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Chapitre 5 : La négociation identitaire au sein des communautés ascétiques

5.2 Négocier sa place dans les communautés ascétiques

5.2.2 Swami Premananda : l’ascète « Freelance »

Swami Premananda est né en Amérique du Nord et vit en Inde depuis plus de 15 ans. Après plusieurs voyages éphémères en Inde en tant qu’étudiant et/ou touriste, il franchit le point de non-

36 L’Occident aussi est marqué par un modèle patricarcal, les inégalités de genres sont aussi persistantes, mais à un

degré divers et sous différentes formes. On peut penser notamment aux violences sexuelles révélées par #metoo, à l’absence d’équité salariale pour de nombreuses femmes, à la discrimination systémique des femmes à l’embauche etc. Je ne souhaite pas ici amoindrir les difficultés vécues par les femmes occidentales, mais simplement préciser que ces inégalités de genres résultent principalement d’une société capitaliste et néolibérale, et non d’une société traditionnelle où la religion est omniprésente.

retour au début des années 2000. Issu d’un milieu catholique, il n’avait alors pas d’appartenance religieuse, mais souhaitait développer sa spiritualité pour se rapprocher du Divin. Au moment de notre rencontre, Swamiji portait la robe couleur safran, vouait un culte à Mā Ānandamayī et résidait dans l’āśram d’un autre ascète indien (ce dernier était absent lors de mon passage) qui faisait également aussi office de pensionnat pour jeunes garçons. Il construisait sa religiosité par rapport aux valeurs et aux pratiques religieuses hindoues, s’adonnant quotidiennement aux pratiques de yoga, aux pūjā37 et aux cérémonies ārtī.38Il accordait beaucoup d’importance à ses périodes de méditation et lors de nos échanges, il avait fréquemment recours à des notions hindoues. « Tout est un », me répétait-il souvent, référant à la notion de non-dualité prônée dans l’Advaita-Vedānta39. Swamiji vivait d’ailleurs illégalement en Inde depuis quelques années en ayant fait le choix de ne pas renouveler son passeport et son visa, considérant que ces formalités sur papiers constituaient un attachement et donc un frein à l’atteinte de la mokşa. En apparence, tout portait à croire que Swami Premananda était un ascète hindou d’origine occidentale. Son nom, son habit, sa pratique et ses croyances renvoyaient à la pratique ascétique. Je fus donc étonnée lorsqu’il me répondit, au moment où je lui demandai une entrevue officielle, que son parcours étant différent des autres ascètes occidentaux, il se voyait davantage comme un facilitateur dans mon projet de recherche. Il souhaitait m’aider à prendre contact avec d’autres ascètes occidentaux, mais préférait ne pas faire partie de mes répondants. Ce refus s’est avéré particulièrement pertinent pour examiner les processus d’identification et de différenciation des ascètes occidentaux selon leur cadre autoréférentiel de reconnaissance.

Le refus de Swami Premananda surpasse la rhétorique d’humilité répandue dans l’ascétisme et révèle la complexité du processus d’identification de soi. La manière dont Swamiji s’identifie semble être influencée par la perception que les autres ont de son authenticité. Tel que mentionné précédemment, une part importante de ma méthodologie de recherche était l’observation participante par l’immersion dans le quotidien de mes répondants. En résidant cinq jours à l’āśram de Durgā Mayi, en compagnie de Sumeru Muni et de Swami Premananda, j’ai eu

37 La pūjā consiste en l’action rituelle de la Bhakti, dans laquelle les dévots expriment leur respect et honorent une ou

plusieurs divinités de leur choix. Le but de la pūjā est d’établir un contact concret avec ces divinités par des invocations, des offrandes, des chants, des rituels etc (Beck 2012).

