• Aucun résultat trouvé

2 Autour de l’œuvre : genèse et postérité

2.3 Claude Clément et la critique : un état de la question

Cet état de la question présente un panorama des études relatives au texte de Claude Clément. Seuls les travaux d’envergure consacrés spécifiquement à ce texte ont été étudiés. Ils dressent un tableau de la réception de l’œuvre, organisé selon un ordre chronologique.

2.3.1 Fray Gaspar de Arteaga, 1747

Le catalogue de la BNE associe Claude Clément à un recueil de textes manuscrit intitulé : « Maquiavelo ajustado con ejecuciones de los Religiosos de la Compañía, que le sacaron a luz con título de Degollado: remitido a el Rey Catholico Nuestro Señor, Supplicando, à S. M. sea servido oyr bien este Cuaderno, para lo mucho, que importa à el Vien universal de la Yglesia, y Conserbacion de su Monarquía, en lo espiritual, y temporal ». Il est toutefois référencé sous le titre générique de Papeles curiosos M. S., t. XVIII80.

L’introduction, qui court des folios 1 r° à 5 r°, est signée du nom de Gaspar de Arteaga et comporte un sous-titre : « Resistencia catholica contra impias y publicas ejecuciones, ejecutadas contra la Yglesia, y el Rey, por los Religiosos de la Compañía en Paraguay, cuya Provincia tienen reducida con sus armas, y publicas persuasiones a descomulgados, y condenados herrores, con que ban inficionando las Provincias circumbecinas ». Il s’agit d’une dénonciation de crimes qui auraient été commis ou ourdis par les jésuites au Paraguay dans les années 1747-1749. La référence précise à Claude Clément est faite au début du document suivant, à partir du fol. 5 v°, qui porte le titre de « Doctrina del Hereje Maquiabelo. Sacada à luz por los Religiosos de la Compañia, cuyas ejecuciones en el Paraguay, son muy parecidas á esta mala Doctrina, como se verá probado por mayor, y menor, ajustando punto con ejecucion81 ».

Comme le suggère le titre, il s’agit d’un manifeste contre la Compagnie, reprenant les codes du Machiavelismo degollado pour tenter de démontrer que les jésuites sont eux- mêmes les pires machiavéliens, accusés de crimes et de sacrilèges au Paraguay et à Panama. Son auteur connaît assez bien l’œuvre de Claude Clément et commence sa diatribe par : « Dice el Pe Claudio Clemente, religioso de la Compañia, natural de Ornans

80 BNE Recoletos, cote MSS/10903. Le document intitulé « Tizon de España », souvent référencé dans les

bibliographies, commence au fol. 120 r°.

64

en el Condado de Borgoña, en el libro que sacó á luz con título del Maquiabelissimo [sic] degollado, sin licencia, ni aprobación, en que pone la doctrina del Hereje Maquiabelo82 ». Cet auteur a eu accès à l’œuvre, déclare l’avoir lue et en fait des citations précises, comme dans la phrase : « Dice Maquiavelo. Que los Antiguos Agravios, no se pueden borrar con nuebos, y crecidos veneficios; que no ay, que fiar de nadie, aunque sea del Amigo mas del Alma83 », qui reprend assez exactement l’un des conseils de Machiavel mentionnés par Claude Clément « De quanta prudencia es conocer, que los antiguos agravios no se pueden borrar con nuevos y crecidos beneficios; que no ai que fiar de nadie, aunque sea del amigo mas del alma84 ».

Cet auteur a bien compris la méthode utilisée par le jésuite d’Ornans pour attaquer Machiavel :

los quales á el mismo tiempo, que han destruydo lo divino, y sagrado de la Yglesia, se balen, y sirven de los fueros, y Privilegios eclesiasticos, con un supuesto Conserbador para las venganzas del Castigo de sus Delitos, á lo de Maquiabelo, que dice; que para la conserbacion de estado, se balgan, y sirban (si les conviniere) de las cosas humanas, y divinas85.

On peut comparer cet extrait à certaines lignes de Claude Clément, telle : « Valense de la Religion, como les viene mejor a sus intentos86 » ou encore « en la materia de Estado todo aquello sea licito, que fuere para este punto conveniente, á quien han de servir no solamente las cosas humanas, sino tambien las divinas87 ».

On trouve encore un bel exemple de remploi dans la phrase : « Pues si los Godos con el engaño de Balente, quedaron tan inficionados, y perdidos; estos Yndios, que son mas incapaces, como estarán oy88? », qui fait une référence évidente à « Valente Emperador Arriano envió à uno de sus Capitanes por nombre Trajano, y de Religion Catholico contra los Godos con buen exercito89 ». Cet auteur puise, dans le texte de Claude Clément, des exemples ou des arguments qu’il retourne pour attaquer les jésuites. Il s’agit donc avant tout d’un pamphlet contre la Compagnie et non, contrairement à ce que son titre peut laisser penser, d’une réfutation sérieuse et construite des thèses du

Machiavelismo degollado.

