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Application des calculs de solubilités à des évaluations de pertes maximales de fer dans le milieu

C HAPITRE 3 R ÉSULTATS

4. Estimation des vitesses de corrosion

4.2 Application des calculs de solubilités à des évaluations de pertes maximales de fer dans le milieu

Les produits de corrosion formés sur les objets archéologiques peuvent se dissoudre dans les solutions du milieu d’enfouissement. A partir de ce raisonnement très simple, et à l’aide des solubilités déterminées pour les produits de corrosion identifiés sur les analogues archéologiques, il a été décidé de quantifier la perte de métal maximale qui peut être occasionnée par ce phénomène. Le principe consiste à estimer une quantité d’eau susceptible d’entrer en contact avec la surface de l’objet corrodé et de transporter les espèces dissoutes. Il est supposé que cette surface est recouverte uniformément d’une phase (goethite, magnétite ou sidérite). L’eau du milieu solubilise la phase et peut emporter les espèces du fer aqueuses ou complexées. La diffusion dans les milieux poreux, tels que les sols, ne semble pas prépondérante sur des distances caractéristiques des profils de distribution élémentaires (le

MT a une épaisseur comprise entre 1,0 et 5,2 mm, cf. § 4.2 du chapitre 3). C’est pourquoi l’hypothèse de la convection comme vecteur principal de la migration du fer dans le sol a été retenue dans la suite des calculs. L’entraînement de l’eau est considéré être l’étape limitante du calcul, c’est à dire que les réactions de dissolution au niveau du contact avec les produits de corrosion sont supposées être suffisamment rapides pour qu’on puisse considérer qu’elles sont pratiquement à l’équilibre.

Les eaux du sol susceptibles d’être en contact avec la surface de l’objet sont alimentées par les précipitations (données régionales, cf. annexe 2). Toutes les eaux de pluies ne pénètrent pas dans les sols, puisqu’une partie repart dans l’atmosphère ; ce phénomène est connu sous le nom d’évapotranspiration (cf. chapitre 1). Dans le cadre de cette étude, il a été considéré que seules 10% des eaux de pluie s’écoulent dans le milieu. Ainsi le volume d’eau (V) qui entre en contact avec les produits de corrosion sur la durée totale de l’enfouissement est donné par la formule suivante :

Avec h : hauteur moyenne annuelle de précipitation (en mm/an) ; %ETP : coefficient correctif appliqué pour l’évapotranspiration ;

T : durée d’enfouissement (en années) ;

S : aire de la surface des produits de corrosion en contact avec l’eau.

Dans des conditions de potentiel et de pH données, la solubilité d’une phase a été calculée à partir de données thermodynamiques. A partir de celle-ci, une quantité de fer passant dans le volume V est calculée. Pour des besoins de comparaison avec la méthode d’estimation des vitesses établie à partir des données analytiques (cf. paragraphes précédents), cette quantité de fer qui migre dans le milieu est convertie en épaisseur de métal. Ainsi, l’épaisseur équivalente de fer EFe emporté pour une phase de solubilité s est :

EFe = (s.V.MFe)/(S.ρFe) = (s.h.%ETP.T.MFe)/ρFe (27.)

où s est la solubilité de la phase considérée, MFe est la masse molaire du fer (MFe = 56 g/mol)

et ρFe est la masse volumique du fer (ρFe = 7,8 g/cm3).

Pour le calcul des épaisseurs perdues par cette méthode, les valeurs moyennes de hauteur de précipitation et d’évapotranspiration ont été considérées comme constantes au cours de l’enfouissement et équivalentes aux valeurs actuelles. De même, il est supposé que l’aire de la surface S des produits de corrosion exposés à l’eau des sols est constante tout au long de l’enfouissement.

