en un flux net en direction opposée de celui de l’O2, du sang aux gaz alvéolaires (Petersson and Glenny 2014).
Le résultat est encore la même PCO2 dans les gaz alvéolaires et le sang en fin de capillaires (PecCO2) parce que la résistance pour la diffusion est encore moins pour le CO2 que pour l'O2. Enfin, la quantité d’O2 prise en charge dans le sang est dépendante de la concentration en hémoglobine, de la fraction d’hémoglobine liée à l’O2 et à la PaO2.
Les échanges gazeux alvéolo-‐capillaires sont une fonction essentielle de l’appareil respiratoire. Ils déterminent la quantité d’O2 qui sera disponible pour les échanges gazeux tissulaires donc pour la respiration cellulaire (Figure 5).
Dans certaines pathologies comme les SDRA, les pneumonies ou lors de sepsis, les échanges gazeux deviennent moins efficaces entraînant une hypoxémie ou une hypercapnie.
II. Le syndrome de détresse respiratoire aiguë
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë se manifeste sous forme clinique, radiologique et physiologique par une intense inflammation et une hyperperméabilité pulmonaire, en réponse à différentes agressions aiguës du parenchyme pulmonaire. C’est une pathologie très lourde qui engage le pronostic vital malgré 40 ans de recherche.
Il a été décrit pour la première fois en 1967, par Ashbaugh et ses collègues (Ashbaugh, Bigelow et al. 1967). En 1994, lors de la Conférence de Consensus Américano-‐ Européenne (CCAE), une nouvelle définition est donnée établissant les critères diagnostiques (Bernard, Artigas et al. 1994). Le SDRA est alors défini par les critères suivants (Fanelli and Ranieri 2015) :
-‐ une insuffisance respiratoire d’installation aiguë,
-‐ une pression artérielle pulmonaire d’occlusion inférieure à 18mmHg ou absence d’évidence d’hypertension de l’oreillette gauche,
-‐ une hypoxémie sévère (ratio PaO2/FiO2 ≤200mmHg contre 500mmHg chez un sujet normal).
Un nouveau terme a également été défini, l’agression pulmonaire aiguë, de l’anglais Acute Lung Injury (ALI), caractérisée par les mêmes critères que le SDRA mais avec une hypoxémie plus modérée (Pa02/FiO2≤300mmHg).
Depuis, des questions relatives à la fiabilité et à la validité de cette définition ont émergé et ont conduit en 2012 un panel d’experts à se réunir et à établir la définition de Berlin. Cette nouvelle définition révise et ajuste les critères diagnostiques de la définition de la CCAE sur le SDRA (Force, Ranieri et al. 2012):
-‐ pour pallier aux imprécisions sur la gravité des SDRA, trois catégories mutuellement exclusives sont proposées, en fonction du degré d’hypoxémie :
• légère : 200 mmHg <PaO2/FiO2 ≤ 300 mmHg (remplaçant la notion d’ALI)
• modérée : 100 mmHg <PaO2/FiO2≤ 200 mmHg • sévère : PaO2/FiO2 ≤ 100mmHg
-‐ la phase aiguë est plus précise et établie à une semaine ou moins.
-‐ les critères radiographiques sont clarifiés afin de diminuer la variabilité inter-‐ observateurs.
-‐ abandon de la pression artérielle d’occlusion comme critère et une amélioration de la capacité à exclure les causes cardiaques d’infiltrats bilatéraux.
Selon le modèle conceptuel actuel, le SDRA est un type de lésion pulmonaire sévère et diffuse associée à un ou plusieurs facteurs de risque prédisposant. Il est caractérisé par une inflammation conduisant à l’augmentation de la perméabilité vasculaire et au collapsus des alvéoles.
Y731 Y685
P
O VE-cadherinVE-cadherinedherin
Y731 Y685 O OH Leucocyte Le Le Y731 Y685 P
O VE-cadherin-cadherinerin
OH Leukocyte P V VE Y731 Y685 O OH Leucocyte Y731 Y685 P OH O Récepteur Histamine Récepteur VEGF VE-cadherin VE-cadherinen Y731 Y685 OH O Perméabilité Y731 Y685 P O Récepteur Histamine Récepteur VEGF VE-cadherin Y731 Y685 O VE-cadherinen Histamine VEGF P O
Ouverture induite par les leucocytes
SHP-2
AP-2 Endocytose
VEGF/Ouverture induite par l’histamine
Figure 6. L’induction de la perméabilité repose exclusivement sur la phosphorylation des VE-cadhérine-Y685, alors que l’extravasation efficace des leucocytes ne dépend que de la phosphorylation d’Y731.
Panneau du haut. Sous certaines conditions, les VE-cadhérines ne sont pas suffisamment phosphorylées sur le résidu Y685 mais le sont beaucoup plus sur l’Y731. Des facteurs indui-sant la perméabilité vasculaire comme le VEGF ou l’histamine augmentent la phosphoryla-tion sur le résidu Y685 alors que le niveau de base de phosphorylaphosphoryla-tion d’Y731 n’est pas altéré.
