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3 Établissement du texte

3.1 L’édition et la base de données des écarts textuels : méthodologie

La première phase du travail a consisté à retranscrire sous format numérique l’impression A du texte de El Machiavelismo degollado, assortie des corrections des impressions B et C. Nous avons ensuite fait une lecture comparée de ce texte espagnol et des deux textes latins afin d’en identifier les évolutions. Elles ont été intégrées à la transcription sous forme de notes de bas de page. Ces notes ont été analysées, puis les informations collectées, intégrées à une base de données.

3.1.1 Transcription du texte

L’exemplaire qui a servi de base à cette transcription est l’impression A du

Machiavelismo degollado conservé à la BMB, référencé dans la bibliographie.

Il comporte des indications de reliure : en bas de page à droite, l’imprimeur indique le premier mot, ou les premières lettres du premier mot, de la page suivante. On peut observer également des signes de repérage des feuillets. Ces indications techniques n’ont pas été retranscrites. De même la répétition du titre de l’œuvre et du chapitre dans l’en- tête de chaque page a été supprimée.

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Concernant les graphies, nous avons constaté que les alternances u, v et b ne suivent pas de régularité précise : elles ont donc été modernisées en reprenant la graphie du Diccionario de la Real Academia1. Les s longs : « ∫ », ont été remplacés par des s courts. L’espacement entre les mots est très irrégulier ; certaines espaces ont donc été ajoutées là où le typographe les avait supprimées par manque de place dans la ligne. De même, les normes espagnoles actuelles ont été appliquées concernant la distribution des espaces autour des points, des virgules et des points-virgules.

Une police avec empattement a été choisie afin de différencier les abréviations « l. » et les chiffres romains « I. » avec une taille 12 pour le texte courant et 10 pour les notes marginales insérées dans le texte. Probablement pour des raisons esthétiques les pages du paratexte présentent une grande variété de tailles de police ; ces variations ont été réduites. Le typographe a souvent recours à des abréviations pour gagner de l’espace. Le plus souvent, un tilde vient remplacer les lettres m ou n. Les lettres « ue » dans « que » sont quelquefois rendues par un tilde également, « q̃ », ou par un point-virgule : « q; ». Cette dernière abréviation concerne plutôt les phrases en latin. Exceptionnellement le digramme « ss » est remplacé par « β ». Ces abréviations ont toutes été développées. Le texte est intégralement en gras et les lettres restituées par résolution des abréviations sont indiquées en maigre, selon les recommandations de l’École des Chartes.

Suivant les mêmes recommandations, les notes marginales ont été intégrées dans le corps du texte entre traits obliques en respectant le choix des caractères du texte original : dans la plupart des cas, en italique pour les titres de paragraphe et en romain pour les notes. Elles ont été intégrées dans la ligne en face de laquelle elles apparaissent dans le texte original imprimé. En l’absence d’appel de note, seule la hauteur à laquelle ces notes apparaissent en marge permet de savoir à quelle phrase elles se rapportent. Dans la transcription, ces notes marginales sont en police 10.

La pagination de l’édition de 1637 a été conservée afin de garder une unité avec les études antérieures. Dans le texte original, la page 70 est numérotée 72, mais la pagination reprend ensuite son cours normal : 71 puis 72, 73, etc. N’ayant pas d’incidence sur la numérotation des pages suivantes, cette erreur a été corrigée. En revanche, deux pages consécutives portent le même numéro 167 sans que les suivantes ne reviennent à la pagination normale. Elles forment donc la suite : 165, 166, 167, 167, 168, 169, etc. Cette erreur a donc une incidence sur toute la numérotation : corriger l’erreur obligerait à décaler toute la pagination suivante. Pour l’éviter, nous avons choisi de numéroter

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« 167a » la première et « 167b » la seconde et de les transcrire toutes les deux sur l’unique page 167 de la transcription numérique. Cette contrainte nous a obligé à réduire exceptionnellement la police à 11 pour le corps du texte et à 9 pour les indications marginales. Les douze premières pages du paratexte, non numérotées dans l’édition originale, ont été numérotées en chiffres romains dans cette édition.

