• Aucun résultat trouvé

Synthèse des résultats scientifiques sur les dégâts forestiers

De nombreuses études scientifiques ont été menées par des organismes de recherche (Cemagref, INRA, CNRS, ONCFS, universités, etc.) dans divers sites en France pour étudier le lien entre les cervidés et les forêts. Elles ont notamment abouti à la création d‘outils de suivi qui peuvent être classés en deux catégories : les indicateurs basés sur les animaux (comptage à pied, au phare, masse corporelle, longueur de la patte, etc.) et les indicateurs sur le milieu (indice floristique, taux d‘écorçage et taux d‘abroutissement). Notre objectif n‘est pas de résumer tous ces travaux mais uniquement de synthétiser le lien de cause à effet des dégâts sur le pin maritime.

De 1987 à 1992, un programme d‘études associant le CEMAGREF, le GREGE et le GEREA a produit les premiers résultats sur la relation forêt-cervidés sur le Massif des Landes de Gascogne. Il a été financé conjointement par l‘ONC, le Ministère de l‘Agriculture et les FDC des Landes, du Lot-et-Garonne et de la Gironde.

départements ont été étudiés : l‘Oise, le Sarthe, le Tarn, les Vosges et enfin le département des Landes qui fait partie de notre zone d‘étude. L‘équipe responsable de l‘étude était composée par des scientifiques du Cemagref et de l‘ONCFS. Un comité de pilotage national leur a apporté son soutien réunissant l‘ensemble des partenaires concernés (DERF, DNP, FNSPFS, ONF, FNCOFOR, ONCFS, UNFDC, ANCGG, association des DDAF).

En 2003, le rapport de cet observatoire national des dégâts des cervidés a été publié afin d‘informer les professionnels sur l‘impact des cervidés en forêt. C‘est un document de base sur lequel nous allons construire notre raisonnement.

Dans ce document, Ballon et Hamard (2003) définissent un dégât forestier comme étant le résultat de l‘activité d‘un animal pouvant affecter le rendement d‘un peuplement forestier ou remettre en cause l‘objectif assigné à la parcelle. Il existe principalement trois types de dégâts sur les forêts causés par les cervidés : l‘écorçage, l‘abroutissement et le frottis. Nous allons commencer par décrire un par un ces dégâts, les périodes de sensibilité des arbres, la situation actuelle de ces dégâts dans le département des Landes et enfin leurs impacts à long terme selon la littérature.

1.1 L’écorçage

1.1.1 Définition

Il s‘agit d‘une consommation de l‘écorce afin de rechercher un lest digestif riche en éléments minéraux. Seul le cerf engendre ce type de dégâts en milieu forestier, le chevreuil n‘écorce jamais (Cemagref et al., 1992, ONC, 1994). L‘écorçage peut se présenter sous deux aspects très différents en fonction de l‘état physiologique de l‘arbre au moment de la blessure :

L’écorçage en sève ou écorçage d’été : il a lieu lorsque l‘écorce se détache facilement du tronc. L‘animal saisit l‘écorce par la mâchoire et les incisives et tire vers le haut, la blessure se termine souvent en pointe ou au niveau de l‘insertion des branches latérales.

L’écorçage hors sève ou écorçage d’hiver : l‘écorce adhère au bois et l‘animal est obligé de racler l‘écorce avec ces incisives. Les cerfs arrachent de grands lambeaux d‘écorce durant l‘hiver où les autres ressources alimentaires sont insuffisantes.

Figure 3.2 : Photo d’un arbre de pin maritime écorcé par le cerf

Source : CRPF Aquitaine, 2008.

1.1.2 Détermination de l’âge de l’écorçage

Les risques d‘écorçage du pin maritime concernent des peuplements de 4 à 8 ans, ce qui correspond à la période de montée de sève (Cemagref et al., 1992). Les risques d‘atteinte deviennent négligeables à partir de la 10ème année. Ceci peut être expliqué par le fait que l‘écorce n‘est pas encore lignifiée durant cette période et que les plants se trouvent à la hauteur des cerfs à moins de 1,80 m de hauteur, avec une zone d‘attaque moyenne de 1 m du sol (Cemagref et al., 1992, ONC, 1994).

1.1.3 Quantification de l’importance de l’écorçage

A l‘aide de photos aériennes, 7 676 ha de parcelles âgées de 4 à 10 ans ont été identifiés comme sensibles à l‘écorçage en 1997 par l‘Observatoire sur le département des Landes (Ballon et Hamard, 2003). L‘analyse des taux de dégâts se base sur un échantillon 83 parcelles représentant au total 458 ha localisées sur les aires de répartition du cerf. La carte 3.2 montre que la zone au Nord Est du département est fortement touchée par les dégâts d‘écorçage.

