• Aucun résultat trouvé

SUR LES FRONTIERES DE LA REPUBLIQUE D’ARMENIE

Dans le document Voyage et tourisme (Page 119-135)

Renaud DE SINETY Historien La Rochelle

Résumé : Bien que le "Rideau de fer" soit tombé et que les relations diplomatiques arméno-turques tendent à se normaliser depuis l’accord signé le 10 octobre 2009, l’Arménie reste un pays très enclavé. Plus de 80% de ses frontières sont fermées par ses voisins turcophones d’Azerbaïdjan, du Nakhitchevan et de Turquie. Et pour cause, leur tracé a été bouleversé par la guerre que se sont livrée Arméniens et Azéris entre 1988 et 1994, alors que l’Europe avait les yeux braqués sur le chaos yougoslave. Pour appréhender au plus près son territoire et rendre compte de la complexité de sa situation géopolitique, l’auteur a préféré le train pour rejoindre Erevan depuis La Rochelle, et le vélo pour longer ses frontières.

Mots clés : Arménie, Azerbaïdjan, diaspora, enclave, frontière, Haut-Karabakh.

Abstract : Although the "iron curtain" has disappeared, and diplomatic relations between Armenia and Turkey are strengthening since the agreement of the 10th October 2009 was signed, Armenia remains a completely landlocked country. More than 80% of its borders are closed by its Turkish-speaking neighbours, Azerbaijan, Nakhchivan and Turkey.

And for good reason, as their lines were changed considerably by the war from 1988 to 1994 between the Armenians and the Azeris, whilst Europe had its eyes fixed on the chaos in Yugoslavia. In order to describe its territory accurately, and explain the complexity of its geopolitical situation, the author chose to travel by train from La Rochelle to Erevan, and continue around the borders by bicycle.

Keywords : Armenia, Azerbaijan, diaspora, enclave, border, Nagorno-Karabakh.

Fig. 1 : Carte de l'Arménie (Renaud de Sinety) Kars

Kars, terminus du Doğu Ekspresi. Perdu à l’extrême est de la Turquie, cette ancienne ville de garnison russe, avec ses rues rectilignes et ses maisons arméniennes, est une austère bourgade provinciale. Elle doit son statut d’impasse ferroviaire aux tensions géopolitiques qui obstruent la frontière avec l’Arménie depuis près d’un siècle. Hier, la ligne de fracture séparant le "monde libre" du "paradis communiste"

puisait dans l’idéologie ; aujourd’hui, sa source est avant tout nationaliste – le génocide arménien perpétré par le gouvernement Jeune Turc constituant le nœud du problème. Pourtant, les voies ferrées ne

s’arrêtent pas à Kars. Elles continuent vers l’est jusqu’à Gumri, l’ex-Leninakan, à une quarantaine de kilomètres seulement.

Mais cette infrastructure, fonctionnelle dans l’hypothèse d’un Sud Caucase en paix, n’a plus que ses rails pour convaincre. Et si Kars est la première étape visible de ce cloisonnement, de l’autre côté de l’ancien

"Rideau de fer", la situation est pire. Le réseau de transport unissant les

"pays frères" de Transcaucasie s’est disloqué en même temps que l’Union soviétique. Rupture des relations diplomatiques, territoires autonomes sécessionnistes, politique de déstabilisation du "grand frère russe", guerres et blocus ont eu raison de sa cohérence transnationale pour le fragmenter en d’insignifiants tronçons ethniques.

Dès lors, pour rejoindre la République d’Arménie depuis la Turquie, il faut contourner par la Géorgie la barrière de ressentiment qui sépare les deux communautés. Un détour de près de 200 km à travers la montagne pour rejoindre le poste frontière turco-géorgien de Türksüzü-Valé.

Akhalkalaki

Sur la chaussée défoncée d’un arrière-pays livré à lui-même, la route conduisant à Gumri traverse la province géorgienne du Djavakh. Une région peuplée d’Arméniens, dont certains courants nationalistes – théoriciens exaltés d’une "Grande Arménie" reconquise – prônent ouvertement l’annexion par la force. Akhalkalaki est le chef lieu de cette terre arménienne de Géorgie. Il ne compte plus une rue bitumée digne de ce nom. La présence de l’Etat n’y est manifeste que par la présence d’un camp militaire en surplomb.

