V. Les pneumonies acquises sous ventilation mécanique
1. Epidémiologie
1. Epidémiologie
Le développement d’une PAVM implique généralement trois étapes. Tout d’abord la colonisation des voies aériennes par des bactéries. Elle se produit suite à la colonisation oropharyngée ou gastrique. Ensuite, l’altération des mécanismes de défense va permettre à ces germes présents au niveau trachéobronchique de persister. Enfin, si ces pathogènes atteignent les alvéoles pulmonaires, une véritable pneumopathie va se développer.
Les pneumonies acquises sous ventilation mécanique se produisent chez 30 à 60% des patients admis en unité de soins intensifs (Craven, Kunches et al. 1986). Malgré de nombreux progrès dans les techniques de gestion des patients sous VM et la mise en place de procédures de prévention efficaces, les PAVM continuent de compliquer la prise en charge de beaucoup de patients recevant une ventilation mécanique (Chastre and Fagon 2002) et sont responsables d’une surmortalité (Fagon, Chastre et al. 1993). Les taux de pneumonie sont beaucoup plus élevés parmi les patients hospitalisés en unité de soin intensif en comparaison à ceux dans les autres services hospitaliers, et le risque de pneumonie est augmenté de 3 à 10 fois chez les patients soumis à la VM (Chevret, Hemmer et al. 1993, Chastre and Fagon 2002). Le taux de mortalité des PAVM, définit comme étant une pneumonie se produisant plus de 48h après l’intubation endotrachéale et l’initiation de la VM, s’étend de 24 à 50% et peut dépasser les 76% dans certaines conditions particulières ou lorsque l’infection des poumons est causée par des pathogènes à haut risque (Celis, Torres et al. 1988, Rello, Rue et al. 1997). De nombreuses études ont montré que le traitement par un antibiotique approprié des patients souffrant de PAVM améliorait leur devenir, à condition d’identifier le plus rapidement possible les patients infectés et de sélectionner précisément l’agent antimicrobien (Torres, Aznar et al. 1990, Rello, Gallego et al. 1997, Kollef 1999).
Pseudomonas aeruginosa Acinetobacter spp Stenotrophomonas maltophilia Enterobacteriaceae Haemophilus spp Staphylococcus aureus Streptococcus spp Streptococcus pneumoniae ŽĂŐƵůĂƐĞͲŶĞŐĂƟǀĞƐƚĂƉŚLJůŽĐŽĐĐŝ Neisseria spp Anaerobes Fungi Autres germes
Figure 18. Etiologie des pneumonies acquises sous ventilation mécanique documentées par techniques bronchoscopiques lors de 24 études portant sur 1689 épisodes et 2490 pathogènes.
Pseudomonas aeruginosa 24,4%; Acinetobacter spp. 7,9%; Stenotrophomonas maltophilia 1,7%; Enterobacteriaceae 14,1%; Haemophilus spp. 9,8%; Staphylococcus aureus 20,4%;
Streptococcus pneumoniae 4,1%; Coagulase-negative staphilococci 1,4%; Neisseria spp. 2,6%; Anaerobes 0,9%; Fungi 0,9%; autres germes dont les virus 3,8%. D’après (Chastre and
2. Les microorganismes responsables des pneumonies acquises
sous ventilation mécanique
Les microorganismes responsables des PAVM peuvent différer en fonction de la population de patients étudiée dans les services de soins intensifs, la durée de l’hospitalisation et le séjour en soins intensifs, et enfin en fonction de la méthode diagnostique utilisée. Il existe également d’importantes différences écologiques d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre et d’un service de réanimation à un autre (Papazian PDF ECM).
2.1. Les bactéries
La distribution des germes responsables des PAVM (Figure 18) (Chastre and Fagon 2002) est également influencée par le délai d’apparition de la pneumonie. En effet, une pneumonie est dite précoce si elle se développe avant le 5ème jour de VM (on retrouve les germes suivant : Staphylococcus aureus résistant à l’oxacilline, Pseudomonas
aeruginosa, Acinetobacter baumanii). Une pneumonie acquise pendant ou après le 5ème
jour de VM est dite tardive (Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter sp,
Stenotrophomonas sp, Staphylococcus aureus résistant à l’oxacilline).
