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24) tu nulla interposita morá in Imperium illi succederes, faustusque, & felix statim

3.4 Suppressions de contenu

Seront traités ici les cas de suppressions de texte définitives, c’est-à-dire les cas où une partie du texte est éliminée sans qu’elle ne soit replacée ailleurs dans l’œuvre et sans qu’elle ne soit rajoutée dans la version espagnole. Ce sont donc des pertes de sens définitives pour le lecteur final, des coupes que Claude Clément a effectuées dans son texte. Ces passages éliminés permettent de comprendre le processus de création ; ils méritent donc d’être indiqués en note dans l’édition de l’œuvre. Toutefois, afin de respecter le choix de l’auteur, on ne peut pas considérer qu’ils fassent partie de l’œuvre finale. Il faut malgré tout garder présent à l’esprit qu’un ajout de contenu est forcément volontaire, alors que la disparition d’une expression lors du passage d’une version à une autre pourrait éventuellement être la conséquence d’une erreur de l’éditeur. Ce n’est donc pas parce qu’un segment du texte disparaît entre deux versions que l’on peut nécessairement conclure à une modification intentionnelle de l’auteur.

Le travail réalisé ici consiste à rechercher les raisons qui ont pu pousser Claude Clément à retirer ces contenus, afin de distinguer clairement les passages éventuellement éliminés par erreur, des suppressions volontaires. Elles ne sont considérées comme telles que lorsqu’elles sont justifiées par d’autres éléments textuels ou d’autres modifications antérieures formant un faisceau d’indices concordants. Si elles doivent être considérées comme volontaires, le contenu supprimé est seulement indiqué en note pour information, mais si elles doivent être considérées comme fautives, celui-ci est réintégré au texte final. Les passages qui font l’objet de la modification sont à nouveau repérés par une police en gras.

3.4.1 Suppressions de texte entre les deux versions latines

Les cas de suppression définitive de contenu entre la première et la seconde version latine sont rares : dans cet espace, Claude Clément a plutôt tendance à ajouter du contenu qu’à en enlever. On peut toutefois repérer quelques suppressions mais qui sont le plus souvent une façon de corriger l’expression.

168 3.4.1.1 Adaptation à une modification

Lorsque, par exemple, le verbe « existimare » dans l’expression « si Christianam & Regiam educationem, existimes ex omni maiestate & laudibus321 » est éliminé lorsque celle-ci devient « si Christianam, & Regiam educationem si legentem, si literas pingentem […] & prorsus credas ex omni maiestate & laudibus322 », il se produit ce que nous appellerons une suppression d’adaptation. Au sens strict, le verbe « existimare » est supprimé dans la seconde version du texte, mais on observe surtout que cette modification est due à l’insertion du passage au sujet des qualités de l’infant Balthazar- Charles : « si legentem […] credas ». Le verbe du texte primitif n’a pas véritablement été supprimé mais plutôt remplacé par ce paragraphe. D’ailleurs dans cet ajout, il y a bien un verbe : « credas », qui peut être considéré comme un substitut à « existimes ». Il ne s’agit donc pas véritablement d’une suppression mais plutôt d’une réécriture du verbe original. Une autre suppression de verbe ne semble pas avoir non plus de grand impact sur la phrase finale : « quod fuit eximia & plané Catholica clausula religiosi triumphi, nihil sensu diffusius sit, nihil ad dicendum uberius323 », devient « quod fuit eximia & plané Catholica clausula religiosi triumphi, nihil sensu diffusius, nihil ad dicendum uberius324 ». Il est difficile de conclure à un oubli de la part de l’imprimeur ou à une suppression volontaire du verbe. A priori, cette suppression du verbe « esse » n’affecte pas le sens de la traduction, ce qu’il convient de préciser dans l’édition critique.

La même question peut se poser, avec plus de force peut-être, au sujet des notes marginales puisque là encore, l’imprimeur pourrait être directement impliqué dans leur disparition.

