Les pneumopathies bactériennes acquises sous ventilation mécanique font partie des infections nosocomiales les plus fréquentes en réanimation. Une mortalité de l’ordre de 40% est généralement observée chez ces patients, et ce malgré l’administration d’une antibiothérapie active sur le germe responsable. Parmi ces bactéries, Staphylococcus
aureus occupe une place importante. En effet, S. aureus est impliqué dans près de 20%
des PAVM. La mortalité associée à ces infections est particulièrement élevée, témoignant notamment de la virulence de ce microorganisme. Il semblerait de plus que les souches résistantes à la methicilline (SARM) seraient responsables d’infections plus sévères, avec des taux de succès clinique de l’antibiothérapie de l’ordre de 57%. Le linézolide est en passe de devenir l’antibiothérapie de référence des PAVM à SARM (ECCMID 2011). Certaines données cliniques montrent que le degré d’inflammation systémique associé à la survenue d’une PAVM pourrait conditionner le devenir des patients qui en sont atteints. De plus, les PAVM bactériémiques seraient plus sévères que celles au cours desquelles les hémocultures restent négatives. Ainsi, sur la base de ces données cliniques, la décompartimentalisation de la réponse inflammatoire pulmonaire et des microorganismes qui l’ont induite déterminerait la gravité de la PAVM.
Au cours d’une pneumopathie bactérienne, l’efficacité et la promptitude de la réponse immune de l’hôte conditionnent le contrôle de l’infection. La reconnaissance des pathogènes responsables par les cellules épithéliales et les macrophages alvéolaires est une étape précoce et cruciale dans le déterminisme de cette réponse inflammatoire. Elle met notamment en jeu les récepteurs Toll-‐Like capables de lier spécifiquement certains motifs moléculaires présents à la surface des microorganismes puis d’induire via l’activation de voies de signalisation intracellulaires une réponse inflammatoire à travers la libération de différents médiateurs dont le TNF-‐α, l’IL-‐8, l’IL-‐6, etc… Au cours des infections bactériennes pulmonaires, les TLRs 2 et 4 semblent jouer un rôle majeur sachant que TLR2 reconnaît spécifiquement les bactéries à Gram-‐positif dont S. aureus.
Les études expérimentales montrent que selon les modèles, TLR2 peut être protecteur ou délétère pour l’hôte au cours d’une infection à Gram-‐positif. Ces résultats suggèrent que le niveau d’expression de TLR2 chez l’hôte est déterminant quant à son devenir dans ce contexte et qu’une régulation fine est requise. De façon récente et intéressante, il a été observé que des molécules de la classe des statines pouvaient expérimentalement réduire l’inflammation médiée par TLR2 et TLR4. Les mécanismes sous-‐jacents restent peu clairs. Cet effet anti-‐inflammatoire des statines pourrait néanmoins rendre compte de leur effet bénéfique décrit en clinique humaine au cours de diverses situations inflammatoires, dont les états septiques incluant les pneumonies. En outre, de nombreuses observations suggèrent que la VM, support vital indispensable dans les situations de détresse respiratoire, peut être délétère pour le poumon de l’hôte, notamment en aggravant des lésions pulmonaires préexistantes. De plus, il semblerait que les contraintes mécaniques anormales et notamment l’étirement que la VM impose au poumon, aient un effet pro-‐inflammatoire à la fois local et systémique. Enfin, des données expérimentales incluant nos travaux montrent que la VM pourrait diminuer les défenses antibactériennes du poumon et promouvoir le passage systémique des produits bactériens et des bactéries elles-‐mêmes au cours des pneumonies.
L’objectif du premier travail a été de regarder, dans un modèle animal de pneumopathie bactérienne unilatérale, si la position en décubitus ventral pouvait réduire la sévérité des lésions sur le poumon infecté. Nous avons également évalué l’impact du DV sur les caractéristiques du VILI sur le poumon controlatéral non infecté.
Le second projet a eu pour but de tester l’hypothèse selon laquelle la VM module l’expression de TLR2. Ce projet fait suite à une première étude montrant que l’étirement cyclique in vitro reproduisant la VM augmente l’expression de TLR2 et augmente la réactivité de TLR2 au Pam3CSK4 des cellules épithéliales humaines.
