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Revue des fonctions de dommage dans la littérature

Le problème de spécification des fonctions de dommage a été largement étudié dans la littérature depuis les travaux de Lichtenberg et Zilberman (1986). Selon Mitchell (2001a et b), les modèles économiques cités précédemment peuvent être classés de deux façons suivant l‘estimation de la fonction de dommage. Premièrement, des fonctions reposent sur une hypothèse de relation additive entre la production et les dommages. Notons d la fonction de dommage physique, Y0la production potentielle des producteurs sans dommage et Y la

production avec l‘existence de dommage où :

0

Y  Y d (2.28)

Deuxièmement, des fonctions se basent sur une relation proportionnelle entre les dommages et la production.

0

daY (2.29)

où a représente la proportion de production endommagée par le grand gibier. Contrairement aux modèles additifs, les dommages sont proportionnels à la production.

La théorie sur l‘écologie des espèces invasives remet en question ces hypothèses simplificatrices pour deux raisons. Premièrement, des évènements stochastiques peuvent accentuer les dommages. Par exemple, les sylviculteurs ont noté une augmentation des dommages forestiers après le passage des deux tempêtes du fin décembre 1999 sur la région Aquitaine. Deuxièmement, les luttes contre les espèces invasives peuvent affecter plus ou moins efficacement les fonctions de dommage. Notons x les moyens de lutte contre les espèces invasives (chasse, agrainage, clôture, produits répulsifs) et  les évènements stochastiques. La fonction de dommage peut être écrite :

 ,

d

f x

(2.30)

Mitchell (2001a et b) pose par ailleurs que le dommage marginal en fonction de  est positif

 

0

négative ou nulle suivant l‘efficacité des moyens de lutte contre les espèces invasives. Notons également que l‘effet d‘une lutte contre les espèces invasives telles que le grand gibier peut également dépendre de facteurs stochastiques.

2.1 Apport de la théorie de l’écologie sur les dommages

La théorie de l‘écologie traite la question des dommages en considérant deux approches : soit comme un système en compétition, ou soit comme un système de prédateur-proie.

2.1.1 Système en compétition

Les dommages agricoles et forestiers peuvent être considérés comme l‘effet d‘un système où le grand gibier entre en concurrence avec l‘agriculture et la foresterie. C‘est le modèle original de Lotka Volterra (Volterra, 1931) qui permet d‘avoir une relation de proportionnalité entre les deux systèmes. Avec Y les ressources agricoles et forestiers et N la densité de la population de grand gibier, la fonction de dommage sera :

. .

dk N Y (2.31)

où k représente un coefficient de proportionnalité. Begon et al. (1996) ont démontré la validité de ce type de relation sur les espèces invasives. Des travaux ultérieurs ont montré que ce coefficient de proportionnalité dépend également des espèces invasives :

 . .

dk N N Y

(2.32)

où k(N) est un paramètre lié à la concurrence entre les prédateurs eux-mêmes. Cousens (1985) a conduit une méta-analyse sur plusieurs études afin de choisir un modèle de base pour décrire les pertes de production dues aux espèces invasives végétales. Il note :

d =φ (N) Y (2.33)

Il a conclu que les fonctions hyperbolique sont les meilleurs ajustements de φ (N) avec

φ (N) = aN /(1+ bN) (2.34)

Les paramètres a et b ont une interprétation biologique. Deux autres formes fonctionnelles existent également.

2.1.2 Système de prédateur proie

Avec le modèle de Lotka Voltera (Voltera, 1931), la quantité de produits ingérée par le grand gibier est considérée comme constante. Mitchel (2001) montre que cette hypothèse est peu tenable sur un grand territoire puisque le dommage dû au grand gibier peut être diffus ou au contraire atteindre le maximum. Dans la théorie de l‘écologie, on parle de « fonction de dose- réponse ». On note r(Y) cette fonction de dose réponse du prédateur. La fonction de dommage devient :

 .

dr Y N

(2.36)

Il existe trois types de spécifications de la fonction dose-réponse et donc de fonctions de dommage comme nous les présentons dans le tableau 2.1.

