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2.2 Quelques probl´ ematiques des fermions lourds

2.2.2 Supraconductivit´ e non conventionnelle

Encore une fois, le survol des propri´et´es supraconductrices des fermions lourds va nous obliger `a distinguer les fermions lourds au c´erium de ceux `a l’uranium.

Supraconductivit´e des fermions lourds au c´erium

Il existe deux grandes classes de compos´es au c´erium supraconducteurs : ceux appar- tenant `a la famille des CeM2X2 et ceux appartenant `a la famille des CenMmIn3n+2m. Les

premiers cristallisent dans une structure t´etragonale de type ThCr2Si2 (voir figure 2.1).

Dans cette classe de compos´es, les compos´es CeCu2Si2, CeCu2Ge2, CePd2Si2, CeNi2Ge2 et

CeRh2Si2 sont supraconducteurs, les quatre derniers ne le devenant que par l’application

d’une pression. Citons par ailleurs comme membre de cette famille le compos´e CeRu2Si2,

qui parce qu’il ne pr´esente pas de trace de supraconductivit´e, peut constituer ´egalement une pi`ece importante du puzzle pour comprendre la supraconductivit´e dans ces compos´es. Notons enfin que ces compos´es sont ´egalement structurellement tr`es proches du fermion lourd `a l’uranium URu2Si2, qui lui aussi devient supraconducteur `a pression ambiante.

Fig. 2.1 – A gauche: structure cristallographique des fermions lourds CeM2X2. A droite:

structure cristallographique des fermions lourds CenMmIn3n+2m.

Les seconds, quant `a eux, cristallisent tous dans une structure construite `a partir de CeIn3 (cubique) et de MIn2, pour donner une structure t´etragonale anisotrope d`es que

n ≥ 1 (voir figure 2.1). Ils peuvent tous ˆetre d´ecrits par le mˆeme diagramme de phase, o`u conform´ement `a l’image donn´ee par le mod`ele de Doniach on passe en pression d’un ordre antiferromagn´etique `a un liquide de Fermi paramagn´etique. Cependant, autour de la pression o`u l’ordre magn´etique disparaˆıt, ´emerge un dˆome supraconducteur. Celui-ci se trouve `a pression ambiante pour CeCoIn5 et CeIrIn5, et `a des pressions de quelques GPa

pour les autres.

Compos´e Tmax

c PSC ref

CeCu2Si2 650mK 0 [36]

CeCu2Ge2 640mK 7-10GPa [49]

CePd2Si2 550mK 2-7GPa [50]

CeNi2Ge2 ≈ 350mK (100mK ?) ≈ 1,5-3 GPa (P =0-0,4GPa ?) [51]([52])

CeRh2Si2 350mK 0,9GPa [53]

Tab. 2.1 – Propri´et´es des supraconducteurs CeM2X2.

Mis `a part pour CeCu2Si2, tous ces fermions lourds semblent devenir supraconduc-

teur `a la disparition de l’ordre magn´etique qui les caract´erise `a pression nulle1. Notons

cependant l’existence de CeRu2Si2, qui bien que poss´edant la mˆeme structure que les com-

pos´es pr´ec´edemment cit´es, ne pr´esente aucune trace de supraconductivit´e. Il semble donc que l’apparition de la supraconductivit´e soit connect´ee `a la pr´esence d’un point critique quantique, dont nous discuterons au paragraphe suivant. Les m´ecanismes microscopiques

1La supraconductivit´e `a pression ambiante dans CeNi

2Ge2 reste encore peu fermement ´etablie : la

supraconductivit´e n’a ´et´e d´etect´ee que par des mesures de r´esistivit´e, et n’est indiqu´ee que par une chute de 30% de ρ et non par une annulation de celle-ci. Par ailleurs les valeurs de r´esistivit´e semblent tr`es d´ependantes de l’´echantillon.

reliant la disparition de l’ordre antiferromagn´etique `a l’´emergence de la supraconductivit´e sont encore peu clairs, d’autant que dans certains cas les deux semblent coexister, de fa¸con assez contradictoire avec une image traditionnelle de la supraconductivit´e.

Deux comportements particuliers viennent compliquer encore le tableau pr´esent´e ci- dessus : d’une part, CeCu2Si2 exhibe en fonction du champ magn´etique un diagramme

de phase tr`es compliqu´e avec l’apparition au dessus de la phase supraconductrice d’abord d’une phase A qui semblerait ˆetre une phase onde de densit´e de spin, puis d’une phase dite B [54]. La compr´ehension compl`ete de la transition supraconductrice requiert ´egalement celle de la phase A. D’autre part, dans CeCoIn5, il semblerait qu’au voisinage du champ

critique `a T = 0, la transition supraconductrice devienne du premier ordre, et qu’un ´etat Fulde Ferrell Larkin Ovchinnikov (FFLO), qui consiste en une modulation spatiale du param`etre d’ordre, apparaisse [157][158][159]. Notons ´egalement que dans ce compos´e la sym´etrie du param`etre d’ordre semble ˆetre dx2−y2.

