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Malgré certaines différences des alliages ferreux anciens avec les aciers contemporains, ceux- ci constituent un intéressant support pour étudier la corrosion à long terme puisqu’ils permettent d’étudier des produits de corrosion anciens. Il est également possible de tirer partie de leur hétérogénéité (inclusions et teneur en éléments mineurs) et observer les évolutions de matériaux différents dans un même milieu. Très peu de publications rapportent la caractérisation du substrat métallique composant les objets étudiés pour la corrosion. Elles ne concluent donc pas sur l’influence que peut avoir la composition ou la structure du métal sur la formation des produits de corrosion. Si l’on confronte tous ces résultats, il en ressort que l’étude de l’influence de la nuance d’acier non ou faiblement allié n’entre en ligne de compte dans aucune d’entre elles.

La comparaison d'études d'approches très différentes sur la corrosion des objets archéologiques nous donne un intéressant état des lieux de ce qui est connu à ce jour sur la corrosion à long terme des alliages ferreux dans les sols. D’après cette revue, il apparaît qu’une première étape du processus de corrosion, avant que l’objet soit enfoui, peut être la corrosion atmosphérique. Il se forme alors une couche de produits de corrosion essentiellement composée de fer III.

De manière générale, la corrosion localisée n’est pas prise en compte sur les études d’objets archéologiques. Il semble sous-entendu que les phénomènes de corrosion sur ces types de nuances sont généralisés, exception faite peut-être de la présence de corrosion bactérienne qui entraîne de la corrosion localement.

Très peu d’études prennent le soin, dans le contexte des objets ou des analogues archéologiques, d’identifier les produits de corrosion formés en fonction du milieu. Les principaux d’entre eux sont la goethite (α-FeOOH), et la magnétite (Fe3O4), ainsi que dans

une moindre mesure la sidérite (FeCO3). Cette dernière semble associée à des conditions

d’enfouissement particulières, notamment celles de la présence de micro-organismes qui occasionnent de plus l’apparition de phases contenant du soufre.

Les études réalisées à partir d’objets archéologiques dans les sols, en vue de mieux cerner les paramètres conduisant à une meilleure conservation de ceux-ci, se sont intéressées au milieu d’enfouissement. Il en ressort que le milieu de corrosion joue un rôle important, et l’influence de son évolution dans le temps a été mis en évidence, particulièrement dans les régions industrielles dont la pollution est néfaste pour la conservation des objets. Mais il est difficile d’établir un profil type des sols passés en revue. En effet, pour chaque étude, des analyses différentes ont été effectuées, et les protocoles expérimentaux ne sont pas toujours détaillés, ce qui rend difficile la comparaison des données. Les mesures les plus courantes sont celles de pH qui varient entre 5 et 7 sur l’ensemble des sols rencontrés. En conclusion sur le rôle du milieu, celui-ci a une influence sur la corrosion mais elle n’est pas quantifiée de manière évidente jusqu’à présent.

Il est difficile, à travers l’ensemble de ces études, de faire le lien entre la corrosion du fer à ses premiers stades (formation des produits de corrosion, stabilité de ceux-ci) et la corrosion à long terme observée sur les objets archéologiques. Le manque d’éléments qui permettent de

faire le lien vient des méconnaissances des sites et de l’évolution de leurs paramètres physico- chimiques qui ont empêché la plupart des auteurs de poser des hypothèses sur les mécanismes de corrosion.

Les études abordant la formation et l’évolution des produits de corrosion du fer dans différents milieux aqueux concluent sur deux types de contrôle de la corrosion. Le premier repose sur les phénomènes de transport dans les couches de corrosion poreuses en milieu aéré. Le deuxième envisage dans les premiers stades de la corrosion la formation d’une couche barrière dense qui limite fortement le transport d’espèces du milieu vers l’interface métal/produits de corrosion. Cependant ces études effectuées sur des durées faibles comparées à l’échelle de temps du stockage des déchets, ne prennent pas en compte l’éventuelle altération des produits de corrosion au cours du temps.

