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Dans l’immense majorit´e des mesures d’effet Nernst, la question des conditions aux limites s’est pos´ee. En effet, l’effet Nernst peut ˆetre mesur´e :

– de fa¸con adiabatique, c’est-`a-dire avec des conditions aux limites du type JQy = 0,

et donc a priori ~∇yT 6= 0. C’est la fa¸con dont nous avons mesur´e l’effet Nernst.

– ou de fa¸con isotherme, c’est-`a-dire avec des conditions aux limites du type ~∇yT = 0.

C’est ce qui arrive lorsque l’´echantillon est d´epos´e sur un substrat.

L’immense majorit´e des mesures d’effet Nernst sont effectu´ees de mani`ere adiabatique. Or il est ´evident que dans cette configuration, un terme parasite peut compl`etement fausser les mesures : l’effet Righi-Leduc. Cet effet consiste en l’apparition, sous champ magn´etique, d’un gradient thermique transverse et si le mat´eriau poss`ede un pouvoir thermo´electrique, ce gradient thermique va g´en´erer un champ ´electrique transverse, impair en champ magn´etique ~ER.L.

y = ~∇yT S, qui n’a rien `a voir avec l’effet Nernst au sens strict

du terme. Comme les mesures isothermes restent tr`es difficiles `a faire (en particulier parce que les gradients thermiques sont faibles), il faut s’assurer que cet effet ne soit pas l’effet pr´epond´erant, c’est-`a-dire que ∇~yT

~

∇xT << 1.

Trivialement, l’application des conditions aux limites adiabatiques donne : ~ ∇yT ~ ∇xT = κxy κxx (7.1) ce qui ram`ene `a la relation bien connue entre l’effet Nernst adiabatique et l’effet Nernst isotherme [112] [138] :

Ni = Na+ Sκxy κxx

(7.2) Tout d’abord, si l’on ne consid`ere que le gaz d’´electrons et si la loi de Wiedemann-Franz est v´erifi´ee, l’angle de Righi-Leduc est strictement ´egal `a l’angle de Hall. Plus exactement, on peut montrer que, quand la loi de Wiedemann-Franz n’est pas v´erifi´ee :

θR.L.

θH

= L

L0

(7.3) o`u L = κρT et L0 est le nombre de Lorentz. Or pour l’immense majorit´e des m´etaux,

L ≤ L0, ce qui fait que l’effet Hall est une borne sup´erieure de l’effet Righi Leduc. Un

angle de Hall faible est donc la garantie que l’effet Nernst adiabatique et l’effet Nernst isotherme sont quasiment identiques.

Ensuite, si l’on tient compte `a pr´esent des phonons, la relation 7.1 se r´e´ecrit : ~ ∇yT ~ ∇xT = κ e xy κe xx+ κ ph xx (7.4) ce qui montre que si les phonons dominent le transport d’entropie, alors l’effet Righi- Leduc va ˆetre ´egalement faible. Finalement, on peut tout condenser sous la forme :

~ ∇yT ~ ∇xT = σxy σxx   1 1 + κκphe   (7.5)

Nous discuterons pour chacune de nos mesures de l’opportunit´e de confondre Na et

Ni. Pour ce faire, nous utiliserons les deux limitations :

– soit L >> L0, auquel cas les phonons dominent le transport de chaleur, et la di-

rection du gradient thermique est majoritairement impos´ee par eux, et est donc longitudinal.

– sinon, il nous faudra comparer les deux angles NS et ρxy

ρxx, puisque si la tension trans-

verse vient uniquement de l’effet Righi-Leduc, alors NS = ∇~yT

~ ∇xT =

σxy

Supraconducteurs m´etalliques

”conventionnels” : le cas de NbSe

2

Pr´eliminaire : effet Nernst isotherme dans l’or

Dans la partie pr´ec´edente, nous avons vu que l’effet Nernst isotherme dans un m´etal simple devait ˆetre nul. Cependant, comme la mesure de l’effet Nernst a connu un regain d’int´erˆet et que cette affirmation est une des bases de son interpr´etation, nous avons effectu´e une mesure dans l’or.

Fig. 8.1 – Mesures ´electriques dans un ´echantillon d’or ´evapor´e sur de l’alumine : A gauche: R´esistivit´e.A droite: Coefficient de Hall. En insert : sch´ema de l’´echantillon.

Afin d’ˆetre sˆur que nous mesurons l’effet Nernst de fa¸con isotherme et non de mani`ere adiabatique, nous avons ´evapor´e un mince film d’or (e ≈100nm) sur une plaque d’alu- mine de 400µm d’´epaisseur et de dimensions 5mm×5mm (voir figure 8.1). La rugosit´e de l’alumine, contrˆol´ee par AFM, est inf´erieure `a 30nm, ce qui nous assure une couche d’or relativement homog`ene. Ainsi, nous avons un support isolant qui contrˆole la conduc- tion de chaleur, et qui va imposer un gradient thermique strictement parall`ele au courant de chaleur, la conductance du substrat d’alumine ´etant de plus d’un ordre de grandeur

Fig. 8.2 – Effet Nernst isotherme dans un ´echantillon d’or.

sup´erieure `a celle de l’or1. Par contre, les propri´et´es thermo´electriques vont, elles, ˆetre

impos´ees par la partie conductrice de l’ensemble, et donc par l’or.