Ces résultats in vitro sont en partie reproduits dans le modèle animal où la VM augmente les lésions sur le poumon en réponse au Pam3CSK4.
Le projet suivant s’est fixé plusieurs objectifs. Il s’est inscrit dans la suite du travail de notre groupe ayant montré que l’étirement cyclique des cellules pulmonaires in vitro comme in vivo était susceptible d’induire l’hyperexpression de TLR2 avec pour conséquence une augmentation de la réponse inflammatoire à ses agonistes (Charles et al, 2011). Nous nous sommes demandés dans quelle mesure ces phénomènes pouvaient impacter le développement d’une pneumopathie à S. aureus sous VM. C’est pourquoi dans un premier temps nous avons mis au point un modèle de pneumonie à SARM et nous nous sommes attachés à regarder si la VM altérait la réponse immunitaire de l’hôte et le rôle éventuel de TLR2. Après 24 heures de VM non protectrice (VT=12mL/Kg et PEEP=OcmH20 et FiO2=50%), les animaux ont reçu un inoculum calibré de SARM (9LogCFU/mL). La pneumonie a été évaluée 24 heures plus tard à l’issue du sacrifice des animaux. L’hypothèse de cette première partie d’étude était qu’une VM non protectrice qui induit un étirement modéré des alvéoles puisse amorcer une réponse inflammatoire latente au niveau pulmonaire via l’hyper-‐ expression de TLR2, qui deviendrait rapidement patente voire excessive en cas d’exposition des voies aériennes à S. aureus. Les premiers résultats ont montré que la VM non protectrice pourrait réduire la clairance bactérienne et promouvoir la translocation systémique des bactéries. La VM apparaît de plus comme un facteur accélérant la survenue des lésions pulmonaires, sachant que celles-‐ci étaient plus importantes que dans le modèle d’agression pulmonaire par l’agoniste TLR2 (Pam3CSK4) décrit précédemment.
Dans la seconde partie de ce projet, l’objectif était d’explorer le possible effet protecteur sur l’hôte d’une thérapie préalable aux statines dans notre modèle de pneumonie à SARM en association avec une antibiothérapie au linezolide. Nous avons regardé quel était l’impact sur la réponse inflammatoire ainsi que sur les lésions pulmonaires et la clairance bactérienne. Des expériences in vivo ont encore été
réalisées chez le lapin, avec un groupe soumis à la ventilation mécanique et un groupe témoin en respiration spontanée. Les résultats démontrent qu’une exposition préalable aux statines, avant le développement d’une pneumonie, a des effets anti-‐ inflammatoires aussi bien à l’étage pulmonaire que systémique chez les lapins souffrant d’une pneumonie à SARM traités par linézolide.
Afin de mieux comprendre les effets pro-‐inflammatoires et délétères de la VM par le biais de l’étirement cyclique des voies aériennes, une autre voie de l’inflammation a été explorée. Ce projet mené parallèlement aux précédents s’est intéressé aux rôles éventuels de certaines alarmines, les alarmines mitochondriales, dans les deux modèles de stretch cellulaire pulmonaire, in vitro et in vivo (Vlahakis and Hubmayr 2000, Stroetz, Vlahakis et al. 2001, Zhang, Raoof et al. 2010, Gross, Thomas et al. 2011). Ce projet a été réalisé à l’initiative de l’équipe du Professeur Jérôme Pugin à l’Hôpital de Genève, avec lequel nous avons activement collaboré. Ainsi nous avons réalisé dans notre laboratoire à Dijon, la partie in vivo de l’étude, dans un modèle de VILI chez le lapin. Les lapins ont été ventilés (VT=12mL/Kg ; PEEP=0cmH2O ; FiO2=50%) pendant 4 ou 8 heures. Les résultats du modèle in vivo de VILI montrent que l’ADN mitochondrial et les concentrations d’ATP dosés dans les LBA de lapins sont plus élevées que chez les animaux non ventilés. Ces alarmines semblent induire la production d’IL-‐1β par les cellules pulmonaires. Ainsi, ces médiateurs pourraient représenter le lien entre l’étirement cyclique des cellules pulmonaires et la libération de cytokines inflammatoires. Libérées par les cellules épithéliales pulmonaires, ces alarmines agiraient comme des médiateurs endogènes dans le VILI et le SDRA.