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Synthèse et conclusion sur l’intégration sociale et économique des projets marémoteurs

Incidences socio-économiques des projets marémoteurs

Du fait de leurs dimensions et des modifications qu’ils apportent à l’environnement dans toutes ses dimensions, les projets marémoteurs peuvent avoir des incidences notables sur toutes les activités maritimes et littorales dans leur zone d’influence : activités régaliennes (sécurité, sûreté, défense, police…), activités économiques maritimes et littorales (pêche, transport, cultures marines, extractions, plaisance, tourisme…), loisirs (loisirs nautiques, pêche de loisir…).

Ces incidences peuvent concerner des enjeux majeurs pour le territoire accueillant le projet (protection contre l’érosion ou les submersions…)

5.6.1.1 Incidences négatives : impacts, mesures de réduction ou de compensation

Sauf pour certains types de projets et certains sites (particulièrement ceux qui engloberaient un ou des estuaires, des ports de commerce ou de grands ports de plaisance dont les digues auraient des impacts forts sur l’activité opérationnelle), l’existence d’un projet marémoteur ne semble pas incompatible avec la plupart des activités maritimes et littorales existantes.

Les interactions avec les activités existantes sont généralement du domaine de la perturbation plus que de l’incompatibilité : les parcs marémoteurs impliquent ainsi des changements pour un grand

nombre d’activités maritimes et littorales, mais n’entraînent a priori la disparition d’aucune de ces activités.

Pour toutes ces perturbations, il existe par ailleurs des mesures susceptibles de les réduire à un niveau acceptable ; les opportunités supplémentaires d’activités nouvelles associées au projet marémoteur ouvrent par ailleurs des possibilités nombreuses de compensation socio-économique pour les activités impactées.

5.6.1.2 Incidences positives : synergies, mesures pour les renforcer

Les infrastructures associées aux projets marémoteurs de nouvelle génération (lagon artificiel) ouvrent des perspectives pour de nombreuses activités nouvelles, mais aussi souvent pour le développement des activités existantes.

Ces perspectives couvrent a priori tout le champ des activités maritimes, et notamment l’exploitation des ressources biologiques (pêche professionnelle et de loisir, aquaculture : conchyliculture, pisciculture ou algoculture ; biotechnologies), des ressources énergétiques (éolien, houlomoteur, solaire photovoltaïque…), transport (notamment urbain et littoral), tourisme, loisirs nautiques et plaisance. Même les activités régaliennes peuvent bénéficier de ce type de projet (partage d’usage des infrastructures…)

Si l’environnement le permet (absence d’enjeux importants, ou compensation possible), il semble possible de spécialiser le plan d’eau associé au projet marémoteur (par exemple pour la production aquacole), ce qui ouvre la voie à des co-projets portés par exemple par un opérateur du domaine de l’énergie et un opérateur spécialisé dans les cultures marines ou l’exploitation industrielle de la biomasse marine.

Enjeux socio-économiques : neutralité impossible, oppositions inévitables

Les projets marémoteurs seront forcément confrontés à des oppositions fondées sur les impacts environnementaux, des oppositions de principe (auxquelles se trouvent confrontés tous les grands projets), et des oppositions de nature socio-économique de la part des usagers impactés. Les projets marémoteurs devraient être exemplaires en termes d’évaluation et de traitement des incidences environnementales et socio-économiques.

Compte tenu de la dimension des projets, il est néanmoins vain d’espérer que les impacts négatifs pourront être tous réduits à un niveau acceptable ou pleinement compensés : l’acceptabilité des projets marémoteurs ne devrait pas pouvoir se fonder sur l’atteinte d’une impossible « neutralité » vis-à-vis de l’environnement ou des usages en termes d’impacts (négatifs), neutralité qui ne suffirait de toute manière pas à entraîner l’acceptation, même passive, de projets qui ne peuvent manquer de modifier considérablement le territoire sur lequel ils s’implanteraient.

Comme tous les grands projets, un projet marémoteur ne peut espérer l’unanimité, les oppositions essentielles pouvant provenir désormais d’acteurs extérieurs au territoire : il est donc important (voir plus bas) de conduire le débat public de manière à faire apparaître la nature des oppositions, en particulier les oppositions de principe par rapport à celles qui sont liées à un territoire particulier ou une activité en particulier.

Les perspectives de développement d’activités nouvelles sont un puissant moteur pour les porteurs de projets, mais il faut garder à l’esprit que ces mêmes perspectives soulèvent souvent des oppositions farouches, soit d’acteurs en place réticents à partager territoire et ressources, soit de riverains attachés à une vision du territoire généralement ancrée dans la tradition, réelle ou imaginée.

