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Bleu – Vert

1.3. Etudes physico-chimiques

1.3.1. Synthèse des matériaux caractérisés

Les paragraphes suivants présentent un aperçu général des différents matériaux qui ont été identifiés dans les manuscrits du corpus, classés selon les mêmes modalités que dans la section précédente. Les données commentées sont synthétisées dans un tableau comparatif (parfois lacunaire, en fonction de l’étendue des résultats disponibles dans les rapports d’étude) (Tableau 10). Seules les conclusions des différents travaux sont présentées (les interprétations des données analytiques ne seront pas discutées ici). La non-caractérisation d’une couleur dans un manuscrit peut impliquer soit qu’elle est absente du document, soit qu’elle n’a pas été étudiée (cela n’est pas toujours explicité dans les publications correspondantes).

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Document Référence

Techniques employées

In-Situ Sur prélèvement

M an u scr its p récol o m b ien s

Codex Cospi (Laurencich Minelli et al. 1993; Buti 2012; Miliani, Domenici, et al. 2012; Domenici et al. 2014) XRF, FTIR, µRaman, Emission et Réflexion UV-Vis XRD, MEB-EDS Codex de Madrid (fragment Cortesiano)

(Buti et al. 2014; Buti 2012; Domenici et al. 2014)

XRF, FTIR, µRaman, Emission et Réflexion UV-Vis

Codex Fejérvary-Mayer (Buti 2012; Domenici et al. 2014)

XRF, FTIR, µRaman, Emission et Réflexion UV-Vis

Codex Zouche-Nutall (Buti 2012; Higgitt and Miliani 2008)

XRF, FTIR, µRaman, Emission et Réflexion UV-Vis

Codex Colombino (Zetina et al. 2011, 2014; Arenas Alatorre et al. 2011)

Imagerie UV, XRF MET

Codex Selden (Dark and Plesters 1958) Spot-tests,

chromatographie Codex Grolier (Calvo del Castillo et al. 2007;

Ruvalcaba Sil et al. 2007)

PIXE, RBS, Photographie UV, Réflectographie IR, Microscopie MEB, FTIR Ma n u scrits co lon iau x

Codex Azoyu (Zetina et al. 2011) Imagerie UV, XRF Codex matritense de la

Real Academia de la Historia

(Hocquet 2015) XRF, Réflexion Vis Codex de Florence (Baglioni et al. 2012; Giorgi et

al. 2014)

XRF, FTIR Codex de la Cruz –

Badiano

(Zetina et al. 2008, 2012; Ruvalcaba Sil et al. 2010)

XRF, Réflectographie IR, Imagerie UV Codex Huamantla (Wiedemann and Boller 1996;

Wiedemann et al. 2007)

Analyses thermiques, Raman

Codex Huexotzinco (Albro and Albro 1990) Microscopie Relaciones Geograficas (Haude 1998) Microscopie Carte Beinecke (Magaloni Kerpel 2012;

Newman and Derrick 2012)

MEB-EDS, ATR-FTIR, Raman,

HPLC

Tableau 9. Synthèse des travaux consultés sur l'étude de la matérialité des manuscrits mésoaméricains précolombiens et coloniaux.

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Support. Un examen visuel est en général suffisant pour distinguer entre les 3 types de

support des manuscrits : les peaux animales préparées, le « papier » traditionnel (faits de fibres végétales battues) et le papier Européen (n’étant bien sûr utilisés que dans les manuscrits coloniaux). Dans le cas des manuscrits précolombiens, l’espèce animale à l’origine de la peau préparée est parfois suspectée (une espèce de cervidé pour les Codex Colombino et Zouche-Nuttall) (Falcón 2014; Buti 2012), en revanche l’origine des fibres des papiers traditionnels est rarement déterminée. Citons le cas spécifique du Codex colonial Huexotzinco, où divers matériaux traditionnels (en plus du papier Européen) semblent avoir été utilisés. Les « papiers » amatl (fait d’écorce de Ficus sp.) et metl (fait de fibres de maguey), dont les fibres ont été différenciées par microscopie, auraient successivement été utilisés (Albro and Albro 1990).