De la gare routière – une sobre place de village en réalité –, des minibus partent toutes les deux heures pour Gumri et Erevan. Le prix de la course est modique, bien qu’une part de la recette, dissimulée dans le journal du jour, soit distribuée à chaque barrage de police. La route est plutôt bonne jusqu’à Ninotsminda, puis chaotique. Si bien qu’il faut près de trois heures au minibus pour rejoindre le poste frontière, qui n’est qu’à 40 kilomètres d’Akhalkalaki.

Il existe trois voies de passage entre la Géorgie et la République d’Arménie. Et cette frontière nord est vitale pour l’Arménie. C’est par là que transitent les marchandises venues de Russie, son premier partenaire

économique. Mais les relations entre la Géorgie et la Russie étant détestables depuis la scission de l’URSS, et exécrables depuis l’élection de M. Saakhashvili, la fréquence des approvisionnements fluctue. C’est alors par le sud, où une petite fenêtre ouvre le pays sur l’Iran, que vient le désenclavement. Sinon, l’Arménie est prise en tenaille entre la Turquie, l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, entité territoriale azerbaïdjanaise. Sur ses 1250 km de frontières, seuls 200 km bordent des voisins avec lesquels elle entretient des relations diplomatiques apaisées.

Au total, elle ne compte que quatre portes d’entrée sur son territoire.

Gumri

Gumri est la deuxième ville d’Arménie. De monumentales façades d’immeubles en pierre volcanique encadrent ses larges avenues, mais derrière ces souveraines vitrines du génie architectural russo-arménien, les bâtiments font triste mine : cours insalubres, ruelles boueuses et crevassées, bicoques de bois et de tôles. Si bien qu’au tremblement de terre du 7 décembre 1988, les façades sont les éléments qui ont le mieux résisté.

Partout en ville, on remarque les séquelles du séisme qui causa des dizaines de milliers de morts et détruisit 75% du bâti. Au lendemain de la catastrophe, alors que les "événements" du Haut-Karabakh dégénéraient entre les irrédentistes arméniens et la République d’Azerbaïdjan, l’ex-premier secrétaire du Parti communiste et futur président Gueïdar Aliev ne trouva rien de mieux que de se féliciter publiquement du "châtiment divin" infligé à l’Arménie.

Dans le centre ville, entre l’église effondrée du Saint-Sauveur et la façade décapitée d’un vieux théâtre, la jeunesse gumretsie s’amuse malgré tout. Elle s’adonne aux joies des montagnes russes, des balançoires et des auto-tamponneuses, dans un parc d’attraction rouillé de l’ère soviétique. Parfum d’exotisme socialiste : la jeunesse porte encore les frusques de cette époque révolue qui fleure la naphtaline – preuve que la province n’a pas été totalement happée par la fièvre consumériste.

Fig. 2 : Gumri

Sur le fronton de la gare ferroviaire, une large fresque en relief représente l’histoire glorieuse de l’ancienne mère patrie. Dans le hall, des lustres massifs pendent de l’immense plafond voûté. Les guichetières, dans leurs cabines vieillottes arrangées en chez-soi miniature, regardent grésiller une télévision noir et blanc tout en tricotant et, quand on les sollicite pour un billet, actionnent d’antiques poinçonneuses mécaniques et rédigent l’acte sur un empilement de papiers carbones. Le prix d’un aller simple pour Erevan est de 480 drams, soit 1 euro les 120 km. Le train met plus de 5 heures pour couvrir la distance qui sépare les deux plus importantes villes du pays. Et l’on comprend pourquoi lorsque sa lourde carcasse d’acier, estampillée CCCP, entre en gare. Elle semble tout droit sortie d’un film d’Eisenstein.

Une fenêtre sur deux n’a plus de vitre et le plancher est rongé par l’usure. On prétend que le train est ici un moyen de transport obsolète ; ça ne semble pas être l’avis des petits commerçants du marché de Gumri,

qui partent chargés de cagettes vides faire le plein de fruits et légumes à Hoktemberyan, dans cette vallée de l’Araxe qui est le potager du pays.