Mesures susceptibles de favoriser l’appropriation territoriale des projets marémoteurs

Les projets marémoteurs sont nécessairement des projets majeurs pour un territoire, qui ne peuvent donc en aucun cas être considérés comme « neutres » pour le territoire. En revanche, ces projets sont associés à de nombreuses incidences potentielles positives socio-économiques (développement d‘activités existantes, création d’activités nouvelles) ou territoriales (protection du littoral, développement territorial).

Au bilan, au plan de l’intégration économique et social des projets, on peut identifier deux options stratégiques :

a. Projet industriel « pur », porté par les seuls acteurs industriels et destiné à la seule production d’énergie. Condamné à l’impossible réduction systématique et à la compensation de tous ses impacts, dans une ambiance générale de tension (classique des projets majeurs considérés comme portés par des acteurs étrangers au territoire et favorisant leurs propres intérêts plus que ces des acteurs locaux), un tel projet aurait beaucoup de mal à émerger dans un délai acceptable ;

b. Projet porté par le territoire, comportant un volet énergétique important (marémoteur), mais aussi d’autres objectifs territoriaux (lutte contre l’érosion, protection contre les submersions, développement économique et social…) et économiques (développement d’activités économiques associées à l’économie bleue).

Ces options stratégiques correspondent à des options bien différentes en termes d’objectifs (optimum énergétique vs optimum socio-économique), de portage du projet, de gouvernance, et de financement. La deuxième option (projet territorial) semble offrir de bien meilleures perspectives en termes d’acceptation des projets, et même de montage économique (financement, partage des risques).

Synthèse : avantages/inconvénients des deux approches

Option Avantages Inconvénients

Projet énergétique industriel

• Pilotage clair du projet

• Négociations bilatérales avec chaque acteur concerné

• Calendrier en principe indépendant du calendrier politique et stratégique du territoire

• Association limitée des acteurs du territoire, bénéfices indirects mal évalués

• Nombreux recours potentiels générateurs de délais importants (surtout si le projet n’est pas inscrit dans les stratégies locale, régionale, à

Option Avantages Inconvénients

l’échelle de la façade, nationale)

• Arbitrages incertains

• Risques assumés par les seuls acteurs industriels et financiers

• Difficulté à modifier les stratégies et plans territoriaux pour intégrer le projet (DSF, SCOT, PLU…)

Projet territorial

• Portage du projet par les décideurs du territoire

• Possibilité de définir des mesures compensatoires socio-économiques à l’échelle du territoire, au-delà du périmètre du projet

• Catalyseur potentiel d’initiatives et d’activités nouvelles

• Nécessité d’un portage fort des acteurs territoriaux, et dépendance au calendrier politique local/régional

• Complexité de la démarche de construction du projet et du pilotage (public-privé)

• Complexité du financement (ex. : défense du littoral…)

• Durée du processus, susceptible de décourager les investisseurs et les porteurs de projets

Autres facteurs influant sur l’intégration des projets

Au-delà des impacts socio-économiques objectifs potentiels des projets sur certaines activités, il est nécessaire de prendre en compte la relation à l’espace maritime de certains acteurs.

En effet, si la mer est en principe et au regard du droit un espace commun, elle est de fait l’espace privilégié d’un certain nombre d’usagers, qui ont tendance à se référer à cet usage exclusif de plus ou moins longue date pour se l’approprier. Ainsi, la bande côtière est souvent considérée par les pêcheurs côtiers comme « leur » espace, de même d’ailleurs que certaines zones bien plus loin des côtes sont appropriées (de manière souvent moins visible) par d’autres acteurs, comme la marine nationale (zones d’exercice).

Dans ces espaces, ces acteurs considèrent que la décision finale quant à leur usage leur appartient, et ceci souvent indépendamment des éventuels impacts économiques et des compensations qui pourraient les réduire ou les annuler.

En l’absence de vision globale et prospective, c’est souvent la vision de ces acteurs qui structure celle des autres acteurs du territoire38. Il est important (comme souligné plus haut) que le débat permette de faire émerger ces positions de principe et permette leur discussion, ce qui justifie de conduire d’abord le débat à l’échelle nationale, celle des politiques, avant de le poursuivre à l’échelle territoriale, celle des projets.

38 Comme en témoigne l’élaboration des « Documents Stratégiques de Façade », qui entérine dans la planification nationale les priorités revendiquées par les acteurs existants