• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE V : RESULTATS ET DISCUSSIONS V-1 Caractéristiques physiques du sol

V- 4-2 Synthèse du fonctionnement salin et géochimique

L’étude du fonctionnement salin et géochimique vise à répondre à trois questions. Où se trouve le sel au départ ? Comment se déplace-t-il au cours des événements hydrologiques? Et par quels mécanismes ?

La conséquence principale des épisodes alternés de transgression et de régression marines ayant ponctué la mise en place du DFS, est l’accumulation de quantités de sels importantes dans les sédiments argilo-sablo-limoneux laissés par la mer lors de son retrait (Michel et Durand, 1978). En effet, le fait que le delta soit mis en place dans un milieu originellement marin et plus ou moins confiné a entrainé le fait que les sels soient incorporés dans tous les paysages aussi bien au niveau des sols que de la nappe peu profonde. Une pédogenèse hydrique et saline a donc caractérisé l’évolution des sédiments (Loyer, 1989). Cette salinité est, le plus souvent, de type chloruré sodique (présence de halite) mais peut être aussi sulfatée calcique (présence de gypse). La pyrite est également présente dans les sols et provient de la réduction des sulfates et des oxydes de fer facilitée par une activité bactérienne liée à la présence de la mangrove. Actuellement, la pédogenèse est sans nulle doute contrôlée par le degré de submersion des eaux douces par irrigation (Deckers et al., 1996) qui peut créer, selon Boivin et al. (1998), de nouvelles conditions pédogénétiques.

La distribution spatiale de la salinité du sol est difficile à prévoir mais semble se faire par bandes étroites de 100 à 150 m dans les cuvettes et les bordures des bourrelets des berges (Barbiero, 1999; Boivin et al., 1988; Gascuel-Odoux et Boivin, 1994). Ces bandes correspondent à d’anciens chêneaux ou marigots actuellement comblés. Par contre, l’augmentation de la salinité du sol avec la profondeur est démontrée par différents travaux de cartographie de la salinité (Boivin et al., 1988; Ceuppens et al., 1997; Diop, 1998; PGE, 1997;

Wade, 1998). Les mesures de conductivité électrique apparente du sol, réalisées à Ndelle et à Ndiaye, confirment ces observations quant à la variabilité spatiale de la salinité à l’échelle de la parcelle irriguée et son augmentation avec la profondeur.

Tout comme le sol, la nappe superficielle présente une forte salinité dont l’origine est attribuée à l’histoire géologique de la mise en place du DFS (Audibert, 1970; Ceuppens et al., 1997; Loyer, 1989). L’étude hydrochimique réalisée à l’échelle du delta confirme cette forte salinité de la nappe avec des valeurs de CE qui peuvent atteindre 80 ms/cm et un faciès Na-Cl dominant quelle que soit la période de l’année. L’étude des processus de minéralisation a 158

permis de confirmer l’origine marine des eaux dont la minéralisation a évolué vers des saumures du fait de la forte évaporation qui a conduit à une surconcentration (Diaw, 2008;

Kloppmann et al., 2011; Le Brusq et Loyer, 1983). Comme pour la salinité du sol, la salinité de la nappe est inégalement répartie. Toutefois, un adoucissement semble se produire dans les piézomètres où la nappe est en contact plus ou moins permanent avec les eaux douces du fleuve. Cet adoucissement semble se s’accompagner de phénomènes d’échanges ioniques largement mis en évidence dans cette étude.

A l’échelle des parcelles irriguées, on s’attendait à une répartition plus ou moins homogène de la CE. Cependant, les mesures faites à Ndelle et à Ndiaye montrent une grande variabilité de la CE de la nappe d’un piézomètre à l’autre, même distant de 100 mètres seulement. Ce constat sur la répartition de la salinité dans le sol et la nappe, montre le lien étroit qui existe entre ces deux phénomènes. En effet, au-delà de l’histoire géologique qui justifie la présence importante des sels, les deux phénomènes semble évoluer de la même manière.