3.4.1.2 Suppression de notes marginales

A trois reprises, une note marginale présente dans la première version latine est éliminée dans la seconde sans qu’elle ne réapparaisse dans la version espagnole : ce sont donc bien là des pertes de sens strictes pour le lecteur final. Il s’agit d’abord d’une référence à Quintilien où l’auteur ne mentionne que son seul nom, sans indication

321 D. C. P., fol. 44 r°.

322 M. J., p. 102-103. Dans E. M. D., p. 139-140 : « si su Real, y Christiana educacion; si la pericia, y

destreza, en leer, en escribir […] : con mucho fundamento nos podemos persuadir, que con todo genero de habilidades, y Reales excelencias ».

323 D. C. P., fol. 58 V°-59 r°.

324 M. J., p. 134. Dans E. M. D., p. 178 : « es copiosa materia al entendimiento para ponderar sus trofeos, y

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d’œuvre : « Quint325 », ensuite d’une indication géographique : « Valenza del Po326 », et enfin d’une précision sur l’année de la bataille de Nördlingen : « Ann. 1634327 ».

Concernant la première note, le fait de ne pas indiquer de référence bibliographique exacte mais seulement le nom de l’auteur n’est pas chose rare : on peut lire par exemple dans le programme des études d’humanités des collèges jésuites : « exponi posset liber septimus Quintiliani328 », sans aucune indication de titre. Les jésuites considèrent, et un spécialiste des humanités grecques et latines davantage encore, que le titre de l’œuvre est évident lorsqu’il est question de Quintilien. Étant donné que la première version latine du texte s’adresse à des lettrés, il aurait probablement été considéré comme déplacé, voire ridicule, de préciser le titre de l’Institution oratoire. La disparition de cette note est d’autant plus troublante que, si l’origine de cette citation était évidente pour ses pairs, il aurait été cohérent qu’il l’omette dans la première version latine, mais qu’il la place dans la seconde et surtout dans la version en langue vulgaire.

L’auteur applique la phrase à laquelle cette note fait référence à l’attitude du jeune Ferdinand, futur empereur Ferdinand III, lors du siège de Ratisbonne :

fecit sicut facere præclari Athletæ solent: difficiliora volunt esse quæ exercent, quo sit leviús id ipsum in quod exercentur, proindeque ponderibus plumbeis assuefaciunt manus, quibus vacuis & nudis in certamine utendum est329.

On trouve en effet la phrase chez Quintilien au livre XI, chapitre II « De memoria » de l’Institution oratoire : « Difficiliora enim debent esse quæ exercent quo sit levius ipsum illud in quod exercent, ut athletæ ponderibus plumbeis adsuefaciunt manus, quibus vacuis & nudis in certamine utendum est330 ». Il est très probable que, dans le cadre de ses enseignements, Claude Clément ait étudié cette œuvre, et on peut imaginer qu’il ait eu l’habitude de citer cette phrase à ses élèves. Elle est assez proche de l’original : ce n’est donc pas une citation approximative dont il aurait oublié l’origine.

Quatre hypothèses peuvent être retenues. Claude Clément a pu faire disparaître cette note volontairement, et ce pour trois raisons : soit il considère que la citation est trop connue pour avoir besoin d’une note, soit il considère que le lecteur romancista n’ira pas

325 D. C. P., fol. 53 r°, note en marge. Voir M. J., p. 120 et E. M. D., p. 162. 326 D. C. P., fol. 56 v°. Voir M. J., p. 130 et E. M. D., p. 173.

327 D. C. P., fol. 54 r°, note en marge. Voir M. J., p. 123 et E. M. D., p. 166. 328 Ratio atque institutio studiorum, Rome, Collegio Societatis Iesu, 1637, p. 296.

329 D. C. P., fol. 53 r° et M. J., p. 120 avec quelques modifications mineures de ponctuation. Dans E. M. D.,

p. 162 : « Hizo en esto lo que suelen hazer los mas esforzados Athletas: exercitanse al principio en cosas mas dificiles, para que despues, todo lo demas se les haga mas facil; y assi acostumbran las manos a traer pesos de plomo, para tenerlas despues en la lucha mas agiles, quando esten libres de aquel peso ».