Le taux élevé d’infections respiratoires dues à des bactéries à Gram-‐négatif dans le cadre des PAVM a été de nombreuses fois documenté (Fagon, Chastre et al. 1989, Torres, Aznar et al. 1990, Horan, Culver et al. 1993, Rello, Ausina et al. 1993, Spencer 1996). Beaucoup d’études ont montré que plus de 60% des PAVM sont causées par des bactéries aérobies à Gram-‐négatif. Par la suite, d’autres études ont rapporté que les bactéries à Gram-‐positif devenaient plus communes dans cette pathologie,
Staphylococcus aureus étant le principal Gram-‐positif isolé.
En fonction de toutes ces différences, il est très important d’identifier précisément et rapidement les agents responsables de PAVM et de bien différencier ceux responsables de pneumonies précoces ou tardives pour adapter au mieux les antibiothérapies. Certaines PAVM peuvent être dues à des bactéries multirésistantes comme
Staphylococcus aureus résistant à l’oxacilline, Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter
baumanii, Stenotrophomonas spp et les entérobactéries productrices de β-‐lactamases à
spectre élargi.
Les bactéries anaérobies sont rarement mises en évidence en raison des difficultés techniques pour les identifier (conditions de cultures difficiles) et sont en fait le plus souvent des co-‐pathogènes dans la phase précoce des PAVM (Dore, Robert et al. 1996). Les bactéries intracellulaires comme Legionella species (Kirby, Snyder et al. 1980), les anaérobies (Dore, Robert et al. 1996) et aussi Pneumocystis carinii peuvent être considérés comme des agents potentiellement en cause dans les PAVM mais ils sont surtout les causes principales des pneumonies communautaires.
2.2. Les champignons
L’isolation de champignons, le plus fréquemment ceux de l’espèce Candida, à des concentrations significatives pose des problèmes d’interprétation. Des maladies invasives ont été reportées dans les PAVM mais le plus souvent, les levures sont isolées à partir d’échantillons des voies respiratoires en l’absence de toute maladie. Une étude prospective a examiné la pertinence d’isoler Candida spp à partir de 25 patients non-‐ neutropéniques qui ont été ventilés mécaniquement pendant au moins 72 heures (el-‐ Ebiary, Torres et al. 1997). Cette étude a révélé que les méthodes d’échantillonnage respiratoire couramment utilisées (bronchoscopiques ou non) chez les patients soumis à la VM sont insuffisantes pour diagnostiquer une pneumonie à Candida. La seule méthode vraiment fiable pour établir que Candida est bien le primo pathogène responsable de la PAVM, est de trouver des levures ou des pseudo-‐hyphes dans des biopsies pulmonaires.
2.3. Les virus
Soixante-‐dix pour cent des pneumonies nosocomiales virales seraient causées par des virus respiratoires tels que Influenza, Parainfluenza ou encore Adenovirus (American Thoracic and Infectious Diseases Society of 2005). En pratique ils sont rarement recherchés.
Dans une étude menée sur une période de cinq ans, le cytomegalovirus (CMV) a été identifié comme une cause possible des PAVM chez 25 des 86 patients de l’étude en se basant sur l’examen histologique des tissus pulmonaires obtenus à l’autopsie ou lors des biopsies de poumon (Papazian, Fraisse et al. 1996). Le CMV ne doit donc pas être exclu des pathogènes potentiellement responsables de PAVM chez les patients de réanimation, même chez ceux sans syndrome d’immunodéficience acquise, sans hémopathie maligne ou sans thérapie immunosuppressive en particulier dans le cas de PAVM tardives. Il s’agit alors d’une réactivation virale le plus souvent.