38 L’ārtī est le rituel de lumière effectué au crépuscule qui clôt la pūjā du soir.

39 Dans l’Advaita-Vedānta, la non-dualité réfère au principe qu’il n’y a pas de différence entre l’âme individuelle

(Ātman) et l’âme universelle (Brāhman) (Bouillier 2008 ; 257). Pour connaître le salut, et permettre à l’ Ātman de se dissoudre dans le Brāhman, l’individu doit détruire toute l’ignorance (Māyā) qui le conduit à penser sa propre finitude (Altglas 2005 ; 130).

accès à des informations qui n’auraient pas émergé spontanément dans leur discours de récits de vie. Ainsi, lors d’une discussion informelle, Sumeru Muni a présenté Swami Premananda comme un « Freelance sādhu. » Par cette appellation, il insinuait que Swamiji n’était pas un « vrai » sādhu parce qu’il n’avait aucune allégeance à une famille ascétique. Son intégration à certains groupes se faisait de manière opportuniste et temporaire, sa pratique religieuse demeurant indépendante de tout cadre monastique. Durgā Mayi poursuivit en affirmant que Swami Premandana avait toutes les qualités spirituelles pour être un sādhu, c’est-à-dire que sa pratique et ses aspirations religieuses étaient les mêmes, mais que l’allégeance à un guru et à une lignée était fondamentale dans le cheminement spirituel des ascètes hindous. Elle regrettait d’ailleurs que : « Beaucoup de gens New Age comme lui refusent cette relation guru/disciples. » À la lumière de la réflexion théorique précédemment exposée, Swami Premananda est perçu par ses confrères comme incarnant la figure du pèlerin et non du converti (Hervieu-Léger 1999) par la persistance de certains idéaux occidentaux. Bien que l’orientation religieuse de Swamiji se cristallise autour des pratiques et des croyances hindoues, elle s’inscrit davantage dans des opérations de bricolage qui lui permettent d’ajuster ses croyances et élaborer son propre univers de normes et de valeurs selon sa propre expérience (Luckmann 1999). Sa religiosité est ancrée dans la modernité par la valorisation des principes d’égalité, de mobilité et centrée sur l’individu plutôt que sur la communauté (Meintel 2003). Swamiji m’a précisé que son engagement spirituel n’était pas moindre parce qu’il agissait de manière indépendante, mais qu’il refusait de se soumettre à l’ordre structuré et hiérarchique des communautés ascétiques. Il s’est affilié à un guru par curiosité et non par dévotion et ne ressentait pas de lien particulièrement fort avec ce dernier. Son développement spirituel se fait en fonction de son guide intérieur et non en fonction d’un maître spirituel. Référant à l’enseignement de Mā Ānandamayī 40, il est d’avis que le vrai guru, celui qui dispose des capacités nécessaires à guider vers l’illumination, réside à l’intérieur de soi. Or, j’ai

40 Extait du livre SriSri Ma Ananda Mayi : vol III (1986 ; 33) :

Devotee: Will there be no results if someone takes the name of the Lord without being initiated? Mâ Ananda Moyî: Why shouldn’t there be?

Devotee: I believe the Sastras declare that unless one takes on a Guru, nothing much can be achieved.

Mâ Ananda Moyî (smiling): The Guru resides in your own heart, but ordinary people are unable to rely firmly on their own Self. So they have to take refuge in an external Guru. But in actual fact the Guru resides within one’s own heart. It is He who prompts you to say you can succeed by repeating God’s name even without taking recourse to a Guru. On the other hand when the time is ripe, it will be He who will make you say that without taking on a Guru nothing can be achieved. Then you will see how intense your longing for a Guru will become, so that you will run hither and thither searching for Him. The essential fact is that the Guru enthroned in your heart dictates to you what course to follow as and when the need arises. The main thing to do is to follow his advice.

remarqué sur le terrain qu’être libre et indépendant ne fait pas partie de l’univers conceptuel indien, et encore moins ascétique. L’indépendance de la pratique religieuse de Swami Premananda suffisait pour invalider son authenticité aux yeux des autres ascètes hindous.

Il importe de préciser que, traditionnellement, l’ascétisme solitaire est une pratique valable et respectée en Inde. Quoique très rare, elle reflète la volonté de rester fidèle à la tradition ancienne. Or, selon mes répondants, cette voie n’est pas envisageable pour un individu n’ayant pas été socialisé dans une culture hindoue. Sumeru Muni m’expliquait : Je suis indépendant. Les Ūdāsin, c’est juste un uniforme. Mon guru disait ça : ‘je vous donne ça, l’uniforme Ūdāsin, c’est comme un passeport.’ Or, Swami Premananda n’avait pas son passeport, et n’était donc pas considéré comme un « vrai » sādhu par les autres ascètes occidentaux.