Supraconductivit´e des compos´es `a l’uranium

Puisque les compos´es `a l’uranium pr´esentent une grande diversit´e d’´etats fondamen- taux, il en va de mˆeme pour les phases supraconductrices qui y sont associ´es. En fait, les compos´es `a l’uranium pr´esentent plus fr´equemment une phase supraconductrice que les compos´es au c´erium. De plus, contrairement `a ce qui se passe dans les CeM2X2 et

les CenMmIn3n+2m, le sc´enario de criticalit´e quantique antiferromagn´etique semble ˆetre

beaucoup moins pr´epond´erant dans les fermions lourds `a l’uranium. Comme nous l’avons d´ej`a mentionn´e, un des ”points communs” de ces derniers est leur degr´e variable de lo- calisation des ´electrons 5f , cette variabilit´e menant ´evidemment `a une grande diversit´e dans les phases supraconductrices.

Un des compos´es supraconducteurs les plus ´etudi´es est probablement UPt3, dont la

supraconductivit´e a ´et´e d´ecouverte en 1984 [55]. Il s’agit probablement d’un des com- pos´es les plus surprenants en ce qui concerne sa phase supraconductrice, puisqu’il exhibe un param`etre d’ordre pr´esentant plusieurs composantes, et donc deux transitions supra- conductrices, l’une `a Tc1= 530mK et l’autre `a Tc2 = 480mK [56]. De plus, la premi`ere des

transitions arrive alors que le syst`eme a d´ej`a subi une transition antiferromagn´etique avec un petit moment `a TN =5,8K. Malgr´e un grand nombre de r´esultats exp´erimentaux et

de propositions th´eoriques rappel´es dans le r´ecent article de revue par Joynt et Tailleffer [57], il n’y a pas encore de consensus sur la sym´etrie du param`etre d’ordre et la structure du gap supraconducteur, et donc encore moins sur le m´ecanisme d’appariement, mˆeme si une supraconductivit´e de sym´etrie f semble ˆetre une des options les plus accept´ees. Il semblerait de plus que l’ordre antiferromagn´etique soit responsable de la s´eparation en deux temp´eratures de transition, le param`etre d’ordre antiferromagn´etique agissant comme un briseur de sym´etrie en se couplant au param`etre d’ordre supraconducteur.

Deux autres exemples pr´esentant une supraconductivit´e non conventionnelle sont les fermions lourds UPd2Al3 et UNi2Al3. Ces deux compos´es tr`es proches au niveau struc-

turel (ils cristallisent tout deux dans une structure hexagonale), poss`edent cependant des propri´et´es assez diff´erentes. En effet, mˆeme s’ils pr´esentent des corr´elations antiferro-

magn´etiques, celles-ci se manifestent dans le premier par l’apparition d’un ordre antifer- romagn´etique `a 14,3K, et dans le second par l’´emergence d’une onde de densit´e de spins `

a 4,6K. Ceci induit quelques diff´erences dans leur supraconductivit´e. Celle de UPd2Al3

(Tc = 1, 8K) semble ˆetre relay´ee par les excitations magn´etiques, et coexiste avec la phase

antiferromagn´etique. Par contre, celle de UNi2Al3 (Tc = 1, 2K) semble ˆetre un des rares

cas de supraconductivit´e triplet.

Un des exemples les plus surprenants de supraconductivit´e dans les fermions lourds est probablement UGe2 : celui-ci pr´esente un ´etat fondamental ferromagn´etique `a pression

nulle (Tcurie = 52K), qui disparaˆıt vers 16kbar. Cependant, d`es 10kbar, une phase supra- conductrice ´emerge, coexistant avec le ferromagn´etisme, et se maintient jusqu’`a 16kbar avec un maximum de Tc = 700mK pour Popt = 12, 5kbar [58]. Dans l’´etat actuel des

choses, aucun sc´enario satisfaisant n’est pr´esent pour expliquer cette coexistence pour le moins surprenante, mˆeme si d`es 1957 Ginzburg avait ´emis l’id´ee qu’une coexistence entre supraconductivit´e et ferromagn´etisme ne soit pas impossible pourvu que le champ interne ne soit pas plus grand que le champ thermodynamique critique2.

Enfin, tournons nous vers un exemple que nous allons par ailleurs ´etudier, URu2Si2.

Ce supraconducteur `a Tc = 1, 5K est surtout exotique en raison de sa phase haute

temp´erature, qui pr´esente un ordre cach´e dont la nature n’est pas encore `a ce jour ´elucid´ee, mˆeme si un certain nombre de propositions th´eoriques ont ´et´e faites. Nous en discuterons plus en d´etail dans la quatri`eme partie de cette th`ese.

Signalons pour terminer la d´ecouverte r´ecente d’un supraconducteur aux ´electrons f au plutonium, PuCoGe5 [61], dont la temp´erature critique vaut 18K, battant de loin le

fermion lourd supraconducteur avec la Tc la plus ´elev´ee, CeCoIn5 (Tc = 2, 3K). Cette

d´ecouverte peut entraˆıner un certain nombre d’avanc´ees dans la compr´ehension globale de la supraconductivit´e des compos´es dont la physique proc`ede d’ions aux couches f partiellement remplies, comme les fermions lourds.