Tableau 2.1 : Types de fonctions de dommages dans la littérature

Types Description Fonction dose-réponse Fonction de dommage Quelques références

TYPE I

Linéaire

 

r Y

kY

dk N Y. . Mitchell (2001a, b), Skonhoft (2003;

2004), Bulte (2003) Cobb Douglas

 

a

r Y

kY

dkY Na Lichtenberg et Zilberman (1986) Babcock et al. (1992), Mitchell et al.(2001) TYPE II Exponentielle

négative

r Y a1 exp

bY/

dkN1 exp

bY/

Mitchell (2001) Hone (1994), Choquenot (2004) Hyperbolique

 

Y r Y a b Y   a Y d kN b Y   Mitchell (2001a, b) Skonhoft ( 2003; 2004) Kuffer (2001) Bergman (2001) TYPE III Sigmoïdale

 

² ² ² Y r Y a b Y   ² ² ² a Y d kN b Y   Mitchell (2001a et b) Mitchell et al (2002)

a et b : les coefficients d’élasticités entre les dommages, le stock total des cultures (proie) et la population de grand gibier (prédateur)

D : les quantités de dommages

Les fonctions de type I sont adaptées lorsque les dommages augmentent proportionnellement avec la production totale Y et la population de grand gibier N. Les fonctions de type II signifient que les dommages augmentent pour atteindre un maximum puis diminuent lorsque Y continue d‘augmenter. Elles indiquent notamment que le dommage dépend en premier lieu de la taille de la population N mais l‘effet diminue lorsque Y augmente. Pour les fonctions de type III, les dommages sont considérés comme variables suivant un cycle plus ou moins connu, mais ils tendent asymptotiquement vers un maximum.

Mitchell (2001a) montre que ces différentes fonctions de dommage peuvent être intégrées dans les modèles économiques additifs ou proportionnels. Le choix entre modèles additifs et modèles proportionnels doit se baser sur l‘importance des stocks endommageables Y. Si le stock total de cultures pouvant être endommagé par le grand gibier est élevé, ce qui signifie qu‘il peut effectuer le maximum de dommages, les modèles additifs sont adaptés. En revanche sur des petites parcelles de cultures, les modèles proportionnels sont plus adaptés.

2.2 Un exemple d’estimation économétrique

Une grande partie des fonctions de dommages exposées dans les paragraphes précédents supportent mal les estimations économétriques puisqu‘elles ne renvoient à aucun estimateur statistique en particulier. Les études qui ont fait appel à ces méthodes ont utilisé des simulations pour estimer les paramètres. Les études qui ont utilisé les outils économétriques sur les phénomènes de dommage sont rares. Nous rapportons en particulier une étude réalisée par Yoder (2002) qui a estimé une fonction de dommage de type proportionnel. d représente la quantité de dommage et Y0 la production endommageable par la faune sauvage. La

proportion de dommage sur une parcelle i est donnée par i avec :

0

i

d Y

  (2.37)

Le pourcentage de dommage est modélisé par la fonction logit :

ln 1 i i i i X e          (2.38)

Xiest le vecteur des variables explicatives pour l‘observation i et le vecteur des coefficients estimés. ei désigne le vecteur des erreurs d‘estimation. Les variables explicatives

qu‘il a considérées sont la densité des animaux, la surface de la parcelle, le pourcentage de territoire agricole dans la région, le pourcentage de forêt dans la région et le pourcentage de zone de chasse dans la région. Les types de culture des producteurs ont été intégrés comme des variables dichotomiques : le maïs à destination d‘alimentation humaine et animale, le soja, l‘avoine et le blé. Les variables sur la chasse utilisées sont l‘existence de plan de chasse ainsi que de territoire de chasse de qualité exceptionnelle.

Par ailleurs, la probabilité d‘existence de réclamation sur une région a été estimée de la même façon avec le nombre total d‘agriculteurs dans la région, le prix des produits, les surfaces agricoles ainsi que la surface des zones de conservation de la faune sauvage.

Il modélise le problème de dommage à l‘échelle d‘une parcelle et introduit dans les variables explicatives les différents types d‘occupation du sol de la région. Il apporte une nouvelle idée sur la différenciation de dommage entre les différents types de culture ainsi que le changement d‘échelle d‘observation. Cette étude se base sur une approche essentiellement empirique. La fonction de dommage utilisée par Yoder (2002) ne repose pas sur les modèles théoriques décrits dans le paragraphe précédent. L‘étude est également limitée par le fait qu‘elle n‘a permis d‘observer que deux années successives de données, ce qui apporte peu d‘information sur une éventuelle dynamique de la population. De plus, l‘approche spatiale des données n‘a pas été abordée.