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6) Gravité : La gravité étant constante, la vitesse de chute d’un objet paraît

3.4 LA PERCEPTION DES DISTANCES EN REALITE VIRTUELLE ET AUGMENTEE

3.4.2 Les causes de la sous-estimation des distances

3.4.2.2 Influence des caractéristiques de l’utilisateur

La perception de la profondeur étant un processus cognitif subjectif, il est légitime de s’interroger sur l’influence des différences interindividuelles sur l’estimation des distances égocentriques. La problématique est donc de savoir si certaines caractéristiques des utilisateurs pourraient potentiellement influencer l’estimation de la profondeur en RA, ou être des facteurs de l’apparition du phénomène de sous-estimation des distances. Certains de ces aspects, qu’ils soient physiologiques, psychologiques ou comportementaux, ont parfois été étudiés dans la littérature.

3.4.2.2.1 Effet de l’age et du genre

Par exemple, (Ellis et al., 1998) ont comparé dans leur expérimentation deux groupes de sujets d’âge différent. Le groupe « jeune » était composé de 5 sujets âgés de 15 à 29 ans, alors que le groupe « âgé » comportait 5 personnes de 38 à 47 ans. Dans une des conditions expérimentales de ce protocole, une lentille était placée devant la restitution monoculaire impliquant une modification de la dioptrie (+2) modifiant ainsi l’accommodation nécessaire pour percevoir correctement l’objet virtuel. C’est alors dans cette situation qu’une différence significative entre les deux groupes de sujet est apparue. En effet, seul les sujets jeunes ont pu fournir l’effort oculaire nécessaire pour parvenir à percevoir de façon plus précise la position de l’objet virtuel. Outre ce résultat dans cette situation particulière, l’âge des sujets ne semble pas avoir d’effet sur la perception des distances et particulièrement sur la sous-estimation des distances en RA, et de plus, cette étude est la seule, à notre connaissance, à avoir pris en compte l’effet de l’âge sur la perception des distances en RA. Cependant, ce résultat semble indiquer qu’une modification de la dioptrie influence la perception de la distance d’un objet virtuel en modifiant l’accommodation. Par conséquent, les personnes souffrant de trouble de la vision (astigmatisme, myopie, hypermétropie) peuvent avoir une perception altérée de la profondeur d’objet virtuel à courte distance, là, où l’accommodation est un indice de profondeur important.

Au-delà de la légende urbaine selon laquelle les femmes auraient un mauvais sens de l’orientation, certaines études montrent que le genre a une influence sur les capacités spatiales (McGee, 1979) et sur l’acquisition de connaissance spatiale en environnement virtuel (Waller, Hunt, & Knapp, 1998). Plus récemment, Creem-Regehr et al. (2003) ont pris en compte ce facteur dans leur étude, et malgré les tests effectués, ils n’ont trouvé aucun effet significatif du genre sur l’estimation des distances. Cependant, Jerome et Witmer (2008) ont trouvé dans leur expérimentation un effet significatif du sexe sur la perception des distances. En effet, leurs résultats semblent indiquer que les performances des sujets féminins sont plus dégradées pour les objets virtuels que pour les objets réels comparativement aux hommes.

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Figure 29: Effet du genre sur l'estimation des distances. (Jerome & Witmer, 2008)

En outre, LaFleur, Draper et Ruff (2001) ont trouvé un effet du genre dans une tâche de recherche visuelle de cible. Ce facteur n’influence pas directement les performances sur la tâche, mais les résultats indiquent que les sujets féminins passaient plus de temps à chercher les cibles avant de confirmer leurs réponses. Par ailleurs, l’objectif principal de cette étude était de mesurer l’effet de la dominance oculaire sur cette tâche de détection de cible. Dans leur expérimentation, les auteurs ont employé un restituteur de type HMD monoculaire et cherchaient à estimer, si le fait de le placer devant l’œil directeur ou non, avait une influence sur les performances des sujets. Leurs résultats n’ont montré aucune différence significative entre les deux conditions de visualisation.

3.4.2.2.2 Effet de l’apprentissage et de l’expérience

Dans l’expérimentation de (Caldwell, Cornum, Stephens, & Rash, 1990), les auteurs ont comparé deux groupes de sujets sur une tâche de lecture. Le premier groupe était composé de pilotes expérimentés d’AH64 (Apache) habitués à utiliser un HMD monoculaire lors des vols, alors que le second groupe était composé de pilotes d’un autre type d’hélicoptère non équipé de HMD. La tâche expérimentale consistait à lire des lettres affichées soit en monoculaire (œil directeur ou œil non directeur) soit en binoculaire. Les résultats de cette étude auraient pu mettre en exergue un effet de la dominance oculaire, mais suite à des complications techniques (taux de luminance différent pour chaque œil), les résultats des tâches en conditions œil directeur et œil non directeur n’ont pu être comparés directement. Cependant, cette étude met en évidence un effet important du groupe : les sujets du groupe AH64 obtiennent de meilleurs résultats que les sujets de l’autre groupe, sur la lecture monoculaire avec l’œil gauche. Ces résultats font apparaître un effet de l’expérience des pilotes d’AH64 à utiliser un système monoculaire sur les performances dans cette tâche.

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Les auteurs expliquent ce résultat par le fait que les pilotes d’AH64 auraient une plus grande facilité à traiter séparément les informations monoculaires et pourraient plus facilement effectuer le basculement attentionnel nécessaire à ce type de tâche.