L’interaction entre Sumeru Muni, Durgā Mayi et Swami Premananda rend compte de l’appartenance à une lignée en tant qu’élément fondamental du cadre normatif des ascètes occidentaux. En dépit de l’importante fluidité des catégories en Inde (Corin 2015) et de la variabilité des cas de figure dans l’ascétisme, les ascètes occidentaux doivent répondre à certaines normes, qui ne sont pas aussi rigides pour les ascètes indiens. En refusant de se soumettre à ces normes délimitées par le cadre autoréférentiel de reconnaissance de ses confrères, Swami Premananda se voit identifié comme un « faux » sādhu. Cette identification par les autres vient influencer la perception qu’il a de lui-même, d’où son refus de faire partie de mes répondants. Cette situation rend compte de la production du soi dans l’interaction et les relations avec les autres. Swamiji performe l’identité ascétique en intériorisant certains traits caractéristiques, soit la dévotion et la piété, le code vestimentaire, les pratiques rituelles, mais l’étape ultime dans la construction identitaire est la reconnaissance par autrui. L’impératif de l’appartenance à une famille ascétique entre cependant en conflit avec sa volonté d’interprétation personnalisée de la pratique ascétique, ce qui conduit à son exclusion du cadre autoréférentiel de reconnaissance élaboré par mes répondants.

Conclusion

En conclusion, le présent chapitre vise à interpréter la manière dont l’identité ascétique acquise de mes répondants est négociée et légitimée au sein du groupe. Avec une perspective basée sur la religion telle qu’elle est vécue, je n’ai pas cherché à déceler les cohérences et les incohérences vis-à-vis l’orthodoxie, mais j’ai examiné le jeu de l’interaction dans lequel s’élabore l’identité.

J’ai d’abord noté une autoréférentialité et une convergence des communications (Thibeault 2013) en ce qui a trait à la définition d’un « vrai » ascète. L’authenticité ascétique se décline, selon mes répondants, en regard à la qualification de la religiosité d’une part à l’appartenance à une famille ascétique d’autre part. De manière unanime, les identités religieuses de mes répondants s’inscrivent dans un modèle de piété et de dévotion intense. L’intensité de leur engagement religieux vise évidemment le rapprochement avec le divin et l’atteinte de la mokşa, mais simultanément, elle favorise la reconnaissance par les pairs. En outre, le changement de liens de parenté, actualisés à travers l’intégration à une communauté ascétique, impose l’apprentissage d’un nouveau cadre normatif bien éloigné des normes et valeurs intériorisées lors leur socialisation primaire. Pour les Occidentaux, l’intégration à une famille ascétique joue un double rôle. D’un côté, elle assure une cohésion et un consensus des comportements (Mossière 2008), d’un autre côté, elle constitue un « passeport », pour reprendre les mots de Sumeru Muni, qui vient authentifier l’identité ascétique et la rendre légitime.

Je me suis ensuite attardée à démontrer que le processus de négociation identitaire traduit une dynamique d’inclusion et d’exclusion imbriquée à l’établissement de frontières entre le « vrai » et le « faux » sādhu. L’identité ascétique de mes répondants se trouve validée dans l’interaction avec leurs confrères. Deux exemples ont été mis de l’avant de manière à insister sur cette dimension interactive de la négociation identitaire. Le cas des femmes occidentales devenues ascètes vient accentuer le fait que dans l’interaction, plusieurs composantes de l’identité s’élaborent et entrent alors en jeu. Devant conjuguer leur identité d’ascète avec leur condition de femmes et d’Occidentales, mes répondantes mettent en œuvre différentes stratégies identitaires en fonction des situations qui se présentent. Dans certains contextes leur condition de femmes occidentales leur est favorable et leur permet une plus grande liberté comparativement aux femmes indiennes. Or, d’autres exemples démontrent que le fait d’être femme leur porte préjudice et qu’elles doivent redoubler d’effort pour prouver leur authenticité comparativement aux ascètes masculins. Enfin, le cas de Swami Premananda accentue les processus de définition et d’exclusion qui découlent des dynamiques d’interaction. L’identité ascétique qu’il se forge entre en confrontation avec les catégories définies par le cadre autoréférentiel de mes répondants. En somme, les ascètes occidentaux tendent à orienter leur comportement de même que leur discours vers ce modèle du « vrai » ascète tel qu’ils le conçoivent.

