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4.1 LA RA : UN CONCEPT POLYMORPHE A DEFINIR

La revue de la littérature et des applications de la RA permet de constater le caractère polymorphe de la RA. Il existe une grande diversité dans la mise en œuvre de ce concept, que se soit par le dispositif de restitution, par la technique de recalage employée, par le type d’éléments virtuels affichés, ou tout simplement par le contexte d’emploi de ces systèmes.

La notion de réalité augmentée ne peut donc pas se réduire à une « simple » technologie innovante, car d’une certaine manière, elle est indépendante des technologies sous-jacentes employées. Il s’agit donc d’un concept plus large, d’un nouveau paradigme d’interface basée sur une association perceptive du réel et du virtuel. Définir la RA n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, il n’est donc pas surprenant de ne pas trouver de consensus dans la littérature. Les définitions et taxonomies uniquement techno-centrées ne suffisent pas à définir la RA dans sa globalité, elles sont trop réductrices. La RA nécessite une définition claire et suffisamment précise pour discriminer une IHM de RA des autres et disposer d’une classification suffisamment souple et générative pour permettre de rendre compte de sa nature polymorphe. Cette taxonomie doit avoir une portée heuristique afin de fournir un cadre scientifique pour la conception et l’évaluation de systèmes futurs.

Cette problématique constituera un des principaux axes de recherche de cette thèse.

4.2 ERGONOMIE

ET

RA :

DES

PROBLEMATIQUES

SPECIFIQUES

Même si le nombre d’études utilisateurs reste encore minoritaire par rapport aux études techniques dans le domaine de la RA, on constate une augmentation au cours de ces dernières années. Le développement des technologies sous-jacentes à la RA commence à atteindre une maturité suffisante pour que les problématiques ergonomiques puissent être abordées. Ce faible nombre d’études utilisateurs ainsi que la grande variété des systèmes de RA évalués ne permettent pas encore l’élaboration de recommandations ou de listes de critères ergonomiques pour la conception. Par conséquent, en l’état actuel des connaissances, les tests utilisateurs sur tâches élémentaires de bas niveau ainsi que sur des tâches spécifiques au contexte d’emploi visé semblent être les principales sources de recommandations pour la conception de système de RA.

Lorsque l’on considère les problématiques traitées par ce type d’étude dans la littérature, on constate des problèmes récurrents qui semblent spécifiques aux systèmes de RA. Le fonctionnement cognitif et perceptif des utilisateurs en environnement mixte est très différent des IHM 2D classiques.

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En effet, la fusion d’éléments virtuels et de l’environnement réel soulève des problématiques originales ou rarement abordées dans d’autres contextes. Ces problématiques peuvent être classées en trois grandes catégories, selon le niveau de l’interaction.

La première catégorie concerne l’impact du système de RA sur la perception bas niveau de l’IHM et de l’environnement. Il s’agit ici de l’impact des caractéristiques techniques du système (restituteur, recalage, etc.) sur la perception de l’environnement réel principalement.

La deuxième catégorie concerne l’impact de la RA sur la perception des éléments virtuels. Cela intègre notamment les problèmes de lisibilité, de relation entre les objets ou de leur disposition.

Enfin, la troisième catégorie concerne le traitement plus haut niveau des IHM de RA et intègre les problèmes liés à l’interprétation de la scène augmentée, la perception de la position et de la profondeur, ou encore la corrélation entre objets réels et virtuels.

Ces trois catégories serviront justement de cadre d’évaluation pour les études exploratoires présentées dans les chapitres suivants.

4.3 PERCEPTION

DES

DISTANCES

EN

RA :

UNE

PROBLEMATIQUE MAJEURE

La revue de la littérature précédente nous permet d’extraire un certain nombre d’éléments clés concernant la perception des distances en RA. Tout d’abord, nous constatons globalement un problème récurrent dans la précision d’estimation des distances des objets virtuels et que ces erreurs s’amplifient avec la distance. Même si la direction et/ou l’amplitude des erreurs divergent d’une étude à l’autre, il semblerait que le phénomène de compression spatial observé en RV apparaisse aussi, mais de façon moindre, dans les environnements augmentés.

Ces derniers, fournissant naturellement plus d’indices de profondeur non nécessairement maîtrisés par les différents protocoles, permettent aux participants d’estimer les distances plus précisément qu’en environnements purement synthétiques. Malgré tout, le phénomène persiste en RA, ce qui indique que d’autres facteurs sont impliqués.

Les auteurs qui se sont intéressés à ce problème ont essayé d’en identifier les causes et notamment l’impact du type de restituteur employé. Ici aussi, les résultats sont divergents mais nous observons tout de même que les difficultés de perception des distances apparaissent quel que soit le type de restituteur (HMD, écran, monoculaire, binoculaire, Optical see-through ou video see-

through). Cependant, à notre connaissance, on constate que toutes les études

en monoculaire ont été faites sur l’œil directeur des sujets. La littérature est donc lacunaire sur le rôle de la dominance oculaire et son impact potentiel sur la perception des distances en environnement virtuel et augmenté.

En ce qui concerne les facteurs liés à l’individu, on constate que l’apprentissage a un effet positif sur les performances. Il semble donc possible de compenser ou tout du moins de réduire ce phénomène par l’entraînement. Par ailleurs, un effet du genre a été signalé de façon isolée dans la littérature.

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Même si les causes ne sont pas clairement identifiées, il semblerait que le phénomène de sous-estimation soit plus prononcé pour les femmes que pour les hommes. Cependant, cet effet n’a été constaté que dans une seule publication et nécessiterait d’être vérifié par des études complémentaires.

La nature même de l’objet à estimer semble avoir un impact sur l’estimation des distances. En effet, différentes études dans la littérature montrent un effet du type de représentation graphique sur les performances et notamment que les objets familiers favorisent la perception de leurs distances. Cela indique que l’indice de profondeur « taille familière » à une influence positive sur ce type de tâche. Enfin, parmi les différentes méthodes expérimentales d’estimation des distances, les approches basées sur l’« action en boucle fermée » semblent fournir les meilleurs résultats et notamment la technique de correspondance perceptuelle (Perceptual matching).

Compte tenu de cette revue de la littérature, le problème de sous-estimation constaté durant les études exploratoires (voir section 6.3.1) ne semble pas spécifique à notre contexte technique mais généralisé à tous les systèmes de réalité virtuelle et augmentée. Ce problème semble émerger d’un conflit entre différentes sources informant sur la distance d’un objet ou la configuration spatiale de l’environnement d’un observateur. L’estimation des distances des éléments tactiques est particulièrement critique dans le domaine militaire et notamment à moyenne et longue distance (au-delà de 20m). Si l’on se réfère aux travaux de Cutting et Vishton (1995), les indices de profondeur mis en jeu à ces classes de distance sont essentiellement de type monoculaire. Cela est particulièrement intéressant car ces indices seraient compatibles de l’emploi de restituteurs de type monoculaire.

L’ensemble de ces éléments indique qu’il est donc possible de fournir une bonne perception d’objets virtuels à moyenne et longue distance à partir d’un système de RA monoculaire, ce qui constitue notre première hypothèse générale.

Par ailleurs, Le rôle et l’impact de certains de ces indices ont été étudiés dans le cadre de la perception en réalité virtuelle et augmentée et les résultats de ces travaux semblent indiquer que la prise en compte de ces aspects améliore l’estimation des utilisateurs.

Notre seconde hypothèse générale est donc que l’intégration de ces indices de profondeur dans la conception des IHM de RA peut améliorer les performances des utilisateurs.

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Élaboration et Application d’une