Carte 3.2 : Répartition géographique de l’échantillon des parcelles écorcées observées en 1999

Source : Ballon et Hamard, 2003. Les taux d‘écorçage trouvés sont donnés dans la figure 3.3.

Figure 3.3 : Taux d’écorçage mesuré par l’observatoire national des dégâts de cervidés en forêts sur le département des Landes en 2000

Source : Ballon et Hamard, 2003.

Ce graphique montre que le taux d‘écorçage le plus fréquent est la classe des taux d‘écorçage de 0 à 5 %. Par ailleurs, les dégâts d‘écorçage peuvent être très localisés avec des taux d‘atteinte de 90 %. La moyenne pondérée des taux de dégâts est de 26,55 %, soit la classe 20 à 30 %. Notons cependant qu‘il s‘agit d‘une distribution étalée vers la gauche, c'est-à-dire qu‘on a plus de parcelles à faible dégât qu‘à dégât important.

1.1.4 Conséquences de l’écorçage sur le pin maritime

Des expériences menées sur 995 ha ont montré que l‘écorçage n‘engendre pas un ralentissement de la croissance (Cemagref, 1985). Ballon et Maizeret (1991), l‘ONC (1994) montrent que l‘écorçage a rarement lieu sur toute la circonférence de l‘arbre d‘où une mortalité directe négligeable de l‘arbre, moins de 1 % des tiges écorcées. Ils montrent que la tige est affaiblie et peut être exposée aux infections. Ces auteurs laissent cependant sous- entendre d‘autres sources possibles des attaques parasitaires, autre que l‘écorçage.

Cependant, l‘écorçage peut laisser des blessures et des traces qui persistent sur le bois jusqu‘à son enlèvement. Cela peut aboutir à des fentes et à des poches de résine lorsque l‘écorçage a eu lieu durant la période de montée de sève (Cemagref, 1985 ; Ballon et Maizeret, 1991, Cemagref et al., 1992).

Le Cemagref et le GEREA (1988), Ballon et Maizeret (1991) montrent que l‘écorçage altère les qualités technologiques du bois car les arbres écorcés ont une résistance mécanique plus faible au niveau de la blessure. Les analyses réalisées par le Centre Technique de Bois et de l‘Ameublement (CTBA) sur une comparaison entre les bois écorcés et les bois indemnes provenant de semis âgés de 18 ans, font apparaître en faveur des seconds les écarts suivants :

 + 7,7 % sur la résistance à la rupture de compression  + 7,8 % sur la résistance à la rupture en flexion  + 5,2 % sur le module d‘Young en flexion (rigidité)  + 4,9 % sur l‘énergie de rupture en flexion dynamique  + 2,6 % sur la masse volumique

Les tests ont également porté sur la comparaison entre la périphérie et le cœur du bois afin de voir si l‘écorçage touche plus le bois en périphérie mais les différences n‘étaient pas significatives. Le bois écorcé peut donc présenter des défauts esthétiques pouvant diminuer la valeur commerciale des grumes. Ce type de dégât entraîne également une diminution de la résistance mécanique du bois pouvant accentuer la déformation lié au vent.

1.2 L’abroutissement

1.2.1 Définition

Il s‘agit d‘un dégât de type alimentaire engendré par le chevreuil et le cerf (Cemagref et al., 1992 ; ONC, 1994). Ils consomment les aiguilles et les rameaux mais le bourgeon terminal reste leur cible préféré du fait de son appétence (Cederlund et al., 1998, Ballon, Hamard, 2003). En raison de l‘absence de dents sur la mâchoire supérieure de ces espèces, la blessure du pin prend un aspect mâchonné qui permet de la distinguer par rapport à l‘abroutissement d‘autres espèces animales (rongeurs).

Figure 3.4 : Photo d’un pin maritime abrouti par les cervidés

Source : CRPF Aquitaine, 2008.

1.2.2 Détermination de l’hauteur et de l’âge des arbres abroutis

Les pousses terminales peuvent être abrouties tant que la hauteur est inférieure à 1,20 m pour le chevreuil et 1,80 m pour le cerf (Cemagref, 1985 ; ONC, 1994 ; Cemagref et al., 1992). En général, l‘abroutissement ne concerne donc que les trois premières années du peuplement. Ceci n‘écarte pas les risques d‘attaque des bourgeons à une hauteur plus élevée dans certains cas particuliers tels qu‘une neige épaisse, une pente forte ou que l‘animal se hisse sur les tiges inférieurs et les casse pour atteindre les pousses inaccessibles.

