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Syndromes rhumatologiques paranéoplasiques :

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A) Syndromes rhumatologiques paranéoplasiques :

Très polymorphes, se rencontrent dans 10-15% des cancers broncho-pulmonaires. Ils sont fréquemment observés en cas de carcinome épidermoïde

[34].

Ils ne sont cependant pas spécifiques du cancer et peuvent exister dans d’autres maladies pulmonaires, ou cardiovasculaires, et notamment en cas d’hypoxémie chroniques. On distingue :

a) L’ostéo-arthropathie hypertrophiante pneumique de Pierre Marie OAHP :

Appelée également maladie de Bamberger, décrite en 1890 par Pierre Marie. L'ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique n'est pas spécifique des cancers, et peut s'observer au cours des cardiopathies cyanogènes, des hépatopathies chroniques inflammatoires, des entéropathies inflammatoires, ou encore la maladie de Basedow [31].

La fréquence de l’OAHP au cours du cancer bronchique varie de 0,45% à 45% de cas selon les auteurs [2].

La pathogénie de ce syndrome est mal connue, initialement attribuée à l’hypersécrétion de GH, cependant des arguments plaident fortement contre cette hypothèse : l’augmentation de la GH n’est pas constamment associée à l’OAHP et n’est pas parallèle à leur évolution. Le rôle des facteurs de

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croissance, notamment du VEGF (facteur de croissance de l'endothélium vasculaire) mais aussi du PDGF (facteur de croissance dérivé des plaquettes), semble être au premier plan dans la physiopathologie de ce syndrome. L’exérèse de la tumeur se traduit d’ailleurs par une diminution des taux de VEGF [2].

La forme complète associe un hippocratisme digital des doigts et des orteils, une hypertrophie des parties molles des extrémités distales souvent limitée aux doigts, réalisant un aspect acromégaloïde, mais pouvant s'étendre dans les formes sévères jusqu'aux avant-bras ou à la moitié inférieure des jambes. Parfois, cette hypertrophie acromégaloïde touche le massif facial.

Les extrémités sont le siège de troubles neurovasculaires, avec cyanose chaude, hypersudation intense et paresthésies. Une polyarthropathie inflammatoire, subaiguë ou chronique, touche les articulations des doigts, des poignets, des chevilles et des genoux. Chez certains patients, cette atteinte articulaire est au premier plan, pouvant prêter à confusion avec une polyarthrite rhumatoïde débutante .Les raideurs articulaires douloureuses sont souvent le premier motif de consultation.

La ponction articulaire ramène un liquide paucicellulaire, et à la biopsie, la synoviale est simplement congestive.

La radiographie révèle une périostose engainante d’intensité variable, gainant la diaphyse des phalanges, des métacarpiens, des métatarsiens, du tibia, du péroné, du radius et du cubitus [5].

La scintigraphie osseuse objective parfois une hyperfixation de type articulaire.

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Le diagnostic différentiel est celui de la pachydermopériostose à caractère familiale débutant dès la puberté associée à un épaississement de la peau du visage, la radiographie des diaphyses est normale [31].

Le traitement de l’OAHP est l’exérèse tumorale qui s’accompagne d’une régression remarquablement rapide des symptômes ou les anti-inflammations non stéroïdiens, voire les corticoïdes, quand l’exérèse est impossible. L’atropine ou la vagotomie homolatéral à la tumeur sont parfois indiquées mais leurs effet est beaucoup plus inconstant. Les bisphosphonates et notamment l’acide zolédronique pourraient être bénéfiques dans quelques cas [5].

b) Polyarthrites simulant la polyarthrite rhumatoïde :

Certaines peuvent être associées à un cancer bronchique qui est le plus fréquemment observé (60 % des cas) [32]. La coexistence possible de ces deux affections rend bien difficile la reconnaissance du caractère paranéoplasique de la polyarthrite. La disparition de celle-ci après irradiation ou exérèse du cancer constitue un argument diagnostique fondamental.