Enfin les études de corrosion sur les objets archéologiques n’associent pas souvent la datation des objets à leur caractérisation, souvent par manque de connaissances sur la durée exacte de l’enfouissement. Quand cela a été possible, des estimations de vitesses de corrosion ont été réalisées, soit sur les objets directement, par mesure d’une perte d’épaisseur, soit à partir des objets par méthodes électrochimiques. La première méthode conduit à l’estimation de vitesses moyennes plus faibles que les secondes, qui conduisent à établir des vitesses instantanées du dernier stade de l’enfouissement. Ces vitesses sont comprises entre 0,1 et 22 µm/an pour les premières, et 6 et 40 µm/an pour les secondes. Cette différence provient notamment du système de corrosion testé lors des essais électrochimiques, suivant si celui-ci comprend les produits de corrosion et le sol ou seulement les produits de corrosion. La mesure de perte d’épaisseur a posteriori est difficile et les études qui s’y sont employées n’ont pas utilisé les mêmes méthodes. De plus, des expérimentations d’enfouissement d’éprouvettes d’acier sur site ou en laboratoire par reproduction d’un milieu existant montrent que les vitesses obtenues sur de courtes périodes (500 jours au maximum) sont assez élevées (de 15 à 159 µm/an) suivant les conditions établies. Dans l’ensemble, ces vitesses diminuent au cours du temps, dès la première année de test. Mais il ressort également de ces essais que l’estimation de vitesses moyennes de corrosion uniforme ne peut être décorrélée des paramètres concernant le milieu d’enfouissement. Les mesures de vitesses sur le court terme sont plus élevées que celles effectuées en moyenne sur les objets archéologiques. Cependant, les méthodes d’évaluation des vitesses font montre d’une grande disparité d’une étude à l’autre, et bien qu’une fourchette de vitesses de corrosion entre 0,1 et 22 µm/an a été obtenue de la

compilation des diverses données rassemblées, il est difficile de déterminer si celle-ci est majorante.

En conclusion, cette bibliographie passe en revue les mécanismes d’oxydation du fer du point de vue des réactions électrochimiques, de la formation et de l’évolution des produits de corrosion dans différents milieux connus, ainsi que de l’étude de couches de rouille anciennes, formées sur les objets archéologiques dans des milieux dont l’évolution n’est pas connue.

La grande diversité des résultats ne cache pas le fait qu’aucune étude statistique n’a été réellement entreprise. Il est nécessaire d’effectuer la caractérisation d’un grand nombre d’objets sur plusieurs sites d’enfouissement afin de pouvoir pallier la déficience d’informations sur la nature des produits de corrosion formés, l’influence du milieu et les vitesses de corrosion pour lesquelles il n’existe pas à présent de protocole de mesures.

Dans le cadre du stockage des déchets nucléaires, des tests empiriques ont été menés sur la corrosion de l’acier dans l’argile. Cependant peu d’études des phénomènes de corrosion ont été entreprises. C’est pourquoi le but de cette présente étude est de pallier ce manque en effectuant d’une part une description fine des faciès de corrosion afin d’en tirer des indices sur les mécanismes et d’autre part en déterminant, par des calculs thermodynamiques, la solubilité des phases identifiées dans les produits de corrosion. Le croisement de ces données aboutira à la proposition de mécanismes de corrosion du fer à long terme dans les sols. Une deuxième approche plus technologique visera à établir une méthode d’estimation des vitesses moyennes de corrosion à partir de données analytiques et thermodynamiques.

Pour répondre à ces objectifs, il convient d’utiliser des techniques expérimentales adaptées à l’épaisseur des produits de corrosion formés sur les objets archéologiques. Des outils d’analyse microstructurale seront utilisés de manière complémentaire avec d’autres techniques usuelles d’étude des matériaux. L’ensemble des moyens mis en œuvre devra être intégré dans le cadre d’une méthodologie d’analyse fiable. Ces différents points seront traités dans le chapitre suivant.

CHAPITRE 2