330 QUINTILIEN, Institution oratoire, t. VI (trad. J. Cousin), Paris, Les Belles Lettres, 1979, liv. XI,

chap. II, § 42, p. 219. En français : « L’exercice doit être, en effet, plus difficile, afin que l’on trouve plus accessible le but de l’exercice même : c’est ainsi que les athlètes s’habituent à tenir dans leurs mains des mils de plomb, quoiqu’ils doivent lutter en fait les mains vides et nues », dans ibid.

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consulter l’œuvre et n’en a donc pas besoin, soit enfin il veut lui faire croire qu’il s’agit d’une phrase de sa propre plume. La quatrième hypothèse consisterait à imaginer que l’imprimeur aurait – dans la seconde version latine comme dans la version espagnole – omis la même note. Les hypothèses les moins crédibles sont, semble-t-il, la première et la quatrième. Concernant les deux autres, il faut faire observer que la phrase citée n’apparaît pas en italique, comme c’est la norme dans l’œuvre. Elle n’est pas non plus introduite par une formule comme « inquit » ou « dixit » mais au contraire parfaitement intégrée au discours de Claude Clément.

C’est alors la troisième hypothèse qui semble la plus crédible : Claude Clément a pu souhaiter intégrer la citation de Quintilien à son propre texte, comme si la phrase était de sa plume. S’adressant à des lettrés dans la première version latine, la manipulation aurait pu être découverte : des lecteurs auraient reconnu l’emprunt, il était donc contraint de donner sa source. Dans la seconde version latine et dans la version espagnole, la probabilité qu’un lecteur découvre les mots de Quintilien sous les siens est assez faible : il a donc pu éliminer la note pour éviter que ce lien soit établi. Selon les critères établis, cette note ne peut pas être considérée comme faisant partie de l’œuvre finale ; tout au plus peut-on en faire mention en note en précisant que sa suppression était probablement voulue.

La suppression de l’indication géographique de la ville italienne de Valenza331 a déjà été analysée par ailleurs ; une rapide présentation suffira pour déterminer si cette indication doit être considérée comme faisant partie du texte final ou non. Dans la première version latine, Claude Clément fait mention de la défense de la ville : « Forum Fulvij seu Valentinum ad Padum prodigiosé simul atque heroicé propugnatum332 » et insère en marge la note « Valenza del Po333 ». Dans ce cas, la note se justifie parfaitement puisque le lecteur peut ne pas identifier immédiatement le toponyme en latin ; or le problème se posera avec autant d’acuité au lecteur de la seconde version latine, où la note n’apparaît plus334. Il n’y avait donc aucune raison de la faire disparaître. Cette indication ne se trouve pas non plus dans la version espagnole, puisqu’elle ne se justifie plus du tout, la ville étant maintenant désignée par son nom espagnol dans le corps du texte : « la defensa valerosa de Valencia del Pó335 ». Au vu de ces éléments, on doit admettre que la suppression de cette note, au passage de la première à la seconde version latine, n’est pas

331 Valence-du-Pô, en français à l'époque. 332 D. C. P., fol. 56 v°.

333 Ibid.

334 Voir M. J., p. 130. 335 E. M. D., p. 173.

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volontaire. Elle doit donc être considérée comme faisant partie du texte final en latin, mais pas du texte final en espagnol puisqu’elle y perd sa raison d’être.

Concernant le troisième cas : l’année de la bataille de Nördlingen, l’explication ne peut être exprimée que sous forme d’hypothèses. La rédaction de la première version latine a lieu un à deux ans seulement après cette bataille, et les deux autres versions, environ trois ans après. Il est donc étonnant qu’un auteur prenne la peine de préciser l’année de cet événement majeur pour l’Espagne, de cette première grande victoire des Impériaux sur les Suédois, tant cette bataille doit être encore fraîche dans la mémoire des lecteurs. Il est possible que Claude Clément se soit lui-même aperçu que la précision était inutile, ce qui pourrait expliquer sa suppression dans les versions suivantes. Cette information peut donc être indiquée en note dans l’édition critique, mais ne doit pas être considérée comme faisant partie de l’œuvre.

