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Chapitre 1 : Etude du rôle du mannitol dans la protection contre les stress oxydatifs et dans

2. Chapitre 1.b : Etude du transport du mannitol dans l’interaction A. brassicicola / Brassicacées

2.11. Synthèse et discussion des résultats

(Le tableau 4 rassemble les principaux résultats.)

Comme nous l’avons montré dans la première partie de ce chapitre, le rôle du mannitol dans le processus infectieux ne semble pas être essentiel à la virulence, néanmoins la perturbation de ses voies métaboliques affecte l’agressivité d’A. brassicicola et sa capacité à sporuler in planta. Jennings

et al. (1998) ont mis en évidence que la sécrétion de mannitol est fortement induite chez A. alternata

en présence d’extraits de feuille de tabac. Ces résultats ont été reproduits chez A. brassicicola en présence d’extrait de choux suggérant que comme A. alternata, il s’agit d’une espèce sécrétrice de mannitol. La quantité de mannitol détectée dans le filtrat de culture en présence d’extrait de plante hôte largement supérieure à celle retrouvée dans les filtrats de culture non supplémentés ou supplémentés en extrait de plante non-hôte (tomate) semble indiquer que des molécules d’origine végétale, spécifiques de la plante hôte, induisent sa sécrétion. La nature de ces effecteurs n’est cependant pas connue à ce jour. On ne peut toutefois pas totalement écarter l’hypothèse que les relativement faibles quantités de mannitol détectées dans les filtrats de cultures pourraient provenir d’une lyse de certaines cellules fongiques plutôt que d’une sécrétion active.

Pour mesurer de façon directe l’importance de la sécrétion de mannitol fongique dans le pouvoir pathogène des champignons, l’étude du comportement de mutants déficients pour cette fonction a été envisagée dans le cadre de cette thèse. Cependant lorsque notre étude a débuté, les seules protéines eucaryotiques connues assurant le transport de ce polyol appartenaient principalement au règne végétal, comme par exemple AtPLT5 caractérisée chez A. thaliana (Lemoine

et al., 2001), et aucun transporteur de polyol n’avait encore été identifié chez les champignons filamenteux,. Le gène Abtp1 a été sélectionné parmi plusieurs candidats sur les bases d’homologies avec les autres transporteurs de polyols putatifs décrits chez A. thaliana (AtPLT1, AtPLT2, AtPLT3, AtPLT4, et AtPLT6) (Klepek et al., 2005) et la présence de séquences consensus des transporteurs de la famille MFS spécialisés dans le transport de sucres.

Les résultats de caractérisation de la séquence codante du gène Abtp1 suggèrent une régulation post-transcriptionnelle du gène par épissage alternatif (figure 61). Le gène Abtp1 peut donner lieu à deux protéines putatives. La forme fonctionnelle est encore inconnue. Le séquençage du pool de transcrits Abtp1 extraits in planta dans des conditions où le gène est surexprimé permettrait de déterminer la forme épissée majoritaire.

Lors de l’expression hétérologue du gène dans la levure, seule la séquence débutant au deuxième ATG prédit a été clonée dans le vecteur d’expression. L’absence de mannitol radiomarqué incorporé dans les cellules de levure exprimant AbTP1b peut donner lieu à diverses interprétations.

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En effet pour que ce type d’expérience soit un succès, la protéine exprimée doit être fonctionnelle, adressée à la membrane et capable d’assurer un transport de mannitol du milieu extérieur vers le cytoplasme. Il est donc possible que la protéine AbTP1b ne corresponde pas à la forme fonctionnelle ou que l’adressage à la membrane plasmique n’ait pas eu lieu correctement. De plus, le transporteur

AbTP1 pourrait assurer le transfert de polyol entre les différents compartiments cellulaires ou correspondre à un transporteur n’assurant que l’export. Toutefois le résultat de cette expérience suggère avant tout que ce gène ne code pas un transporteur spécifique de mannitol. Cette hypothèse est confirmée par la caractérisation fonctionnelle d’AbTP1 par génétique inverse. L’intégralité de la séquence génomique comprise entre le premier ATG prédit jusqu’au codon stop a été remplacée par mutagénèse dirigée. Le mannitol sécrété dans les filtrats de culture par les mutants Ab∆tp1 en présence ou en absence d’extraits de Brassicacées n’est pas significativement différent du génotype sauvage. AbTP1 ne semble pas un être un transporteur impliqué dans la sécrétion du mannitol. La perte de la protéine AbTP1 influence toutefois la concentration en mannitol tout au long du cycle de développement d’A.brassicicola. Les métabolismes des différents sucres étant fortement interconnectés, il est possible qu’AbTP1 influe sur la concentration en mannitol de manière indirecte.

Le transporteur putatif AbTP1 d’A. brassicicola est phylogénétiquement éloigné des transporteurs de mannitol décrits chez les végétaux A. thaliana ou Apium graveolens. Cette distance phylogénétique peut s’expliquer par l’éloignement évolutif entre les champignons et les végétaux. La possibilité qu’AbTP1 soit un transporteur de glucose ne peut pas être exclue. Il est également possible que le transporteur potentiel n’ait pas de spécificité absolue pour son substrat et qu’il puisse interagir avec plusieurs sucres ou polyols dont le mannitol.

Dans le cadre de la recherche de transporteurs de mannitol et de leur implication dans le processus infectieux, la même démarche expérimentale pourrait être appliquée aux homologues chez A. brassicicola de transporteurs putatifs de polyols récemment caractérisés in silico chez

B. cinerea (Afoufa-Bastien, 2010). Leurs homologues chez A. brassicicola sont respectivement AB09406 et AB01052. Les alignements de la séquence protéique prédite d’AbTP1 avec ces deux dernières séquences génèrent des scores d’homologie très faibles dans les deux cas (autour de 23%). Un BLAST P de la séquence protéique prédite d’AbTP1sur le protéome potentiel de B. cinerea révèle que les plus proches homologues du transporteur d’A. brassicicola sont des hight-affinity glucose transporteurs de type ght1 (BCG1G10092 et BCG1G09068) ou de type RGT2 (BCG1G0311 et BCG1G09891).

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Outre un rôle dans les mécanismes de protection contre les défenses chimiques des plantes hôtes, les transporteurs de sucres pourraient également intervenir durant la phase infectieuse pour détourner les ressources carbonées des végétaux. Cette hypothèse soutenue dans la publication de Dulermo et al. (2009) stipule que le champignon B. cinerae pourrait convertir les hexoses végétaux en mannitol non assimilable par la plante. Des transporteurs fongiques spécialisés pourraient alors être impliqués dans l’import de sucres végétaux lors de l’interaction. Pour tester si AbTP1 est candidat à cette fonction, les sucres végétaux radiomarqués incorporés au mycélium des mutants ou du sauvage lors de l’interaction pourraient être dosés et comparés.

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