Couche préparatoire. L’utilisation de matériaux bruts tels que la peau préparée ou les fibres

d’écorce battues nécessite l’application d’une couche de préparation. Deux constituants minéraux principaux, la calcite ou le gypse ont ainsi été régulièrement caractérisés dans la couche préparatoire des documents traditionnels étudiés. Des phases mineures (calcite, argile, anhydrite) accompagnant l’un ou l’autre de ces minéraux (calcite et gypse) ont également parfois été détectés.

On peut noter que les parties « blanches » des différents dessins (telles que la couleur des os ou du pelage de certains animaux) des manuscrits précolombiens ne sont pas peintes mais laissée de la couleur du substrat et donc de la couche préparatoire. Dans le cas des documents coloniaux au contraire, le papier Européen ne nécessite pas une telle couche de préparation. La calcite, le gypse ainsi que le blanc de plomb dans le cas du codex Azoyu, sont en revanche parfois utilisés comme pigment blanc.

Noir. La totalité des peintures noires utilisées pour tracer et peindre les figures des différents

documents a été caractérisée comme étant du noir de carbone. Son origine végétale (donc issu de la combustion de matière végétale) semble avérée pour au moins une partie des documents puisqu’aucun indice analytique ne laisse suspecter l’utilisation de cendres d’os.

Dans le Codex Colombino, il semble que l’on ait réalisé un mélange de noir de carbone et de calcite pour obtenir du gris.

En revanche, la rédaction des textes des manuscrits coloniaux a été effectuée avec des encres métallo-galliques. L’utilisation de ce matériau pour le tracé des dessins du livre VI du Codex de Florence peut également être notée (Giorgi et al. 2014).

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Rouge/Rose. Les figures des deux Codex Maya étudiés ont été peintes à l’aide d’ocre rouge,

tandis que tous les autres manuscrits précolombiens présentent l’utilisation d’un colorant d’origine organique (dans ce cas, l’utilisation de cochenille est en général soupçonnée et parfois démontrée). Les rouges des documents coloniaux ont quant à eux été obtenus à l’aide d’une grande diversité de matières colorantes d’origine organique (cochenille et non-déterminé) et minérale (ocre, cinabre, minium), parfois au sein du même manuscrit.

Des différences dans les matériaux associés aux modes de préparation de la cochenille sont constatées. Un mélange à base d’argile, l’addition d’un second colorant, ou son utilisation seule ont ainsi été mis en évidence dans le corpus. Il faut noter dans le Codex Grolier le cas intéressant de dessins préparatoires rouges, d’origine organique non identifiée, associés à un taux d’aluminium plus élevé que dans le substrat, marqueur potentiel d’un autre type de préparation (Calvo del Castillo et al. 2007).

Les quelques nuances roses caractérisées dans le corpus ont été obtenues, soit à l’aide d’une dilution de matériau colorant rouge (la couleur résultante étant éclaircie par celle du support), soit à l’aide de l’ajout d’une charge minérale blanche.

Jaune. De façon surprenante, l’utilisation d’orpiment (non documentée dans les sources

historiques) est attestée dans plusieurs documents précolombiens. Des jaunes d’origine organique y ont également été mis en évidence, mais non précisément identifiés. Plusieurs extraits différents semblent avoir été utilisés pour générer différentes nuances de jaunes dans le Codex Cospi (Miliani, Domenici, et al. 2012). Comme pour les colorants rouges, différents modes de préparation sont envisagés : un mélange avec de l’argile, avec un ingrédient présentant un fort taux de potassium, ou une utilisation directe.

Les jaunes des documents coloniaux présentent la même diversité, à laquelle l’utilisation d’ocre peut être ajoutée.

