériques sont formées de 60 molécules. Enfin, au-delà de la CMC, l’ajout de surfactants n’a pour effet que la formation de micelles supplémentaires.

Trois caractéristiques générales peuvent être exposées concernant la capacité des molécules amphiphiles à former des micelles :27

 Les agrégats micellaires se forment spontanément en solution aqueuse à une concentration précise appelée concentration micellaire critique (CMC). Cette concentration dépend de la nature chimique de la molécule et de la nature de la solution aqueuse (température, pH, sels, …).

 Les agrégats micellaires sont formés selon un procédé « start and stop », car l’ajout de surfactants dans la solution (au dessus de la CMC) n’engendre que la formation de nouvelles micelles de mêmes tailles.

 Les propriétés des micelles sont bien définies. Par exemple, le rayon d’une micelle sphérique ne dépend que de la longueur de la chaîne carbonée de la molécule de surfactants.

Le terme « micelle » ne désigne pas uniquement des espèces sphériques, mais aussi la totalité des agrégats solubles dans l’eau, qui apparaissent lors de la séparation de phase des surfactants à une concentration supérieure à la CMC, et qui se forment spontanément et de façon réversible.34 Ces agrégats peuvent être de petites sphères ou disques, de longs cylindres, des bicouches planes, des vésicules ou liposomes, des structures bicontinues…

Israelachivili démontra qu’il est possible de prédire la structure et la taille des agrégats micellaires, possédant un domaine hydrophobe à l’état fluidique, en connaissant le volume et la longueur de la chaîne hydrophobe, et la surface de la tête polaire du surfactant.32 Pour cela, il détermina un paramètre d’empilement critique (« Critical packing parameter » : CPP) ou paramètre de surfactants (« Surfactant parameter » : Ns) pour des systèmes dilués, permettant la prédiction de chaque structure micellaire (Figure II-18). Ce paramètre prend en compte trois variables :

 une contribution hydrophobe favorable due à l’agrégation des chaînes lipophiles dans le domaine hydrophobe.

 un terme de surface prenant en compte la tendance opposée des têtes polaires à se rapprocher pour limiter les interactions entre la phase aqueuse et le domaine hydrophobe, et à se repousser par des effets de répulsion électrostatique, de répulsion stérique et d’hydratation.

 un terme d’empilement prenant en compte l’exclusion de l’eau de la partie lipophile et la géométrie des agrégats dirigés par la tête hydrophile.

Figure II-18 – Structures des agrégats micellaires selon la structure des surfactants29,32 Le paramètre CPP est calculé par la relation suivante :27,29,30,32,35

0 a l v N CPP c S = × =

Le terme v correspond au volume de la partie carbonée en nm3 et est donnée par la relation suivante :

(

nc nMe

)

v=0,027× +

où nc est le nombre total de carbone, nMe le nombre de méthyles (qui sont deux fois plus grands qu’un CH2) et 0,027 correspond au volume d’un méthyle en nm

3.

Le terme lc correspond à la longueur totale de la chaîne hydrocarbonée en nm et est donnée par :

c

c n

l =0,15+0,127×

où nc est le nombre total d’atomes de carbone, 0,15 correspond au rayon en nm du méthyle terminal et 0,127 à la longueur de la liaison carbone-carbone en nm de la chaîne hydrocarbonée, projetée dans la direction de la chaîne en configuration trans.

Le terme ao correspond à l’aire de la tête polaire. Le calcul de cette valeur est assez compliqué car, pour un amphiphile ionique, l’aire de la partie polaire va dépendre de l’environnement externe et en particulier du pH, de la force ionique ou de la concentration en surfactants et électrolytes. Pour des surfactants zwittérioniques ou neutres, l’aire est moins sensible à l’environnement externe. Le paramètre d’empilement critique étant utilisé à titre qualitatif, la structure des agrégats micellaires peut être calculée à partir de gammes de valeurs de ao. On peut donc déterminer des ordres de grandeurs de CPP pour chaque structure micellaire :

 pour des micelles sphériques,

CPP<0,33

 pour des micelles cylindriques,

0,33<CPP<0,50

 pour des liposomes ou vésicules,

0,50<CPP<1,00

 pour des bicouches,

CPP≈1,0

 pour des micelles sphériques ou cylindriques inverses,

1,0<CPP

A partir de la valeur du paramètre d’empilement critique calculée, les structures micellaires peuvent être prédites à partir de la structure de la molécule amphiphile étudiée. Dans le cas du SDS, le paramètre d’empilement critique est de 0,35 (ao=60 Å

2, l=1,7 nm, v=0,35 nm3), donc la structure est principalement sous forme de micelles sphériques. Le rayon d’une micelle sphérique telle que le SDS est quasiment égal à la longueur de la chaîne hydrocarbonée, soit environ 2,0 nm. La micelle de SDS comporte environ 60 molécules pour un poids moléculaire d’environ 18000 Da et une CMC d’environ 0,2% (w/v).