1.2.3 Quantification de l’importance de l’abroutissement dans le département des Landes

En 1999, 6 314 ha de forêts de pin maritimes réparties sur 821 parcelles ont été considérés comme sensibles à l‘abroutissement et au frottis par l‘Observatoire départemental des dégâts forestiers (Ballon et Hamard, 2003). Ceci-ci représente environ 1 % du Massif Landais hors zones des dunes littorales et zones inaccessibles aux animaux (camp militaire de Captieux et de Mimizan). L‘échantillon concerne 216 parcelles représentant 1 355 ha réparties sur tout le

du département (ex : Ychoux, Rochefort, Sabre). Les parcelles se trouvant dans la zone de répartition du cerf semblent présenter des taux de dégâts élevés.

Carte 3.3 : Répartition géographique de l’échantillon des parcelles abrouties et frottées observées en 1999 sur le département des Landes

Source : Ballon et Hamard, 2003.

Les résultats sur tout le département des Landes sont résumés dans la figure 3.5.

Figure 3.5 : Taux d’abroutissement et de frottis mesuré par l’Observatoire national des dégâts de cervidés en forêts sur le département des Landes en 1999

Source : Ballon et Hamard, 2003.

Dans ces résultats, les dégâts d‘abroutissement sont mélangés avec les frottis puisque ces deux types de dégâts ont lieu sur des peuplements de moins de 3 ans. La classe la plus

24,32 %, soit la classe de 20 à 30 %. Notons cependant qu‘il s‘agit d‘une distribution étalée vers la gauche, c'est-à-dire qu‘on a plus de parcelles à faible taux de dégât qu‘à taux de dégât important.

1.2.4 Conséquences de l’abroutissement sur le pin maritime

Les altérations sur la tige principale peuvent provoquer des défauts irréversibles du plant. Selon le Cemagref et le GEREA (1988) et l‘ONC (1994), les conséquences de l‘abroutissement sont de trois sortes :

Une mortalité des plants : les plants les plus jeunes ont de faibles chances de survivre après un abroutissement. Le risque est cependant plus élevé pour les semis que les plantations car les chevreuils risquent d‘arracher complètement la jeune pousse. La mortalité devient pratiquement nulle sur les plants plus âgés. Elle n‘arrive que si l‘attaque est répétée où elle diminue fortement la hauteur de plus de 25 %.

Un retard de croissance : les abroutissements répétés de la pousse terminale réduisent la croissance en hauteur de l‘arbre et peuvent le maintenir pendant des années à portée du gibier. Ceci dépend cependant de l‘espèce de l‘arbre, les résineux tels que le sapin pectiné subissent une plus forte réduction de croissance que les feuillus. Si l‘atteinte concerne une forte proportion des pousses latérales, il peut également y avoir des effets de baisse de croissance par diminution de la photosynthèse.

Les études, menées par le Cemagref, le GEREA et le GREGE (1987 à 1992) ont montré que sur 18 parcelles observées, 2 montraient des vitesses de croissance réduites par l‘abroutissement, soit 11,1 %. Il est à remarquer que ces deux parcelles se trouvent dans les landes sèches, qui sont des milieux pauvres en ressource alimentaire pour les cervidés.

Une production de plusieurs pousses : lorsque le bourgeon terminal est abrouti, il est remplacé par plusieurs bourgeons latéraux (cf. figure 3.6), le plant perd ainsi sa dominance apicale et la qualité sylvicole de l‘arbre peut être altérée. Il est important de noter que le phénomène de fourchaison n‘est pas lié uniquement à l‘abroutissement mais également aux attaques parasitaires, au gel et aux grêles. Le Cemagref et al. (de 1987 à 1992) montrent que les plants abroutis ont 3 % de risque en plus d‘être fourchus si le dégât a lieu la 2ème année et 34 % de risques si l‘attaque a lieu la 3ème année. C‘est le conséquence le plus important de l‘abroutissement (Cemagref et al,. 1989, 1992).

Figure 3.6 : Photos d’un arbre de pin maritime fourchu après un abroutissement

Source : ONC, 1994.

Une relance de la croissance : le Cemagref, le GEREA et le GREGE (1988, 1989) découvrent que 8 parcelles d‘expériences sur 18 enregistraient une croissance significativement plus rapide que les arbres non abroutis soit 44 %. Les conséquences de l‘abroutissement sont donc ambiguës.