En dehors des cas précisés ci-dessus, le texte présenté dans le volume II de ce travail respecte la forme de l’original imprimé par Antonio Vazquez.

3.1.2 Notes éditoriales

La méthode a d’abord consisté à lire en parallèle les trois versions de l’œuvre, à repérer tous les écarts observables et à les intégrer dans la transcription numérique sous forme de notes de bas de page. Entre la première et la seconde version latine, la totalité des écarts a été répertoriée, à l’exception des variations d’espacement, des différences d’accentuation, d’orthographe des noms propres et d’abréviations.

Entre les versions latines et la version espagnole, les perturbations inhérentes au changement de langue rendent les écarts de ponctuation peu pertinents, surtout lorsque la phrase est remaniée dans la langue de destination. Ne sont donc répertoriés que ceux qui relèvent d’une modification intentionnelle dans des phrases à la structure proche. Dans cet espace, nous avons également repéré tous les écarts de traduction lorsqu’ils affectent le sens du texte en castillan. Ponctuellement, le texte latin peut être cité en note afin de lever une ambiguïté dans la formulation espagnole.

Par défaut, lorsqu’un écart se présente, le passage en latin est cité en note tel qu’il apparaît dans Machiavellismus jugulatus, puisqu’il s’agit de la version finale de l’œuvre dans cette langue. Le même passage dans la première version latine ne sera cité que s’il fait apparaître des différences pertinentes avec celui de la seconde. Même si cette chronologie doit être nuancée, nous avons défini les écarts en considérant, par hypothèse, que la Dissertatio Christiano-Politica précède le Machiavellismus jugulatus, ce qui est une évidence, mais aussi que Machiavellismus jugulatus « précède » El Machiavelismo

degollado. Lorsqu’un changement est défini, par exemple, comme une « simplification »,

il faut comprendre qu’une partie du sens de la version considérée comme « précédente » est supprimé dans la version considérée comme « suivante ».

92 3.1.3 Base de données

À partir de ces notes éditoriales, une base de sonnées a été créée qui comporte deux tables. La première identifie le lieu de l’écart. La table recense 211 lieux alors que l’œuvre ne comporte que 188 pages car les pages de titre ou du sommaire, ainsi que la dernière page du colophon ont été répertoriées également. Comme il était souhaitable de pouvoir aussi faire apparaître les démarcations entre chapitres, les pages où figure le passage de l’un à l’autre sont répertoriées sous deux codes de lieu différents. Le premier identifie la partie de la page correspondant au chapitre précédent et le second, la partie de la page correspondant au chapitre suivant. Il y a donc nécessairement plus de lieux que de pages numérotées dans la version originale imprimée. Pour chaque enregistrement, trois champs sont renseignés : le code du lieu, le chapitre et la page dans l’œuvre.

La seconde table identifie le type d’écart. Elle est reliée à la table des lieux par une liaison de un à plusieurs : un lieu unique pouvant comporter plusieurs écarts distincts. Elle comporte 15 champs : la page de la version espagnole dans laquelle se trouve l’écart occupe le premier champ afin de pouvoir les classer dans leur ordre d’apparition. Les deux champs suivants intègrent les codes : le code de l’écart et le code du lieu. Les trois suivants identifient l’écart : d’abord l’espace textuel où il se trouve, avec une liste à choix multiple permettant d’indiquer s’il se situe ente la première et la seconde version latine, entre la seconde version latine et la version espagnole, entre la première version latine et la version espagnole, etc. Il est possible de choisir également entre les trois impressions de la version espagnole. Ensuite un champ permet, avec le même type de liste, de choisir entre différents types d’écarts : ajout, suppression, déplacement, écart de traduction, modification de texte ou modification non-textuelle. Enfin, un champ permet d’identifier, avec le même genre de liste, le champ d’application de l’écart, s’il s’agit d’une modification affectant la ponctuation, les majuscules, l’orthographe, les formes d’impression – la suppression de l’italique, par exemple –, un mot de liaison, un adjectif, un nom propre, un nom commun, un verbe, une proposition, une phrase, un paragraphe court, un paragraphe long, plusieurs pages ou une note marginale. Deux catégories supplémentaires ont été ajoutées : les modifications d’un élément explicatif et de la force argumentative.