L’irrigation est assurée à partir de l’eau du fleuve qui présente une bonne aptitude en la matière, avec un SAR<1. Cette eau est faiblement minéralisée et présente un faciès bicarbonaté calcique ou magnésien. Le suivi de la CE de cette eau durant l’irrigation montre qu’elle reste stable, de l’ordre de 100 µS/cm. Cependant, au contact de la surface du sol dans la parcelle, la CE de l’eau d’irrigation augmente et ceci a été constaté aussi bien à Ndelle qu’à Ndiaye. Cette augmentation est vraisemblablement due à la dissolution des sels présents à la surface du sol formés lors des périodes durant lesquelles l’évaporation est importante. Ces sels sont dissouts par l’eau d’irrigation et migrent en profondeur entrainés par le front de percolation. Ceci explique la baisse, notée par la suite, de la CE de l’eau de submersion. Les eaux de drainage évacuées des parcelles sont plus minéralisée avec des CE de 1000 µS/cm. La CE de l’eau d’irrigation du fleuve peut donc être multipliée par un facteur 10 entre son entrée dans la parcelle et son évacuation par drainage. Cette augmentation de la salinité est due à trois facteurs : la dissolution des sels incorporés dans les sédiments du sol, la mobilisation des sels présents dans la nappe qui remonte suite à l’irrigation et l’effet de l’évaporation. L’étude hydrochimique de ces différentes eaux montre une augmentation des teneurs en Na et en Cl depuis l’eau d’irrigation jusqu’à l’eau de drainage.

Au niveau du sol, on note, au niveau des deux sites étudiés, une augmentation de la conductivité apparente durant toute la période de culture. Cette augmentation est essentiellement liée à l’augmentation de la teneur en eau du sol. Ainsi, à l’arrêt de l’irrigation,

159

la conductivité électrique apparente du sol baisse et suit les mêmes variations que la teneur en eau du sol pendant l’hivernage.

La conductivité électrique de la solution du sol quant à elle évolue de la même manière que la conductivité électrique apparente du sol à Ndelle sur tout le profil. Les valeurs de conductivité électrique de la solution du sol, estimées à partir des conductivités électriques apparentes, varient entre 0.5 et 1 mS/cm avant irrigation et 3 et 8 ms/cm durant l’irrigation. Par contre, à Ndiaye, l’augmentation de la conductivité électrique de la solution du sol pendant l’irrigation n’est observée qu’à 20 et 40 cm de profondeur. A 60 et 80 cm, celle-ci diminue durant l’irrigation. L’augmentation entre 20 et 40 cm peut être liée à la migration des solutés mobilisés en surface et la diminution en profondeur à une remise en équilibre de la solution avec l’arrivée d’une eau moins salée. A l’arrêt de l’irrigation, la conductivité de la solution du sol augmente surtout en profondeur (à 80 et 60 cm) et avoisine celle de la nappe. Pendant l’hivernage on note aussi une augmentation de la conductivité de la solution du sol en profondeur, certainement liée à la remontée de la nappe.

Le suivi de la qualité chimique de la solution du sol à travers les bougies poreuses montre, à partir les profils des différents éléments chimiques, une ressemblance entre les profils de CE, de Na et de Cl, preuve que la minéralisation globale est essentiellement contrôlée par ces deux éléments.

Le suivi de la CE de la nappe par sonde manuelle montre un comportement différent en fonction des piézomètres. Dans certains piézomètres, la CE de la nappe varie très peu avec l’irrigation. Dans d’autres piézomètres, on note une diminution de la CE durant l’irrigation due à l’arrivée massive d’eau douce. Cette dilution ne s’observe cependant que durant les premiers jours de l’irrigation. La conductivité électrique semble se rééquilibrer par la suite et tendre vers sa valeur initiale. C’est ce comportement qui se décrit à travers les données des sondes CTD qui ont permis un suivi continu de la CE de la nappe. Au début de l’irrigation, on note une baisse de la CE suivie après quelques jours commence par une ré-augmentation.

Cette augmentation, se poursuit jusqu’au début de l’hivernage qui provoque de nouveau une diminution. Après l’hivernage, la CE augmente à nouveau, avant d’être freinée par le nouvel apport d’eau douce lors du maraichage. Les apports d’eau par irrigation ou par la pluie semblent donc tout de même provoquer une dilution des sels dans la nappe. Cependant, cette dilution n’est que superficielle et temporaire.

160

En définitif, le sol et la nappe du DFS sont naturellement salés du fait des conditions de genèse. La conductivité électrique augmente avec la profondeur et est maximale dans la nappe. L’apport important d’eau douce peut créer une dilution de la solution du sol et parfois même de la nappe. Ainsi, tout comme le fonctionnement hydrique qui est cyclique, les transferts de solutés semblent également suivre un cycle en relation avec le fonctionnement hydrique. En condition initiale (avant irrigation), le sol est sec et salé. La salinité augmentant avec la profondeur. L’apport d’eau par irrigation, crée une saturation du sol et une remontée de la nappe devenue subaffleurante. Il se crée une zone de dilution entre la lame d’eau et la nappe. A la fin de l’irrigation, le sol redevient sec et salé et la nappe retrouve sa profondeur et sa salinité.