L’int´egrit´e et la qualit´e de l’´echantillon ont ´et´e test´ees par des mesures ´el´ementaires de r´esistivit´e et d’effet Hall. Ces mesures sont donn´ees figure 8.1.

Le rapport de r´esisitivit´e ainsi trouv´e est de moins de 2, et une comparaison avec la litt´erature montre que notre ´echantillon est tr`es sale, mˆeme si pour de telles ´epaisseurs les rapports de r´esistivit´e rapport´es sont plutˆot de l’ordre de 4 [142]. Par contre, le coefficient de Hall est constant en temp´erature, comme pour un m´etal normal, mˆeme si sa valeur reste assez faible [139], et m`ene `a un nombre de porteurs de :

n = 1

RHe

= 2, 7.1023porteurscm−3

ce qui est une valeur un peu ´elev´ee compar´ee aux valeurs tabul´ees (6.1022pour l’or `a 300K),

mais la qualit´e des mesures, ainsi que l’incertitude tr`es ´elev´ee sur le facteur g´eom´etrique r´eel de la couche d’or (pas du tout contrˆol´e lors de l’´evaporation) peuvent induire une telle diff´erence.

Ceci nous confirme que nous avons bien un ´echantillon conducteur d´epos´e sur l’alu- mine.

Les mesures d’effet Nernst ont ´et´e effectu´ees `a l’aide de rampes en champ de -12T `

a +12T — et inversement — `a diverses temp´eratures. Cette m´ethode permet de mieux

1En effet, la conductivit´e thermique de l’alumine ´etant voisine de 100mW/Kcm [140], et celle de l’or

variant entre 4 et 20 W/Kcm, le rapport entre les deux conductances va ˆetre donn´e par λAu

λAlu = κAu κAlu eAlu eAu ≈ 40.

discerner la partie impaire du signal, et donc l’effet Nernst. Les r´esultats sont donn´es figure 8.2.

Comme on le voit, l’effet Nernst est extrˆemement faible (<0,2nVK−1T−1), et `a la limite de notre r´esolution exp´erimentale. Pour des effets de cet ordre de grandeur, les effets parasites comme l’induction magn´etique ou la dissipation dues `a la variation du champ magn´etique ne sont plus n´egligeables. Nous pouvons donc conclure que, dans la limite de notre r´esolution exp´erimentale, l’effet Nernst isotherme dans l’or est nul, comme attendu. Cette v´erification faite, nous pouvons aborder plus sereinement les r´esultats suivants.

8.1

2H-NbSe

2

: un m´etal simple ?

2H-NbSe2 est un supraconducteur de type II avec une temp´erature critique de Tc =

7, 3K, pr´esentant ´egalement une transition onde de densit´e de charge (CDW) incommen- surable `a TCDW = 33K [143]. Il poss`ede une structure hexagonales quasi-bidimensionnelle

D4

6hconstitu´ee de sandwiches de Se-Nb-Se, et fait partie de la famille des dichalcog´enides.

Dans cette famille, trois membres sont particuli`erement int´eressants, TaS2, TaSe2 et

NbSe2, qui pr´esentent tous trois les deux transitions, Tc diminuant et TCDW augmen-

tant lorsque l’on descend dans la classification p´eriodique. Ces deux transitions semblent corr´el´ees dans ces compos´es.

Ce compos´e a ´et´e d´ecouvert au milieu des ann´ees 60, relativement ´etudi´e depuis, mais les caract´eristiques de la transition CDW restent encore inexpliqu´ees : observ´ee en neu- trons [143] et en rayons X [144], elle n’affecte que tr`es peu les propri´et´es de transport et thermodynamiques — seules des anomalies sont d´etect´ees dans la r´esistivit´e et la chaleur sp´ecifique [152]— et les mesures d’ARPES, qui ont parfaitement d´etect´e le gap supracon- ducteur [145], ont ´et´e incapables de d´etecter celui associ´e `a la transition CDW [146], qui semble par ailleurs ne concerner qu’une toute petite portion de la surface de Fermi. Tout ceci ne serait pas particuli`erement intrigant si les mesures d’effet Hall ne perturbaient pas le tableau : celui-ci, loin de se conformer `a la quasi-indiff´erence des autres propri´et´es de transport par rapport `a cette transition, est profond´ement affect´e par celle-ci puisqu’il change de signe `a partir de 33K, indiquant un changement rapide du signe des porteurs majoritaires [147][148]. Cette incompatibilit´e apparente entre une surface de Fermi peu troubl´ee par la transition et un coefficient de Hall indiquant un changement radical dans sa topologie reste encore intrigante.

Les ´echantillons de NbSe2 que nous avons mesur´es nous ont ´et´e synth´etis´es par H.

Berger2, par la m´ethode usuelle de transport par des vapeurs d’iode, qui consiste `a en- fermer dans une ampoule `a quartz les quantit´es stoechiom´etriques de Nb et Se et `a les soumettre `a un gradient de temp´erature pendant plusieurs semaines. La taille typique des ´echantillons ´etait de 1mm×1mm×100µm, et leur r´esistivit´e r´esiduelle valait environ 6µΩcm, comme on peut le voir figure 8.5.