Même si cette expérimentation n’a pas directement étudié la perception des distances, elle est intéressante dans le sens où elle semble indiquer qu’un effet positif de l’apprentissage est possible sur des tâches de traitement de l’information monoculaire. Par ailleurs, Mohler, Creem-Regehr et Thompson (2006) ont montré que l’apprentissage avait un effet positif sur la précision d’estimation des distances en RV. Cette expérimentation comportait une phase d’entraînement durant laquelle les sujets effectuaient une tâche d’estimation des distances en RV avec un feedback sur la précision de leurs réponses. Les auteurs ont comparé 3 types de feedback (feedback visuel continu, feedback visuel terminal ou feedback verbal) et les ont croisé avec 2 types de méthodes de réponse des sujets (blind walking ou estimation verbale). Les résultats indiquent un effet positif de l’apprentissage (quelque soit la méthode) sur la précision des réponses des sujets (amélioration de 24.8% pour les estimations verbales et 15.27% pour le blind walking). Les deux principales conclusions des auteurs sont que, d’une part, les effets de l’apprentissage ne sont pas spécifiques à la tâche sensori-motrice de Blind walking mais impactent directement la perception de la distance et, d’autre part, que les effets de l’apprentissage ne sont pas spécifiques à la nature du feedback employé. Par ailleurs, Livingston, M., Swan Ii, Ai et Smallman (2009) ont trouvé un effet positif de la répétition sur la performance des sujets e,t ce, malgré l’absence de feedback contrôlé. Cela semble indiquer que les participants ont amélioré leurs capacités d’estimation des distances, simplement sur la base de leur perception sans informations sur la précision de leurs réponses.

Quels que soient les mécanismes cognitifs mis en jeu dans cette adaptation de la perception des distances, il semble donc possible d’améliorer les performances des sujets dans ce type de tâche et donc de potentiellement réduire le phénomène de sous-estimation des distances. Même si la nature du mode d’apprentissage ne semble pas spécifique pour obtenir ces améliorations, le seul élément commun est la présence d’une forme de feedback sur l’action des utilisateurs dans ce nouveau type d’interaction. Il semblerait donc que l’appropriation des propriétés spatiales de l’environnement soit générée par un bouclage action-perception et que la fourniture d’un feedback aux actions des utilisateurs permette d’alimenter et de calibrer ce processus. Parmi les indices de profondeur, la perspective de mouvement (motion perspective) est précisément une source d’information qui s’appuie sur ce type de processus.

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3.4.2.2.3 Effet du mouvement

La vision humaine se base, entre autre, sur le déplacement visuel d’un objet (le feedback) en fonction de notre propre déplacement de point de vue (l’action) pour déterminer sa distance. Ce processus se comporte comme si des règles cognitives permettaient de déterminer de façon quasi linéaire l’amplitude de déplacement d’un objet en fonction de l’amplitude de notre propre mouvement et donc de déduire la distance de la cible d’après le déplacement observé. L’amplitude d’un objet étant plus difficilement observable quand il est éloigné, il est donc logique que l’efficacité de cet indice visuel diminue quand la distance augmente (Cutting & Vishton, 1995).

L’effet de la perspective de mouvement sur la perception des distances a été étudié par différents auteurs dont McCandless et al. (2000). Ces derniers ont étudié l’effet de l’interaction entre la latence de rafraîchissement de l’image et la perspective de mouvement sur l’estimation de la profondeur d’un objet augmenté en monoculaire. Les résultats de cette étude indiquent que la condition motion parallax (quelle que soit la latence) réduit la sous estimation des distances et améliore donc la précision des réponses des sujets par rapport à la situation fixe. Cependant, même si le temps de réponse du système est très faible, on observe tout de même une sous-estimation importante des distances. Contrairement à cette étude, Jones et al. (2008) n’ont pas trouvé d’effet positif significatif de la motion parallax sur la perception des distances. Dans leur expérimentation, les auteurs ont comparé l’effet de ce facteur dans plusieurs conditions d’environnement visuel (RV, RA, Réel, Réel + HMD). Leurs résultats indiquent que la perspective de mouvement n’a un effet que sur un seul des environnements (Réel+ HMD) et que celui-ci est négatif. Etonnamment, il semblerait que la perspective de mouvement amplifie la sous- estimation des distances perçues dans cette condition. Cette conclusion semble cohérente avec celle de Willemsen et al. (2004) dans le sens où ce n’est pas la perspective de mouvement en soi qui dégrade la perception, mais plutôt que c’est la masse et l’inertie du HMD qui modifie le feedback proprioceptif des observateurs lors de leur propre mouvement, faussant ainsi le bouclage action- perception, permettant de déterminer la distance d’un objet perçu.

Un autre résultat intéressant de cette expérimentation est la comparaison de la sous-estimation des distances en fonction du type d’environnement. En effet, un des résultats les plus importants exposés ici, est que la sous-estimation est considérablement réduite en RA et, est significativement plus faible que celle en RV. Même si la tâche était la même entre toutes les conditions expérimentales, il y a cependant de nombreuses différences entre la condition RA et la condition RV (champ de vision du HMD plus réduit, le poids et l’inertie plus importante, restitution binoculaire, qualité du rendu graphique, etc.). Comme l’indiquent les auteurs, l’ensemble de ces facteurs a déjà été étudié dans la littérature et même, si certains de ces aspects ont été démontrés comme participant partiellement au phénomène de sous-estimation, aucun ne peut l’expliquer totalement.

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Il semblerait donc que se soit la combinaison de plusieurs de ces facteurs ou la nature même de l’environnement qui provoque l’apparition de ce phénomène. Dans le deuxième cas, il convient donc de s’interroger sur ce qui caractérise les environnements et sur les facteurs de ces derniers qui puissent influencer la perception des distances.