Conclusion

Amin Maalouf (1998 ; 44) écrivait « : À l’ère de la mondialisation, avec ce brassage accéléré, vertigineux, qui nous enveloppe tous, une nouvelle conception de l’identité s’impose- d’urgence ! » Le présent mémoire propose ainsi de concevoir l’identité non pas comme étant immuable et unique, mais comme le résultat d’un processus dynamique, où s’imbriquent des appartenances contradictoires, des influences subtiles et des référents multiples. Les ascètes occidentaux en Inde portent en eux des appartenances incompatibles en apparence et la manière dont chacun conjugue son identité choisie et héritée influence les rapports. À travers une lentille qui combine l’approche phénoménologique à la compréhension des dynamiques sociales et culturelles, j’ai analysé l’aspect transformationnel de la construction de soi de mes répondants pour ensuite examiner la négociation de cette nouvelle identité religieuse dans l’interaction. J’ai tenté dans cette recherche de démontrer que la construction de l’identité religieuse s’élabore d’une part selon des logiques individuelles par une réforme de soi intimement liée à la capacité d’action des individus. D’autre part, cette recomposition identitaire s’inscrit principalement dans le rapport au groupe par la quête de reconnaissance et de légitimité que sous-tend la conversion.

Le premier chapitre vise à présenter la rencontre entre la culture occidentale et la religion hindoue comme facteur influent dans la conversion d’individu à une religion n’ayant a priori aucune visée prosélyte. Selon la tradition, l’on ne peut être hindou que de naissance. Or, la domination coloniale de l’Inde a permis la création de ce que Homi K. Bhabha (1994 [2007]) appelle un « tiers-espace », hybridant la culture coloniale et celle des colonisés (Brême 2018). Portée par une élite indienne fortement influencée par les valeurs occidentales, un « néo- hindouisme » fût diffusé à l’international dans l’intention d’étendre les bienfaits de la spiritualité hindoue à la sphère internationale (Altglas 2005). Un des points à souligner à titre de réflexion pour une recherche future estque ma recherche rend compte d’une tendance qui prend racine dans un paysage religieux occidental bien précis, soit le mouvement hippie des années 1960 et la vague New Age des années 1970. Cette époque, qualifiée par Françoise Champion (1989 ; 156) de «nébuleuse mystique ésotérique » succède de très près l’affaissement des grandes institutions religieuses et se caractérise par une idéologie de quête, de développement personnel et spirituel à travers un système de croyances et de pratiques moins institutionnalisé (Van Hove 1999). À cet égard, il convient de se demander si le choix de l’ascétisme en Inde pour des Occidentaux traduit