1.3 Le frottis

1.3.1 Définition

Le frottis est dû aux mâles des cervidés (chevreuils et cerfs) qui frottent leur bois sur les tiges des jeunes arbres (Cemagref et al., 1992). L‘écorce est arrachée et la tige est dénudée et quelques fois même cassée. Il arrive souvent que ce type de dégât soit confondu avec l‘écorçage mais il s‘agit d‘un dégât se caractérisant par la non consommation des lambeaux d‘écorces, qui peuvent restés accrochés à la tige. Ce type de dégâts correspond à un comportement de marquage de territoire à la fois visuel et olfactif.

Selon l‘ONC (1994), on distingue deux types de frottis :

Le frottis en période de frayure : les cervidés mâles portent des bois qui tombent chaque année. A la fin de la croissance, la peau qui les recouvre est devenue inutile. Les mâles s‘en débarrassent en frottant leur bois aux arbres pour la décoller. Ce type de frottis est peu violent et se situe sur un seul côté de la tige.

Le frottis en période de rut : les mâles donnent des chocs violents sur les arbres afin d‘éliminer leur agressivité, marquer leur territoire et laisser des signaux olfactifs.

Figure 3.7 : Photo d’un arbre frotté par un chevreuil

Source : CRPF Aquitaine, 2008.

1.3.2 Détermination de l’hauteur et de l’âge des frottis

Un arbre frotté ne montre pas d‘impacts négatifs significatifs qu‘à partir de leur troisième année. En effet, elles se retrouvent généralement à une hauteur non accessible aux animaux. Au Portugal, le diamètre moyen des arbres frottés par le chevreuil est de 3,2 cm et 7,6 cm pour le cerf (Ramos et al., 2006).

Le frottis se situe généralement entre 20 et 80 cm de hauteur pour le chevreuil et entre 1 à 1,80 m de hauteur pour les cerfs (ONC, 1994). Des résultats similaires ont été trouvés dans d‘autres régions telles qu‘au Portugal où les frottis de cerfs se trouvent à 1,10 m de hauteur et ceux du chevreuil à 53 cm du sol (Ramos et al., 2006).

1.3.3 Quantification des arbres frottés par les cervidés

Le frottis est beaucoup moins connu que l‘abroutissement et l‘écorçage. Dans le rapport de l‘Observatoire national des dégâts fait par le Cemagref, les taux de dégâts de frottis ont été regroupés avec ceux de l‘abroutissement, ne nous permettant pas de quantifier les dégâts de frottis sur la forêt des Landes de Gascogne. Dans le parc de Montesinho, au Nord du Portugal, une étude montre que le taux de dégâts liés au frottis était proche de 50 % (Paiva, 2004 ; Ramos et al., 2006). Ce résultat est difficile à transposer dans la région Aquitaine car le milieu est différent. En effet, la part de forêt dans ce parc est très faible puisque la densité moyenne des arbres est seulement de 80 à 100 arbres par hectare dans les forêts méditerranéennes portugaises alors qu‘elle est d‘environ 1 275 plants en moyenne dans les Landes.

1.3.4 Conséquences du frottis

L‘arbre se casse généralement après un frottis. Le plant meurt dans 13,7 % des cas lors de la deuxième année et 18,2 % lors de la troisième année (Ballon, Maizeret, 1991).

Figure 3.8 : Conséquence d’un frottis sur un pin sylvestre

Source : ONC, 1994.

De plus, dans 25 % des cas, l‘arbre présente une déformation ou une déficience (ONC, 1994). 1.4 Discussions

L‘Observatoire national des dégâts des cervidés en 2000 est basé sur de relevés de dégâts sur terrain suivant des protocoles scientifiques rigoureux. La taille de l‘échantillon est suffisante et est répartie de façon homogène sur tout le département des Landes. Les successions de relevés sur terrain ont permis de caractériser les dégâts et les déterminismes écologiques, de mettre en place des protocoles scientifiques de suivi des dégâts et de connaître les conséquences de ces derniers sur le développement de l‘arbre.

Ces résultats donnent un aperçu global des taux de dégâts des cervidés sur le département des Landes au moment de ces relevés sur terrain. Ils sont cependant difficilement exploitables dans cette thèse pour les raisons suivantes. Premièrement, il n‘y a pas de relation explicite avec la population de cervidés pour expliquer les variations spatiales des taux de dégâts. Deuxièmement, les relevés de terrain ont été effectués durant l‘année 1999 uniquement, avant la tempête. Depuis deux séries de tempêtes sont passées dans la région Aquitaine. Comment

traités. Enfin, l‘observation des dégâts physiques n‘indique pas les pertes économiques liées à ces dégâts.