L’atteinte articulaire paranéoplasique se manifeste en règle par une polyarthrite, qui peut mimer la polyarthrite rhumatoïde, mais dont certains caractères (début explosif, atteinte asymétrique, altération de l’état général, faible réponse aux glucocorticoïdes et/ou aux traitements de fond classiques) doivent inciter à rechercher une néoplasie sous-jacente.

Les auteurs proposent les critères d'aide au diagnostic de polyarthrite paranéoplasique suivants [32]:

- Age de plus de 50 ans.

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- Polyarthrite (symétrique ou asymétrique). - Altération de l'état général.

- Absence de nodule rhumatoïde. - Absence de facteur rhumatoïde. - Elévation du taux de CRP.

- Absence d'érosion sur les radiographies standards. - Régression de l'arthrite après traitement antitumoral. En règle, il n’y a pas d’autoanticorps.

c) Hippocratisme digital :

L’hippocratisme est associé à des maladies pulmonaires chroniques ainsi qu’à des néoplasmes thoraciques, tels que le cancer broncho-pulmonaire, le mésothéliome, la forme pulmonaire de la maladie de Hodgkin, le lymphome intestinal et les tumeurs solides métastatiques du thorax [37].

Il se caractérise par une augmentation de la convexité des ongles (ongles bombés) et par un épaississement des tissus mous à l’extrémité des doigts et des orteils. Cela s’accompagne d’une disparition de l’angle de 15° à 20° formé entre l’ongle et le pli unguéal postérieur. L’épaississement résulte d’une augmentation du flux sanguin périphérique avec œdème périunguéal, responsable d’anomalies de l’oxygénation tissulaire locale, d’une dilatation des vaisseaux des extrémités et d’une stase des éléments figurés.

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d) Polyarthrite aiguë œdémateuse bénigne du sujet âgé paranéoplasique (RS3PE):

Décrite en 1985, il s’agit d’une polyarthrite particulière par son caractère œdémateux, dénommée Remitting Seronegative Symmetrical Synovitis With Pitting oEdema (RS3PE syndrome).

Quelques rares observations de cancers solides associés à un RS3PE sont rapportées. Il s’agit volontiers d’adénocarcinomes pulmonaires [33].

Sur le plan physiopathologique, le VEGF ainsi que l’IL-6 semblent très impliqués. Des taux élevés de MMP3 (métalloprotéinase 3) permettraient de différencier le caractère paranéoplasique de la forme idiopathique.

Cliniquement, l’œdème est habituellement bilatéral et symétrique, à prédominance distale, touchant la face dorsale des mains qui prend parfois un aspect en « gants de boxe ». Le caractère paranéoplasique de cette polyarthrite doit être suspecté lorsqu’il y a une mauvaise réponse au traitement corticoïde

[32].

Dans ce cadre, le début est souvent brutal dans un contexte d’altération de l’état général chez un sujet > 60 ans, souvent de sexe masculin. Outre l’œdème des mains et parfois des pieds, les autres manifestations sont une polyarthrite symétrique, touchant en règle les grosses articulations mais aussi les petites articulations des mains (Métacarpo-phalangiennes, Inter-phalangiennes proximales), non érosive, sans autoanticorps, associée généralement à des ténosynovites des extenseurs et fléchisseurs des mains. Il n’y a pas de nodules, ni de déformations articulaires. L’échographie et/ou l’IRM peuvent avoir un intérêt pour objectiver l’œdème sous-cutané et les ténosynovites.

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Ainsi, le syndrome RS3PE semble être une entité à part entière plus qu’un sous- groupe de polyarthrite rhumatoïde séronégative.