Afin de ne pas multiplier les calculs, ceux-ci ont été basés sur les paramètres du site de Montbaron : les précipitations sont de 670 mm par an et la durée d’enfouissement est de 800 ans. Les calculs ont été effectués pour trois valeurs de pH différentes, comprises dans l’intervalle de pH mesuré sur les sites : 6, 7 et 8. De même cinq valeurs de potentiels ont été utilisées : -300, -100, 0, 100 et 200 mV/ESH, afin de visualiser l’influence que peut avoir ce dernier, selon qu’il est réducteur ou oxydant. Par manque de données sur les eaux des sites, seules les solubilités des phases dans l’eau pure ont été prises en compte. Cependant, d’après nos calculs de solubilité des différentes phases en milieu complexant, les estimations ne seraient majorées que d’au maximum 10%.

Les épaisseurs sont représentées en échelle logarithmique, en fonction du potentiel, pour chaque valeur de pH (Figure 57 et Figure 2 de l’annexe 5).

-300 -200 -100 0 100 200 -4 -2 0 2 4 6 8 10 pH = 6 Log E Fe (E Fe e n mm) E (mV) -300 -200 -100 0 100 200 -4 -2 0 2 4 6 8 pH = 7 Log E Fe (E Fe en mm) E (mV) -300 -200 -100 0 100 200 -4 -2 0 2 4 6 pH = 8 Lo g E Fe (E Fe en mm) E (mV) Goethite Magnétite Sidérite Ligne horizontale : 100 µm

Figure 57 : Quantité de fer ayant migré vers le milieu, exprimée en logarithme de l’épaisseur (en mm) en fonction du potentiel (mV/ESH), dans le cas d’un niveau de précipitation égal à celui de Montbaron. La ligne horizontale représente une perte de 100 µm de métal, ce qui est de l’ordre de grandeur de l’épaisseur équivalente en métal des CPD (cf. paragraphe précédent).

Cet exercice n’est qu’une simulation de la perte de fer potentiellement induite par la dissolution des produits de corrosion ; pourtant il est possible de tirer deux remarques de ces graphiques :

Quelles que soient les conditions de potentiel, de pH et de PCO2, la sidérite est une

phase très soluble (la perte d’épaisseur de métal minimum perdue est de 105 mm), •

• La perte d’épaisseur de métal occasionnée par les dissolutions de la magnétite et de la goethite diminuent lorsque le potentiel augmente, et deviennent semblables,

voire négligeables, par rapport à l’épaisseur équivalente des CPD pour des potentiels oxydants, plus le pH est proche de 8.

A partir de ces calculs d’épaisseur, des bornes supérieures des vitesses ont été extrapolées, en faisant le quotient de ces épaisseurs calculées par la datation du site. A titre de comparaison avec les vitesses calculées par la méthode analytique, les vitesses sont calculées pour un pH de 8, dans les conditions du site de Montbaron (Figure 58 et Figure 3 de l’annexe 5).

-300 -200 -100 0 100 200 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 Log V (V en µ m /a n) E (mV) Goethite Magnétite Sidérite

Ligne horizontale : 10 µm/an

Figure 58 : Quantité de fer maximale perdue par dissolution des produits de corrosion convertie en vitesse et calculée à partir des solubilités de la goethite, de la magnétite et de la sidérite, à différents potentiels (mV/ESH) (à pH 8, et pour une datation de 800 ans)

A un pH de 8, pour la goethite et la magnétite, la vitesse équivalente est inférieure à 10 µm/an pour les potentiels oxydants. La vitesse estimée à partir de ces calculs correspond à la quantité de fer qui aurait migré de l’objet sous l’effet des phénomènes de convection. Les phénomènes de reprécipitation éventuels ne sont pas pris en compte. Ainsi, cette vitesse correspond à la quantité de fer contenue dans le MT, si celui-ci est formé par dissolution/reprécipitation des CPD (cf. chapitre 4 § 2.2.1), et au-delà, dans le sol lorsque les CPD sont dissoutes dans les solutions du milieu. Le peu de données que nous avons recueillies sur le site ne nous permettent pas de resserrer la fourchette de vitesses par les calculs de solubilité. Cependant si l’on se place dans la cadre d’un milieu oxydant, en présence d’un faciès formé majoritairement de goethite, comme nous l’avons analysé sur la plupart de nos objets, les pertes de métal par convection semblent être relativement limitées.

CHAPITRE 4