Durant la première partie du trajet, la voie ferrée longe la frontière turque. Et on distingue parfaitement les miradors qui la jalonnent. A proximité immédiate, côté turc, se trouvent les vestiges d’Ani, l’ancestrale capitale arménienne. Un vaste drapeau arborant le croissant et l’étoile, dessiné à même la montagne, est sournoisement exhibé face à l’Arménie. Une quarantaine de kilomètres avant de rejoindre Erevan, un autre symbole arménien, lui aussi échu à la Turquie, apparaît : le colossal mont Ararat.

L’Araxe

La route qui mène au Zanzegour, la région sud du pays enserrée entre le Nakhitchevan et l’Azerbaïdjan, suit un itinéraire totalement irrationnel eu égard au relief de la région. Quand la circulation entre les républiques socialistes n’était entravée par aucune frontière, la route – tout comme la voie ferrée – suivait le lit de l’Araxe, depuis Artashat jusqu’à Meghri, à l’extrémité méridionale du pays. Aucune dénivellation ne venait en perturber le tranquille tracé de 250 km. Au lieu de quoi, il est aujourd’hui nécessaire de franchir plusieurs cols par une route sinueuse et escarpée pour rejoindre la même ville de Meghri, cette fois éloignée de près de 400 km.

C’est dans la bourgade d’Eraskh, dans la vallée de l’Araxe, que l’aberration infrastructurelle des axes de communication arméniens apparaît avec le plus d’acuité. Ici, la prometteuse perspective routière et ferroviaire filant vers le sud-est est brusquement interrompue par un enchevêtrement de barrières striées de rouge, de jaune et de noir, de barbelés piquetés de bouts de tissu et de sacs plastique, de miradors couverts par des filets de camouflage, de carcasses de voitures et de wagons rouillés ; le tout, annoncé par une cohorte de panneaux signalétiques triangulaires, arborant croix noires, têtes de mort et silhouettes foudroyées sur fond jaune. Les automobilistes n’ont d’autre choix qu’opérer un virage à 90° pour contourner l’ennemi : quitter la vallée de l’Araxe et opter pour la tortueuse route de montagne arménienne plutôt que pour la pente douce de la voie azérie.

Cet axe, autrefois secondaire, est devenu vital après la fermeture de la frontière avec l’Azerbaïdjan. Le hic est qu’il traversait la commune de Kyarki, une petite enclave azérie dépendant de la grande "exclave" du Nakhitchevan ; une entrave à la cohérence de son infrastructure routière, que l’Arménie a résolue en janvier 1990 en annexant unilatéralement le village, rebaptisé Tigranashen. Ses habitants, qui étaient encore de nationalité soviétique à l’époque, durent abandonner leurs maisons à d’autres Soviétiques, de moins en moins convaincus par l’idéal communiste de fraternité entre les peuples.

La plupart des camions rencontrés sont immatriculés en Iran. Il faut dire que cette route est l’une des principales artères économiques du pays – l’axe nord étant subordonné à la température des relations russo-géorgiennes. Aussi comprend-on que l’Arménie use d’une diplomatie bienveillante à l’égard de la République islamique. C’est une des singularités de sa politique étrangère : elle cultive un partenariat privilégié avec la Russie et de bons rapports avec l’Iran (qui a préféré les Arméniens à ses coreligionnaires azerbaïdjanais, en dépit de sa propre minorité azéri), tout en se rapprochant de l’Europe et des Etats-Unis.

Au détour d’un sentier descendant du massif de Khosrov et s’ouvrant sur un vaste panorama dominé par le mont Ararat, cinq rudes gaillards, la quarantaine bedonnante, et une babouchka mal fardée ripaillent sous une tonnelle ombragée couverte d’un vieux parachute. Dans ce petit cottage noyé sous la verdure, est érigée une cabane en tôles, autour de laquelle sont disséminées plusieurs tables, quelques ruches, une fontaine et un barbecue de fortune qui approvisionne les convives d’une profusion de grillades. L’ambiance est à la vodka vidée à la russe. Alcool aidant, les verres levés à l’amitié laissent place, en fin de repas, aux diatribes anti-musulmanes, cicatrices de guerre à l’appui. Apothéose de la partie de campagne, Roman, le maître des lieux, est pris d’une pulsion meurtrière. Il se précipite vers le coffre de sa voiture, en extirpe un fusil de chasse, et le vide sur une insouciante hirondelle qui virevoltait par là.