Avec ces deux catégories, qui ne semblent pas respecter la logique initiale, nous avons souhaité adapter légèrement la base de données aux questions que l’on serait amené à lui poser. Lorsque le texte latin utilise l’expression « magna pietas2 » et qu’elle devient

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en espagnol : « piedad fina y verdadera3 », on peut y voir un ajout d’adjectif. Or, aucun des deux termes espagnols « fina » et « verdadera » ne rend véritablement le sens de « magna » en latin ; cet écart serait donc plutôt une modification portant sur un adjectif. Néanmoins, cette catégorisation ne permet pas d’intégrer dans la base le fait que cette modification soit une explicitation, une façon de préciser en espagnol une notion plus vague en latin. Étant donné que ce genre de modifications est assez courant, une catégorie propre leur est affectée : l’ajout d’un élément explicatif.

La démarche est similaire concernant la force argumentative : les catégories initiales ne permettaient pas d’identifier clairement un phénomène assez courant, comme lorsqu’un simple « Candidate4 » devient en espagnol « Pretendiente Ilustre5 ». Une approche purement linguistique y verrait un ajout d’adjectif mais les cas sont nombreux où, comme ici, le traducteur ajoute des adjectifs augmentatifs ou des exclamations, voire des superlatifs ; toutes sortes de modifications techniquement différentes mais que nous avons souhaité étudier comme un ensemble. C’est pourquoi nous avons créé a posteriori cette catégorie particulière des écarts touchant à la force argumentative.

Les sept champs suivants identifient le texte affecté par l’écart : le premier champ enregistre le texte tel qu’il apparaît dans la première édition latine, le deuxième précise le folio ; le troisième indique le texte tel qu’il apparaît dans la seconde édition latine, avec indication de la page dans le quatrième ; les trois champs suivants indiquent le texte tel qu’il apparaît dans chacune des trois impressions A, B et C de la version espagnole. Les champs correspondant aux impressions B et C ne sont renseignés que s’ils prennent une forme différente ; seul le champ correspondant à l’impression A est donc systématiquement renseigné.

Par convention, la case correspondant à ces champs est laissée vide lorsqu’un segment de texte n’apparaît pas dans l’une des versions. Par exemple, lorsqu’une citation en grec de la première version latine est perdue dans la seconde mais réapparaît en espagnol, les cases correspondant à la première version latine et à la version espagnole comportent la citation, mais la case correspondant à la seconde version latine est laissée vide.

Les ajouts longs sont indiqués de la même façon : l’enregistrement correspondant comporte une case vide au niveau du texte de la première version latine et le texte ajouté apparaît – quelquefois abrégé s’il est très long – dans les cases correspondant à la seconde

3 E. M. D., p. 32. 4 M. J., p. 19. 5 E. M. D., p. 26.

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version latine et à la version espagnole. En revanche, lorsque des écarts de texte existent au sein même de cet ajout, ils ne concernent forcément que la seconde version latine et la version espagnole. La case correspondant au texte de la première version latine ainsi que celle indiquant le folio sont alors barrées de trois x en capitale : « XXX », l’écart étant sans objet dans cette version-ci.

Dans certains cas enfin, un écart entre les deux versions latines – de ponctuation la plupart du temps – n’a plus de sens une fois la phrase remaniée pour la traduire en espagnol. Dans ces rares cas, nous portons la mention « Sans objet » dans la case correspondant au texte espagnol, mais en indiquant la page.