Panneau du bas. Au contraire de la perméabilité induite par des stimuli, les leucocytes déphosphorylent rapidement Y731. Seulement, Y731 et non Y685 permet l’extravasation des leucocytes in vivo. L’induction de la perméabilité et l’extravasation des leucocytes régu-lent la phosphorylation de différents résidus tyrosine sur les VE-cadhérines de différentes manières. D’après (Wessel, Winderlich et al. 2014)
1.1. Lésions de l’endothélium et de l’épithélium
A. L’hyperperméabilité vasculaire
L’intégrité de la barrière alvéolo-‐capillaire est essentielle pour empêcher la formation d’œdèmes alvéolaires et l’extravasation des leucocytes. Des lésions de la composante endothéliale de cette barrière, conduisent à l’augmentation de la perméabilité capillaire qui représente la principale anomalie physiopathologique initiant le SDRA. L’endothélium des capillaires est constitué de cadhérine endothéliale-‐vasculaire (VE-‐ cadhérine) jouant un rôle très important dans l’adhésion cellulaire et sont donc primordiales pour la stabilité des jonctions endothéliales (Wessel, Winderlich et al. 2014). Ce sont des protéines transmembranaires de type I assurant un contact calcique dépendant entre les cellules vasculaires. La partie extracellulaire de la protéine est engagée dans un dimère via une interaction homophilique alors que la queue cytoplasmique est associée à des protéines de la famille des caténines, servant d’intermédiaire de liaison avec le cytosquelette. La perméabilité vasculaire et l’extravasion des leucocytes sont très contrôlées que ce soit dans des conditions physiologiques ou lors de l’inflammation (Sidibe and Imhof 2014). Les échanges peuvent se produire par voie transcellulaire (à travers la cellule endothéliale) ou par voie para-‐ cellulaire c'est-‐à-‐dire entre les jonctions cellule-‐cellule. La voie para-‐cellulaire est régulée essentiellement par les protéines des jonctions serrées et adhérentes. Des facteurs pro-‐inflammatoires ou induisant la perméabilité comme le Tumor Necrosis Factor-‐alpha (TNF-‐α) ou l’histamine induisent la phosphorylation des résidus Tyrosine 685 (Tyr685) des VE-‐cadhérines via la protéine steroid receptor coactivator (Src) conduisant à la perméabilité cellulaire en détruisant la liaison de la cadhérine à la caténine (Figure 6). De plus, les leucocytes activent la phosphatase SHP-‐2 (Src homology-‐2-‐domain-‐containing protein tyrosine phosphatase) qui conduit à la déphosphorylation du résidu Tyr731 phosphorylé des VE-‐cadhérine. Le résidu Tyr735
déphosphorylé associé au complexe adaptator Protein (AP)-‐2 conduit à l’endocytose de la VE-‐cadhérine permettant l’extravasation des leucocytes.
B. Rôle des cellules épithéliales alvéolaires
Le degré de sévérité des lésions des cellules épithéliales alvéolaires est un prédicteur important de l’issue de la maladie. La monocouche de cellules épithéliales stabilise la barrière alvéolaire. Elle est plus imperméable que l’endothélium et permet de contenir l’œdème dans l’espace interstitiel. Les cellules de type I qui la composent sont les plus facilement abîmées. Les cellules de type II, les plus résistantes, produisent le surfactant pulmonaire qui maintient une tension de surface entre l’interface air-‐liquide dans les alvéoles empêchant qu’elles ne s’affaissent sur elles-‐mêmes. Elles assurent également la clairance des fluides alvéolaires, le transport des ions ainsi que la prolifération et la différenciation en cellules de type I après des lésions (Ware and Matthay 2000). Chez les patients souffrants de SDRA, lorsque la barrière épithéliale est rompue, la clairance est diminuée contribuant à l’engorgement des alvéoles. En effet, une hypoxie ou une hypercapnie lors de mauvais échanges gazeux, entraînent une diminution du nombre de pompes sodium-‐potassium (Na+-‐K+ ATPase) sur la membrane baso-‐latérale, normalement responsables du maintien d’un gradient ionique par la réabsorption active des ions sodiques, chlorures ou de l’eau. La production et le renouvellement du surfactant pulmonaire sont également diminués.
1.2. Implication des neutrophiles
Les polynucléaires neutrophiles (PNN) sont répartis entre le secteur circulant et le secteur marginal, dans lequel les PNN sont plaqués contre les parois des vaisseaux. C’est le cas dans les capillaires des poumons, qui stockent une grande proportion du pool des neutrophiles marginaux. Ceci s’explique par l’anatomie de la microcirculation pulmonaire, constituée d’un vaste réseau de capillaires de diamètre beaucoup plus petit
que les PNN. Les neutrophiles doivent donc se déformer, comme les érythrocytes, pour circuler dans ce réseau. Mais comme les neutrophiles sont larges et peu déformables ils circulent plus lentement dans les capillaires. De plus, l’activation des PNN diminue leur capacité à se déformer et augmente celle à adhérer à l’endothélium, ce qui augmente le nombre de PNN dans les poumons et diminue le nombre de ceux circulant (Hogg 1987). De nombreuses études fondamentales et cliniques ont montré que la constitution de certaines lésions pulmonaires aiguës était médiées par ces PNN. Dans la phase précoce du SDRA, une nette accumulation des PNN est retrouvée notamment sur des coupes histologiques de poumon (Ware and Matthay 2000).
2. Traitement du SDRA
La ventilation mécanique a été décrite dans le traitement du SDRA à partir de 1971. Elle est très souvent le seul recours face à l’hypoxémie présentée par ces patients.
Malheureusement, force est de constater pour les cliniciens au fil du temps, que la ventilation mécanique a un double rôle dans le SDRA : elle sauve des vies mais amplifie également la gravité des lésions sur le poumon (Frank and Matthay 2003)