3.4.1.3 Suppressions d’actualisation

La suppression peut encore affecter une proposition complète en incise comme dans le cas suivant : « Interea stat Domus Austriaca, imperat Ferdinandus, ac divino Numine ipsum bene iuvante, nihil aliud efficiet coniurata Hæresis, quám ut firmiús stet Domus Austriaca336 », qui devient dans la seconde version latine « Interea stat Domus Austriaca, imperavit Ferdinandus, nihilque aliud coniurata Hæresis effecit, quám ut firmiús stet Domus Austriaca337 ». La suppression de mots n’est d’ailleurs pas la seule modification. Les verbes passent du présent au passé et ce, pour une raison évidente : la phrase évoque les succès de Ferdinand II qui est décédé au moment où Claude Clément entreprend la rédaction de la seconde version latine et de la version espagnole.

L’expression « divino Numine ipsum bene iuvante338 » évoque justement le futur, elle confirme l’alliance de l’empereur avec Dieu et, dans la logique de Claude Clément, garantit les succès à venir. Or, sa mort vient bouleverser cette perspective. Les mots ne doivent plus s’appliquer au père mais à son fils, d’où cette suppression. D’ailleurs, les éléments supprimés dans cette partie du texte se retrouvent dans l’éloge du nouvel empereur que l’auteur ajoute un peu plus loin : « Deoque Optim. Maxim. ita rebus moderante339 ». Il n’y a donc pas de véritable perte de sens pour le lecteur : nous sommes davantage en présence d’une actualisation que d’une suppression pure. La modification

336 D. C. P., fol. 49 r°.

337 M. J., p. 112-113. Dans E. M. D., p. 152 : « Y entre estos succesos permanece firme la casa de Austria,

Ferdinando ha imperado, y la conjuracion de los herejes, no servira sino de mayor firmeza a su casa ».

338 En français : « avec l’assistance bienveillante de Dieu ».

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n’en est pas moins volontaire et clairement justifiée : ce passage peut éventuellement apparaître en note dans l’édition de l’œuvre, mais n’a pas sa place dans la version finale du texte.

Les dernières suppressions entre les deux versions latines sont essentiellement des ajustements du même type, comme dans la phrase suivante « si ex inferis redeat Machiavellus; tuamque pietatem & virtutes norit, tuasque ab annis decem & octo res gestas FERDINANDE IMPERATOR AUGUSTISSIME340 », qui se trouve actualisée sous la forme « si ex inferis redeat Machiavellus, noritque pietatem, & virtutes, res gestas FERDINANDI SECUNDI IMPERATORIS341 ». La raison du changement de déclinaison ne fait pas de doute non plus, il s’agit d’une réactualisation suite au décès de Ferdinand II : l’auteur ne peut plus utiliser le vocatif, il doit opter pour le discours indirect. Au vu de la proximité des deux modifications, il semble évident que la suppression du complément de temps « ab annis decem & octo342 » soit en rapport avec cette réécriture d’actualisation. Ce sera la première hypothèse : Claude Clément, s’adressant à un nouvel empereur, est ouvertement tourné vers l’avenir et ne souhaite plus mettre en valeur les actions politiques ou militaires du précédent. Supprimer cette référence historique serait une manière de limiter les références à l’ancien souverain et de réserver ses éloges pour le nouveau.

La seconde hypothèse prend en compte l’année 1618 elle-même. Cette date marque le début de la guerre de Trente Ans, qui est incontestablement la trame de fond de toute l’œuvre. C’est à ce moment que Ferdinand, qui n’est encore que roi de Bohème et de Hongrie – il deviendra empereur l’année suivante – montre sa détermination à lutter contre le protestantisme en envoyant des émissaires à Prague, dont la défenestration, même sans gravité, est considérée comme le déclencheur du conflit.

De 1618 jusqu’à sa mort, et c’est probablement dans cette perspective que Claude Clément envisage cette date, l’empereur fera preuve d’une intransigeance sans faille dans sa lutte contre le pouvoir des réformés, en particulier avec la promulgation de l’Édit de Restitution de 1629. L’année 1618 marque le début de cette Contre-Réforme par les armes des Habsbourg d’Autriche, menée par le père d’abord et poursuivie par le fils. Cette date prend donc tout son sens lorsqu’on s’adresse au premier : elle signifie que l’auteur

340 D. C. P., fol. 46 v°.

341 M. J., p. 108. Dans E. M. D., p. 146 : « ni el mismo Machiavelo, si volviera de los infiernos, pudiera

negarlo, si tuviera noticia de la piedad, y virtudes, y prodigiosas hazañas del Augustissimo Emperador Ferdinando ».