Ces sept champs de texte sont le cœur de la base de données : ils permettent de lire des segments de l’œuvre en parallèle, avec leur pagination respective, ce qui améliore sensiblement les possibilités d’analyse. Le champ suivant est consacré aux remarques diverses et les deux derniers permettent d’identifier un écart important ou très important, ce qui permet de prioriser la recherche.

3.1.4 Données chiffrées

Ces quinze champs ont été renseignés pour toutes les modifications observables dans l’œuvre, depuis les pages de titre jusqu’aux colophons. Nous avons répertorié 1978 écarts ; cette table comporte donc 1978 enregistrements.

Concernant les espaces où se trouvent les écarts, il existe une nette différence : 505 écarts se situent entre les deux versions latines alors que 1596 se situent entre la seconde version latine et la version espagnole. Il faut préciser qu’un écart peut apparaître sur plusieurs espaces : dans les cas les plus courants, une expression identique dans les deux versions latines est transformée en espagnol ; l’écart se situe donc entre la seconde version latine et la version espagnole mais il se situe aussi, en toute rigueur, entre la première version latine et la version espagnole. Si une forme est modifiée d’une version latine à l’autre mais qu’elle revient à sa forme initiale en espagnol, l’écart se situe entre la première et la seconde version latine, mais aussi entre la seconde version latine et la version espagnole.

Les types d’écart les plus représentés sont les ajouts, avec 733 cas, les suppressions, avec 498 cas, et les écarts de traduction avec 455 cas. Cette dernière catégorie relève une fois encore d’un besoin spécifique : certaines modifications difficiles à catégoriser avaient le point commun d’être toutes des figures de traduction – en majorité des explicitations – et comme nous avions pour objectif d’étudier précisément le passage du

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latin à l’espagnol, nous avons fait le choix de leur attribuer une catégorie propre. On compte également 200 réécritures parmi lesquelles 160 modifications de mots et 40 modifications de ponctuation ou de formes d’impression. On dénombre enfin 15 cas de déplacements de contenu. Dans ce champ également, plusieurs choix peuvent être faits pour le même enregistrement. Par exemple, si un mot disparaît entre les deux versions latines pour réapparaître en espagnol, le phénomène est considéré comme un écart unique composé d’une suppression suivie d’un ajout.

Les écarts affectent majoritairement la forme, dont la ponctuation, avec 402 cas qui ne constituent pas des modifications très lourdes ni très riches d’enseignement. Les modifications portant sur les majuscules sont au nombre de 165 ; elles sont majoritairement dues à des erreurs et n’affectent généralement pas le sens du texte. On compte enfin 92 modifications d’orthographe. Les écarts de forme les plus intéressants sont ceux qui affectent les formes d’impression et particulièrement l’italique qui a un rôle capital pour délimiter et identifier les citations ; il en existe 52.

Concernant le fond, les modifications les plus nombreuses sont celles qui touchent les propositions, entendues comme unités syntaxiques, avec 326 cas. Des éléments explicatifs sont modifiés dans 268 cas ; ils seront largement utilisés pour analyser le travail d’explicitation dans la version en langue vulgaire. On compte également 139 cas de modification de la force argumentative, tous situés entre les textes latins et la version espagnole.

On dénombre encore 125 modifications de nom commun, 92 transformations de phrases complètes, 81 changements d’adjectifs, 54 de verbes, 49 de mots de liaison, 46 de noms propres. Il existe 49 modifications sur les notes ainsi que sur les titres de paragraphes en marge. Les écarts de grande taille sont évidemment les plus rares mais aussi les plus intéressants : dans 18 cas un paragraphe court est modifié ; dans 14 cas, c’est un paragraphe long et dans six cas, ce sont plusieurs pages. Sont considérés comme paragraphes courts les passages de plusieurs phrases occupant moins de 10 lignes et comme paragraphes longs, les passages de plus de 10 lignes.