82 Papeles curiosos, M. S., t. XVIII, BNE Recoletos, cote MSS/10903, fol. 5 v°-6 r°. 83 Ibid., fol. 34 r°

84 E. M. D., p. 27.

85 Papeles curiosos, op. cit., fol. 21v°-22r°. 86 E. M. D., p. 34, titre de paragraphe. 87 Ibid., p. 20.

88 Papeles curiosos, op. cit., fol. 24v°. 89 E. M. D., p. 49.

65 2.3.2 Andrea Sorrentino, 1936

A. Sorrentino, qui se pose en défenseur du prestige de Machiavel, moque immédiatement l’ambition de Claude Clément :

Nessun’ipocrisia maggiore che sfruttare nella pratica un infame codice pseudomachiavellico e coprirsi con la deplorazione di un Machiavelli subdolamente deformato, e – quello che in questo caso risalta di più – bandire al mondo di avere compiuto l’esecuzione capitale del grande pensatore politico90.

Dans un style enflammé, ce commentateur tente de révéler, lui aussi, tout le machiavélisme de la pensée de Claude Clément par un renversement des concepts assez exagéré :

Si tratta del tanto manifatturato sincretismo dei principii controriformisti, esaltanti la felicità dei popoli nel raggiungimento di una costruzione ecclesiastico-politica, in cui reazione religiosa e reazione statale si fondessero e collaborassero, sotto gli auspici dei Gesuiti: sapienza nominalmente cristiana, vigilata dall’Inquisizione e plasmata dal despotismo, con la maschera antimachiavellica91.

Selon A. Sorrentino, le despotisme catholique machiavélique tient sa plus belle expression dans « la più forte costruzione statale dell’epoca, cioè la monarchia spagnuola, fautrice e tutelatrice dell’Inquisizione92 ». Il réutilise, en vérité, des concepts propres à la légende noire anti-espagnole pour les appliquer à la pensée anti-machiavélienne du Siècle d’Or.

Il considère Claude Clément comme l’expression extrême de l’école anti- machiavélienne jésuite, comme le révèle le titre du très court chapitre qui lui est consacré : « L’antimachiavellismo nichilista dei gesuiti spagnuoli, massimo esponente Claudio Clement93 ». Qualifier la pensée de Claude Clément de nihiliste revient à l’envisager uniquement comme une déconstruction alors que celui-ci élabore, à partir du chapitre VI, un modèle politique providentialiste cohérent. Derrière ce parti pris anti-jésuite et anti- espagnol et ces jugements tranchés, apparaît cependant une analyse assez pertinente de la pensée de l’auteur sur l’alliance politique fondamentale entre le roi et l’Église.

2.3.3 José Antonio Maravall, 1944

Cet auteur inclut El Machiavelismo degollado dans la liste des 61 œuvres de philosophie politique du XVIIe siècle qu’il étudie. Il situe correctement la publication de la version espagnole en 1637, mais reproduit l’erreur de dater la première édition latine

90 SORRENTINO, Andrea, Storia dell’antimachiavellismo europeo, Naples, Luigi Loffredo, 1936, p. 133. 91 Ibid., p. 132-133.

92 Ibid., p. 133. 93 Ibid., p. 132.

66

en 162894. Les mentions de l’œuvre sont toutefois assez rares. Claude Clément est cité pour sa façon de donner en exemple un roi idéalisé :

Parfois l’on ne se borne pas à une seule figure, mais on exalte toute une dynastie nationale, comme dans la Couronne gothique de Saavedra, ou dans la seconde partie du Machiavélisme dévoilé [sic] de Claudio Clemente. Ce genre d’œuvre suppose que l’auteur croit en l’efficacité de trois facteurs psychologiques :

1° la contagion de la vertu grâce à l’admiration portée à de grands héros ;

2° la démonstration du fait qu’il est possible d’être un gouvernant vertueux du moment que d’autres princes l’ont bien été ;

3° le souci d’égaler la gloire que ces personnages du passé ont acquise par leur bonne conduite.

La gloire est en effet le grand moteur de l’homme de la renaissance, et pousse encore de toute sa force l’homme de la contre-Réforme95.