Il porte alors le volatile gisant dans le creux de sa main vers son visage et en hume le sang encore chaud.

Goris

Goris, que d’aucuns appellent "la petite Cappadoce" en raison de ses cheminées de fées et de ses habitations troglodytes, est la dernière ville d’importance avant de s’engager dans le Couloir de Latchine, par la route qui mène au Haut-Karabakh.

Sans remonter trop loin dans le passé tumultueux des relations arméno-azéries, on peut situer le début du dernier conflit à 1988, lorsqu’en juillet, le soviet régional du Haut-Karabakh se prononce en faveur du rattachement à la République Socialiste Soviétique d’Arménie.

Cette volonté d’émancipation de la tutelle azerbaïdjanaise est motivée par les pogroms dont la minorité arménienne a été victime au cours des derniers mois, à Soumgaït et Bakou, où des centaines d’Arméniens ont été lynchés, leurs commerces et maisons incendiés. Moscou, dépassée par les événements et ne sachant comment éteindre les tensions communautaires en Transcaucasie – car au même moment, les régions autonomes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud s’émancipent dans la douleur de la tutelle géorgienne – fait la sourde oreille et attise les divisions.

La situation dégénère après la proclamation des indépendances de l’Azerbaïdjan, du Haut-Karabakh et de l’Arménie à la fin de l’été 1991, lorsque l’Azerbaïdjan répond à la "provocation" irrédentiste par le blocus du Karabakh. Miliciens des FANK (Forces d’autodéfense du Nagorny Karabakh) et nationalistes arméniens du mouvement Dachnak, discrètement soutenus par l’armée, affrontent directement les forces azerbaïdjanaises. Chaque camp se livre alors à de maniaques opérations de nettoyage ethniques.

A partir de 1992, la guerre devient totale avec l’utilisation d’équipements lourds (blindés, chars, canons, lance-roquettes, hélicoptères de combat, avions de chasse…) et l’engagement de plus nombreux combattants (nationalistes arméniens de la diaspora, mercenaires issus d’une Armée rouge démantelée, nationalistes panturcs, moudjahiddin tchétchènes et afghans, volontaires iraniens engagés au côté de leurs frères chiites…). Après une série de revers, les Arméniens prennent le dessus, avec le soutien de la Russie qui a, cette fois, choisi son camp. Ils conquièrent les couloirs de Latchine et Kelbadjar qui relient les deux entités territoriales et deviennent maîtres, à l’exception

d’une infime portion au nord et à l’est, de l’ensemble du Haut-Karabakh, augmenté de tout un pan du territoire de l’Azerbaïdjan depuis les Monts Murovdag jusqu’à la frontière iranienne, soit près d’un cinquième de l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Une violente contre-offensive azérie est lancée durant l’hiver 1993-1994, mais elle se heurte à une résistance acharnée des Arméniens. Finalement, un cessez-le-feu est signé le 12 mai 1994 entre les belligérants, sous l’égide du Groupe de Minsk (émanation de la CSCE, regroupant Russie, Etats-Unis et Union Européenne).

La guerre a fait plus de 30'000 morts – dont deux tiers, côté azéri –, des dizaines de milliers de blessés et d’invalides, et plus d’un million de réfugiés. Mais loin de consacrer une paix durable, le cessez-le-feu n’a rien réglé : le ressentiment causé par la défaite et les pertes territoriales (les 4400 km² de l’enclave ajoutés aux 9000 km² de "zone de sécurité") attise un nationalisme revanchard en Azerbaïdjan ; quant aux Arméniens, le rattachement de fait de leurs deux territoires ne vaut pas réunification de droit, ce qu’ils se refusent à officialiser par crainte d’être mis au ban de la communauté internationale. Résultat : une inacceptable amputation territoriale d’un côté et une victoire inavouable de l’autre – d’autant moins assumée dans un pays qui revendique son statut de "peuple martyr".