Le pronostic est généralement bon. Le traitement de la tumeur se traduit par une régression des symptômes.

e) Rhumatisme de Jaccoud paranéoplasique :

Le rhumatisme de Jaccoud est une polyarthrite non érosive s’accompagnant de déformations des doigts avec coup de vent cubital associées à une flexion des Métacarpo-phalangiennes avec parfois un aspect en col-de-cygne. Ces déformations sont longtemps réductibles. Ce rhumatisme qui fut initialement décrit au cours du rhumatisme articulaire se voit aujourd’hui surtout dans le lupus systémique, mais il a été aussi rapporté au cours des cancers du poumon. Il est d’installation progressive et insidieuse avec peu de douleurs et peu d’œdèmes, l’atteinte est symétrique et limitée aux articulations distales des membres supérieurs [32].

f) Algodystrophie :

L'algodystrophie peut s'associer à des tumeurs malignes de différents types, en particulier le cancer épidermoïde du poumon, mais aussi les cancers du côlon, du pancréas, de l’ovaire ou des leucémies myéloïdes. La pathogénie des algodystrophies associées aux cancers n’est pas connue. Le tableau est identique aux algodystrophies d'autres origines surtout post-traumatiques .Il associe une douleur exacerbée et persistante à la stimulation même légère avec une raideur articulaire et une diminution de l'amplitude des mouvements. Il précède en général le diagnostic du cancer, la symptomatologie régresse habituellement après traitement de la tumeur [33].

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g) Syndromes musculaires paranéoplasiques :

g-1) Myopathie nécrosante paranéoplasique :

Cette entité rare se manifeste par la survenue d'une faiblesse musculaire d'aggravation rapide, accompagnée de myalgies, touchant essentiellement la ceinture scapulaire, et à un moindre degré la ceinture pelvienne. La pathogénie de cette myopathie nécrosante reste obscure : l'hypothèse d'une réactivité croisée de lymphocytes T sensibilisés aux antigènes tumoraux, aux dépens d'antigènes de membrane des myocytes a été soulevée. Elle est d'origine toxique (médicaments) ou auto-immune et est caractérisée par la présence d'anticorps anti-SRP ou anti-HMG-coenzyme A réductase. L'examen histologique montre un aspect de nécrose plus ou moins étendue des fibres musculaires allant parfois jusqu’à 100 % et peu de signes inflammatoires.

Les cancers associés à cette affection sont pulmonaires, gastriques, coliques, mammaires, ou vésicaux. La corticothérapie est en règle inefficace

[32].

g-2) Syndrome de la personne raide :

Cette affection est beaucoup plus rarement paranéoplasique qu’auto-immune. À la rigidité progressive diffuse, axiale et des membres inférieurs se surajoutent des spasmes déclenchés par le contact ou une contraction volontaire dus à des contractions simultanées des muscles agonistes et antagonistes. L’incompréhension des signes et symptômes du syndrome de la personne raide conduit souvent ces patients en psychiatrie. La femme est plus souvent atteinte que l’homme. Les affections malignes rapportées sont le cancer du sein, et dans quelques cas le cancer du poumon à petites cellules, la maladie de Hodgkin, un

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thymome. Les anticorps les plus fréquemment trouvés sont les anticorps anti-amphiphysine, dans quelques cas des anticorps anti-GAD à des taux élevés ont été détectés [35].

h) En résumé :

De nombreuses manifestations articulaires et musculaires peuvent être d’origine paranéoplasique. L’ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique et les polyarthrites associées au carcinome sont les principales présentations cliniques. Les principaux critères qui doivent faire évoquer le caractère paranéoplasique sont : le début brutal, l’âge inhabituel de survenue, la distribution atypique, l’existence d’une polyarthrite inflammatoire inhabituelle, des douleurs osseuses diffuses chez un patient de plus de 50 ans, la faible réponse aux glucocorticoïdes et aux immunosuppresseurs [34].

Le traitement du cancer associé permet le plus souvent, mais pas constamment une évolution favorable du syndrome paranéoplasique.

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