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Problèmes de perception des distances en RA

8.1.3.3 Ratio temps/bonne réponse

Afin de pouvoir départager objectivement les IHM entre elles, nous avons souhaité prendre en compte autant les performances en termes de rapidité que de précision des réponses. Pour cela, nous avons intégré ces deux aspects en un seul indicateur. Cette métrique, qui consiste à diviser le temps de la tâche par le nombre de bonnes réponses, représente finalement le temps nécessaire pour fournir une bonne réponse et procure une estimation de la performance globale. L’analyse des résultats concernant ce ratio confirme les tendances précédemment identifiées.

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Les analyses de variance pour mesures répétées indiquent que le facteur « complexité » entraîne des effets significatifs sur le ratio (F(1, 54) = 31,05 ; p = 0,0000). Si le ratio est de 4,15 (ET = 1,73) pour les situations simples, il est de 2,60 (ET = 0,88) pour les cas complexes.

Figure 58 : Ratio moyen par catégorie d'IHM (en secondes).

Les analyses montrent par ailleurs que le facteur « interface » est lui aussi statistiquement significatif (F(4, 54) = 5,08 ; p = 0,0015). Tout comme les résultats des analyses a posteriori sur les temps de réalisation des tâches, les différences statistiques (test de Tukey HSD, valeur critique (,05, 5, 54) = 3,99) sont observées entre les IHM 1 (M = 4,40) et 2 (M = 2,79) (HSD-Test = 5,1625*) et entre les IHM 1 et 5 (M = 2,64) (HSD-Test = 5,63), ce qui représente une amélioration des performances de 36.6% et 40%. Aucune autre différence statistique n’est observée entre les autres IHM, et l’interaction des facteurs « complexité » et « interface » n’est pas significative (F(4, 54) = 0,13 ; p = 0,9717).

8.1.4 Discussion

Globalement, l’IHM1 obtient de moins bons résultats que les autres, et inversement, les IHM2 et 5 fournissent les meilleures performances. Les résultats obtenus peuvent s’expliquer par deux raisons principales : 1) l’effet des indices de profondeurs, et 2) le respect des critères ergonomiques (CE)(Scapin & Bastien, 1997).

L’utilisation des indices de profondeur lors de la conception de chaque IHM a permis de limiter de façon importante le phénomène de sous-estimation rencontré dans la littérature.

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Paradoxalement, l’IHM1 qui utilise l’occlusion (qui est l’indice de profondeur le plus efficace) obtient de moins bons résultats que les IHM utilisant plutôt la hauteur dans le champ visuel. Cependant, cette seule raison ne suffit pas à expliquer totalement les résultats obtenus. En effet, les IHM de type lignes et celles de type aplats incluant pourtant la hauteur dans le champ visuel obtiennent des résultats différents. La différence ici, est l’utilisation de l’occlusion partielle (transparence) pour les aplats. Ainsi, il semblerait que ce ne soit pas la hauteur dans le champ visuel qui améliore les performances mais l’occlusion (même partielle) qui les limite. Par ailleurs, l’analyse qualitative des réponses montre que la majorité des erreurs est constituée d’oublis ou d’erreurs sur la nature (couleur) des points d’intérêt et non pas un problème d’estimation de leur distance.

L’occlusion est certes l’indice de profondeur le plus efficace, et permet de percevoir de façon absolue la position egocentrique relative (quel élément est devant l’autre) mais dans la situation étudiée ici, dégrade l’utilisabilité globale de l’IHM et particulièrement le critère ergonomique de « lisibilité ». Que ce soit dans le cas des IHM cercles ou aplats, le nombre d’erreur lié au masquage est inacceptable. La non-détection ou l’erreur d’identification d’un point d’intérêt peut être particulièrement critique dans le domaine militaire.

Par ailleurs, dans l’IHM1, la séparation graphique entre les points et leurs zones d’incertitude (cercles) constitue un non respect du critère de « groupement par la localisation » et semble contribuer à la mauvaise utilisabilité de l’IHM. Il est plus difficile dans ce cas là, de déterminer la relation entre le point et son incertitude et donc, de percevoir à quelle catégorie de distance il appartient.

Les IHM de type ligne obtiennent de bons résultats par l’absence d’erreurs liées à l’occlusion (masquage) et une bonne discrimination des catégories de distance. Il semblerait que la combinaison des différents indices de profondeur participe au respect du CE de « distinction par le format » particulièrement important dans ce type de tâche. En outre, le positionnement différent de la sphère sur la ligne d’incertitude en fonction de la catégorie de distance dans l’IHM5 amplifie la distinction par le format, même si aucune différence statistique significative n’a été montrée dans les performances.

La perception correcte des distances des points d’intérêt est essentielle dans les contextes critiques tel que celui du fantassin, mais cette précision d’estimation ne doit pas se faire au détriment de l’utilisabilité classique de l’IHM. Les résultats préliminaires, présentés ici, indiquent que : i) la prise en compte des indices de profondeur favorise l’estimation des distances, et ii) même dans le cadre d’un domaine émergent tel que la RA, un bon respect des CE favorise l’utilisabilité de l’IHM.

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8.1.5 Limites et perspectives

L’étude présentée ici s’est appuyée sur le prototype de RA identique à celui décrit dans les études exploratoires. Compte tenu de certaines limitations technologiques et choix de conception, plusieurs aspects limitent la portée des évaluations réalisables sur ce dernier.

Tout d’abord, les performances graphiques du système restreignent les possibilités d’affichage et de conception d’IHM et notamment la gestion d’objet 3D. De plus, la précision intrinsèque des capteurs employés pour le recalage (GPS et centrale inertielle) induit une incertitude importante sur la position des éléments à afficher. La combinaison de ces deux aspects limite les choix de conception graphique à des items simples en deux dimensions et de taille

importante pour tenir compte du degré d’incertitude.

Par ailleurs, le système ayant été initialement conçu pour présenter l’information de distance de façon discrète, il n’était pas possible de modifier ce comportement des points d’intérêts. Par conséquent, le système ne permettant pas d’implémenter une solution basée sur une représentation continue de la distance, il n’est pas possible d’évaluer la perception des distances sur ce type d’IHM.

Enfin, la conception mécanique du restituteur de ce prototype ne permettait pas de choisir le côté de positionnement. Le placement du HMD sur l’œil droit, sans tenir compte de la dominance oculaire, constitue potentiellement une limite à cette expérimentation.

Afin de contourner ces différentes limitations, nous avons conçu un autre prototype permettant de les intégrer. Dans les études suivantes, nous avons évalué la perception des distances d’objet virtuel en 3D et dans le cadre d’une représentation continue de la distance. De plus, nous avons employé un restituteur binoculaire permettant ainsi de choisir le côté d’affichage. Le système sera décrit plus en détail dans le chapitre suivant.

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8.2 EFFET

DE

LA

DOMINANCE

OCULAIRE

ET

DE