un phénomène propre à une époque, qui était en réaction à une longue tradition d’institutionnalisation religieuse, ou bien s’il s’agit des balbutiements d’une tendance en expansion ? Ainsi, mon sujet d’étude participe aux études sur la religion en contexte de modernité, mais réfère à un contexte particulier qui ne coïncide pas parfaitement avec le paysage religieux actuel. Considérant la mouvance de la scène religieuse, il serait intéressant d’analyser si, plus de 50 ans après l’affaissement des grandes institutions religieuses, la conversion et l’intégration à une communauté monastique hindoue est un phénomène autant d’actualité. Dans son étude de terrain sur les Spiritualistes à Montréal, Deirdre Meintel (2012 ; 4) note que les catholiques de naissance qui fréquentent la congrégation étudiée n’aspirent pas à une transformation de leur identité religieuse, mais cherchent davantage à s’outiller de manière à affronter les épreuves de la vie. Dans le même sens, j’émets l’hypothèse que le choix de l’ascétisme hindou pour des Occidentaux est une décision encore plus marginale de nos jours qu’elle ne l’était dans les années 1960 et 1970 et que la tendance vers la spiritualité hindoue s’exprime moins, désormais, par l’adoption d’une nouvelle identité religieuse, mais plus vers le « bricolage » et l’emprunt de ressources spirituelles d’origines diverses, selon les besoins. La conversion est un phénomène toujours d’actualité, et représente selon Danièle Hervieu-Léger (1999) une figure archétype des religiosités modernes, mais faisant écho aux réflexions de Géraldine Mossière (2013), je propose de la penser autrement. L’idée de conversion au sens de rupture ou de changement radical de l’identité se prête moins à l’étude des conversions actuelles, tandis que les notions de parcours, d’enchevêtrement et d’imbrication seraient plus fidèles au phénomène actuel dans un environnement religieux moderne.

L’enquête de terrain effectuée en Inde m’a permis de recueillir des informations auxquelles je n’aurais pas eu accès si j’avais analysé le même phénomène sans contact et sans proximité avec le sujet d’étude. En amont de mon terrain empirique, ma recherche s’orientait principalement vers la volonté de comprendre la modernité des formes de religiosité dans un contexte d’éclatement des identités en me basant sur les motivations de départ des ascètes occidentaux en Inde. Lors de mon terrain ethnographique, j’en suis cependant venue à la conclusion que la notion de saṃskāra représentait une source d’information beaucoup plus riche parce que mes répondants accordaient en réalité peu de valeur aux raisons socio-historiques les ayant attirés vers l’Inde, soutenant qu’il s’agissait en réalité du fruit de leurs vies antérieures. Ancrer ainsi l’analyse sur ce qui émerge lors de la recherche de terrain amène une co-constuction

entre les données et l’analyse (Dorval 2016), et impose d’ajuster ses questions et ses objectifs en fonction de ce qui est observé. Cette approche inductive donne ainsi la priorité aux paroles et aux pratiques des acteurs (Corin 2009), sans pour autant délaisser complètement les savoirs théoriques. Les fondations scientifiques sur lesquelles repose l’analyse se déclinent selon trois thèmes principaux, soit les mobilités religieuses, l’expérience de conversion et la notion de saṃskāra. Ma recherche présente donc une double perspective puisque je m’attarde à rendre compte de la manière dont les ascètes occidentaux perçoivent leur parcours tout en considérant les facteurs qui influencent leurs expériences et leur perspective (Poupart 2011). Cela dit, comme mentionné dans mon cadre méthodologique, la limite principale de ma recherche réside dans le fait que seul le point de vue des Occidentaux est relaté. Or, la construction identitaire dans un contexte de migration est un processus dynamique et interactif dans lequel le rapport à l’Autre a un poids non négligeable. Mener des entrevues auprès d’Indiens d’origine aurait été pertinent pour identifier les convergences et les divergences entre les perceptions des Occidentaux et celle des locaux sur l’ascétisme et sur la délimitation des frontières quant à l’authenticité de la pratique.

À travers ces outils conceptuels et théoriques, les deux chapitres d’analyse insistent sur le processus de construction de soi selon une perspective englobant la dimension subjective et personnelle du sujet croyant et sur les relations sociales. En général, la stratégie privilégiée par les individus qui vivent une expérience de conversion est de se livrer à un processus d’apprentissage des savoirs et des comportements culturels et religieux. Pour les ascètes occidentaux, la culture ambiante et la liaison avec un guru sont des éléments cruciaux de leur intériorisation des règles et des codes symboliques propres à l’ascétisme hindou. Ce qu’il faut comprendre, c’est que selon leur point de vue, leur identité religieuse prend le pas sur leurs autres identités, éclipsant même leur identité nationale. En ayant intériorisé les normes et les valeurs ascétiques, ils procèdent à une relecture de leur parcours et considèrent leur trajectoire religieuse en terme de notion propre à la tradition hindoue ; en terme de saṃskāra. Ainsi, en dépit de leur