342 En français : « depuis l’année dix-huit ». En effet, Ferdinand commence à régner comme roi de Bohème

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soutient ses actions politiques ; cependant, lorsqu’il s’adresse au fils dans l’édition de 1637, elle a perdu une part de sa valeur symbolique. Les deux hypothèses que nous venons de formuler ne sont d’ailleurs pas contradictoires et peuvent expliquer ensemble la suppression de cet ancrage temporel.

La troisième et dernière hypothèse fait appel au style de la seconde version latine. Claude Clément cherche à réduire le caractère épistolaire de son texte. Il pourrait donc apporter cette modification moins pour supprimer la date elle-même que pour éliminer la préposition « ab » qui, comme dans une lettre, ancre le texte dans le présent de la narration. Là encore, cette hypothèse n’est pas exclusive des autres et peut constituer une troisième raison : il s’agit donc très probablement d’une modification volontaire. Par conséquent, si ce segment de texte peut être indiqué en note dans l’édition de l’œuvre, il ne doit pas être considéré comme faisant partie du texte final.

3.4.1.4 Suppression du lien au présent de l’écriture

Le dernier écart entre les deux textes latins affecte également une référence au présent de l’écriture, mais pose aussi un problème lorsqu’on compare le texte avec la version espagnole. Le texte primitif a la forme suivante : « Hoc, inquam, tam desperaté horret, ut non ita pridem Lovaniensem obsidionem […] solverit343 ». Il devient dans la réédition latine : « Hoc, inquam, tam desperaté horret, ut Lovaniensem obsidionem […] solverit344 ». La version espagnole donne une troisième version encore : « ha cobrado a esto tanto pavor y miedo, que […] luego al punto levantó el cerco sobre Lobayna345 ».

Le siège de Louvain est levé le 4 juillet 1635 et donc « non ita pridem », c’est-à- dire « il n’y a pas très longtemps » après la rédaction de la première version latine. Par contre, lorsqu’il reprend son texte un an plus tard, l’événement est nécessairement moins récent et Claude Clément a pu souhaiter éliminer cette expression qui, comme dans une lettre, met le texte en lien avec le présent de l’écriture et présuppose un faible décalage entre le temps de l’écriture et celui de la lecture. Ce serait donc là une façon de limiter le caractère épistolaire de l’œuvre.

Toutefois, en espagnol, Claude Clément ajoute une autre expression temporelle au même endroit. Le fait-il pour compenser la suppression de « non ita pridem », sachant que l’expression en espagnol n’en est pas une traduction stricte ? Il utilise à cinq reprises

343 D. C. P., fol. 55 v°. 344 M. J., p. 125. 345 E. M. D., p. 168.

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dans l’œuvre l’expression « luego al punto ». Dans trois cas346, elle traduit l’adverbe illico et dans un cas347, l’adverbe extemplo, deux mots qui ont sensiblement la même signification dans ces contextes : « immédiatement, sans délai ». Le cas ci-dessus est donc le seul où Claude Clément emploie « luego al punto » en espagnol sans qu’aucune expression dans la phrase latine ne comporte ce sens « immédiatement » ou « sans délai ». Par conséquent, « luego al punto » ne vient pas traduire la formule « non ita pridem » de la première version latine. Hormis le fait qu’elles aient toutes deux un sens temporel, ces expressions n’ont absolument pas la même signification. En espagnol, Claude Clément ajoute une notion de rapidité, de précipitation à la levée du siège de Louvain, pour servir son argumentation, pour mieux mettre en scène la peur des ennemis face à l’arrivée des renforts. Une expression ne remplace pas l’autre : il y a d’abord une suppression entre les deux versions latines, puis un ajout dans la version espagnole. Claude Clément a, tout au plus, profité de l’espace laissé libre par « non ita pridem » pour