Orange/Brun. Des mélanges de matières colorantes jaune et rouge, pour obtenir une teinte

orangée, sont supposés dans différents documents précolombiens. Au contraire, il semble que dans le cas du Codex Cospi, un colorant organique unique ait été utilisé. L’association de colorants organiques et d’argiles pour obtenir ces couleurs a également été constatée. Le cas du Codex Zouche-Nuttall peut être souligné, dans lequel un mélange cochenille (organique) et orpiment (minéral) est envisagé. Les mêmes techniques sont présentes dans les manuscrits coloniaux où le minium a également été utilisé.

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Des nuances brunes foncées, plus rares, existent dans les Codex Féjervary-Mayer et Zouche-Nuttall, pour lesquels l’utilisation de colorants organiques parfois mélangés à une argile est suspectée. Les bruns du Codex colonial De la Cruz-Badiano sont à la fois d’origine minérale et organique.

Violet. Les quelques nuances violettes du corpus entier (manuscrits précolombiens et

coloniaux) ont été préparées à l’aide d’un colorant organique (éventuellement différent dans chaque cas). Aucune information analytique n’a permis d’identifier l’origine de ce colorant. L’utilisation de pourpre (extrait de mollusque marin) a toutefois été écartée par l’absence de signature élémentaire (la molécule colorante du pourpre, le dibromo-indigo, est facilement détectable par la présence de brome) (Aceto et al. 2014).

Bleu. Une teinte turquoise est caractéristique de la totalité des peintures bleues du corpus

étudié. D’un point de vue analytique, cette matière colorante est caractérisée par la présence d’un colorant organique (l’indigo) et d’une argile. Ce bleu présentant des caractéristiques hybrides organique/inorganique, absente des sources historiques, redécouvert au XXème siècle est aujourd’hui dénommée « Bleu Maya » (voir section 1.3.2). Sa présence est envisagée dans tous les documents du corpus.

On note l’ajout probable de calcite pour éclaircir la teinte du bleu Maya dans le Codex Féjervery-Mayer, ainsi que l’utilisation de l’indigo seul dans les codices coloniaux Azoyu et de Florence. Enfin, il semble que les paramètres de préparation du bleu Maya influent sur sa couleur finale. Des peintures bleue et grise présentant toutes deux les caractéristiques du bleu Maya ont ainsi été utilisées pour illustrer le Codex de Madrid.

Vert. La totalité des peintures vertes ont été caractérisées comme un mélange de matériaux

jaune et de bleu Maya. En général, pour un document donné, le jaune ajouté présente les mêmes caractéristiques matérielles que lorsqu’il est utilisé seul. Il est alors probable que les couches picturales vertes soient un mélange des peintures bleues et jaunes utilisées seules par ailleurs.

En guise d’exceptions, le cas des verts du Codex Fejérvery-Mayer est intéressant puisqu'un colorant organique jaune semble avoir été ajouté au Bleu Maya alors que de l’orpiment (minéral) est utilisé dans les peintures jaunes. Il faut également remarquer le cas du Codex Colombino pour lequel une argile différente semble avoir été détectée pour produire les peintures vertes et bleues. Enfin, le cas du vert utilisé pour peindre le recto du Codex Cospi est particulier puisque les auteurs y voient l’utilisation d’un autre bleu organique que l’indigo mélangé à un jaune organique et une base argileuse (Miliani, Domenici, et al. 2012).

37 Tableau 10. Synthèse des matériaux caractérisés dans des manuscrits mésoaméricains. Un point-virgule indique que les différents matériaux caractérisés n’ont pas été détectés simultanément, mais dans différentes zones colorées. Les parenthèses indiquent que la caractérisation est soumise à caution ou non-systématique.

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Tableau 11 (suite du tableau 10). Synthèse des matériaux caractérisés dans des manuscrits mésoaméricains. Un point-virgule indique que les différents matériaux caractérisés n’ont pas été détectés simultanément, mais dans différentes zones colorées. Les parenthèses indiquent que la caractérisation est soumise à caution ou non-systématique. Les termes entre crochets indiquent la couleur du composant suspecté.

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