Hors Nagorny Karabakh et la frontière orientale du pays, les séquelles de la guerre ne sautent pas aux yeux du voyageur. Mais pour peu qu’il aille flâner dans le cimetière attenant à l’église de quelque localité, à l’instar d’Areni, un bourg viticole situé à la frontière du Nakhitchevan, aucun doute ne subsiste sur l’ampleur du traumatisme subi jusque dans le moindre hameau. Là, au milieu des khatchkar et des pierres tombales sans âges qui bordent l’église médiévale de la Sainte-Mère-de-Dieu, on repère vite les sépultures des sacrifiés du conflit : une enfilade de pierres en marbre noir, arborant les portraits de très jeunes visages, tous fauchés durant l’année 1992, à l’âge de 23 ans, 25 ans, 28 ans, 21 ans…

Fig. 3 : Cimetière à Areni Vardenis

A Vardenis, par contre, les plaies de la guerre sont bien visibles, gravées dans les murs des bâtiments. Comme toute la côte orientale du lac Sevan, la ville a payé un lourd tribut à la volonté émancipatrice du Karabakh. Elle a subi les raids de l’aviation azérie. Désormais, elle est l’ultime étape sur le second itinéraire menant à la république sœur, via le couloir de Kelbadjar ; une zone de jonction prise à l’Azerbaïdjan et vidée de sa population turcophone.

A Kartchakhpyur, une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Vardenis, une caserne est implantée au milieu des conifères sur les bords du Lac Sevan. Une centaine d’hommes y est stationnée, cantonnée à un mode de vie spartiate. Ils vivent dans des baraquements de parpaings nus, sous un toit en tôle ondulée. Dedans, on trouve des sommiers métalliques, une cuvette de toilettes fendue en deux, un lavabo bouché et un réchaud

électrique pour la popote quotidienne de pommes de terre. Alors, pour égayer l’ambiance, dont seule une faune hétéroclite d’insectes semble s’accommoder, les soldats usent d’une stratégie toute militaire : le placardage de bombes sexuelles sur papier glacé aux murs de la chambrée. Dans celle de Karen et de ses camarades, ce sont la pop star Shakira et les actrices Cameron Diaz et Jennifer Lopez qui ont le vent en poupe.

Karen a effectué son service militaire, en pleine guerre du Karabakh, durant les années les plus meurtrières du conflit. Depuis, il n’a jamais réussi à se réinsérer dans la vie civile. Et, bien que démobilisé, il continue d’être hébergé au sein de l’armée où lui sont assignés des tâches d’entretien et de menus travaux. Impossible pour lui d’oublier son passage sous les drapeaux entre 1992 et 1994. Des cicatrices de cet enfer sillonnent son corps sec et nerveux. Plusieurs de ses balafres ont été infligées à l’arme blanche dans des combats au corps à corps dans les tranchées du front.

Askipara

A l’inverse des villages-enclaves azéris en territoire arménien, qui ont tous été annexés par l’Arménie, le village arménien d’Artzvashen en territoire azerbaïdjanais a, quant à lui, gardé sa nationalité et ses habitants. Il est protégé par l’armée arménienne et ravitaillé régulièrement par des camions militaires que l’on voit défiler sur la chaussée défoncée des rues de Tshambarak, localité située à quelques pas de la frontière.

Des cinq petites enclaves azéries que l’Arménie a annexées, quatre sont établies dans la région nord du Tavush. Il y a d’abord les deux minuscules implantations de quelques fermes près de la ville azerbaïdjanaise de Tatli ; le village d’Azatamut, rebaptisé Barkhudarli ; et le village du Haut-Askipara, séparé du Bas-Askipara (situé en Azerbaïdjan, mais également occupé) par le village arménien de Voskepar.

Azatamut était avant guerre un point de passage obligé par la route joignant Erevan à Tbilissi. Cet axe, très emprunté à l’époque soviétique,

passait par Sevan, opérait un coude en Azerbaïdjan et remontait jusqu’à la capitale géorgienne en suivant le fleuve Kura. Azatamut est désormais une ville morte ; un cul de sac routier, ferroviaire et même électrique, puisque les imposants pylônes de la ligne à haute tension qui passait par là ne véhiculent plus qu’un seul fil électrique, probablement destiné à quelque garnison de frontière.

Sur la petite route qui court le long de cette frontière, des guérites de l’armée sont disposées tous les deux ou trois kilomètres, pour surveiller

Sur la petite route qui court le long de cette frontière, des guérites de l’armée sont disposées tous les deux ou trois kilomètres, pour surveiller

Dans le document Voyage et tourisme (Page 119-135)