Outre l’erreur dans le titre qui est peut-être le fait du traducteur, cette analyse doit être nuancée. Même si la deuxième idée est tout à fait pertinente, la troisième – la notion d’exemplarité morale – n’est pas véritablement abordée par Claude Clément, qui rédige la biographie des grands rois espagnols surtout pour montrer comment leurs actions en faveur de l’Église leur ont été bénéfiques, financièrement et politiquement :

A esta tu divina piedad, ó Emperador, y á esta tu promta aficion para con la Fé Catholica, casi estoy por llamarla beneficio con redes, y con liga, para traer con la dadiva juntamente su satisfacion; al modo que suele aber algunas dadivas, y beneficios, en que el que los haze, grangea; y el que los recibe, pierde96.

La notion de « contagion de la vertu », et plus généralement l’exemplarité morale, ne sont pas des notions essentielles chez le jésuite franc-comtois, qui se place dans une perspective beaucoup plus pragmatique.

J. A. Maravall remarque très justement la façon particulière qu’a Claude Clément de traiter les auteurs classiques et surtout sa manière d’intégrer dans le camp des disciples de Machiavel tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont pu critiquer la primauté du religieux sur le politique : « C. Clemente va même jusqu’à inclure Sénèque dans la liste des maîtres exécrés de la Raison d’État et des « politiques » à côté de Tacite et de César, de Machiavel, de La Noue et de Jean Bodin97 ». Il remarque très justement qu’il fait le même procès à Tacite : « Claudio Clemente le cite [Tacite] comme un des plus célèbres

94 MARAVALL, José Antonio, La philosophie politique espagnole au XVIIe siècle dans ses rapports avec

l’esprit de la Contre-Réforme, Paris, Vrin, 1955, p. 20 [La teoría española del Estado en el siglo XVII, Madrid, 1944].

95 Ibid., p. 36-37. 96 E. M. D., p. 74.

67

oracles de ce péché qu’est la fausse et nuisible raison d’État98 ». À ce sujet précisément, J. A. Maravall affirme que :

La raison d’État n’est pas autre chose que la transcription sur le plan politique de la raison naturelle non illuminée par la grâce. Et devant elle, nous trouvons aux premières places ceux, qui, ne pouvant concevoir cette disjonction machiavélique, se défient de l’État et, s’accrochant à la tradition, luttent contre la nouvelle entité politique due à la raison égarée […] en s’enfermant dans un pessimisme passif99.

Cette notion de « pessimisme passif » est déconcertante, car l’attitude de Claude Clément n’a rien de pessimiste ni surtout de passive. Au contraire, il s’oppose à tous ceux qui souhaitent faire valoir la raison d’État au détriment de la défense de la foi catholique romaine, dans un appel à l’action concrète et à la guerre :

Guerreara pues V. Magestad, ó Excelentissimo Principe seguro con el favor del cielo, y sujetara el yugo de su Republica, las erguidas cervices de gentes barbaras y ferocissimas; mas ninguna será tan inclyta vitoria, como el aber destrozado y arruinado á los enemigos de la Iglesia, abiendose procurado por tantos siglos su seguridad y firmeza100.

J. A. Maravall résume la portée de l’œuvre de Claude Clément avec pertinence mais essaie de l’intégrer dans une école, comme si celui-ci devait nécessairement reprendre une pensée plus ancienne :

Des livres entiers ont été écrits à ce sujet. Claudio Clemente attaque Machiavel pour prouver la nécessité pour les Princes de ne pas s’écarter de la religion, afin de mériter les biens politiques qui s’en ensuivent, en complète harmonie avec le bien de la religion. L’objet de son œuvre est, nous déclare l’auteur, « de rapporter comment l’extension de l’Église catholique et de l’Espagne a été provoquée par les services et secours que l’une et l’autre se sont mutuellement accordés en vue de leur développement101.

C’est d’ailleurs un point sur lequel insiste un commentateur du texte de J. A. Maravall :

Lo que el siglo XVI creó como obra personal polémicamente proclamada aparece en estos dioses menores del siglo XVII como convicciones comunes que repite con frase desmañada cualquier escritor a quien nos guardaríamos mucho de llamar clásico. Pero esta continuidad casi anónima de un pensamiento (a excepción de alguna individualidad sobresaliente como Ribadeneyra) supone la sedimentación de unas creencias en que se perfila la esencia de un pensamiento polémicamente purificado102.

Luís Sánchez Agesta qualifie ces penseurs de « segundones del siglo XVII103 » comme s’il était entendu que ce siècle ne devait faire autre chose que répéter, sans grand talent, les concepts du précédent. Cette posture nie a priori tout intérêt à des écrits comme

98 Ibid., p. 299. 99 Ibid., p. 297.

100 E. M. D., p. 184-185.

101 MARAVALL, José Antonio, La philosophie politique espagnole…, op. cit., p. 305.

102 SÁNCHEZ AGESTA, Luís, « Teoría Política del Estado en el Siglo XVIII [sic], por J. A. Maravall », Revista de Estudios Políticos 9/18 (1944), p. 723.

68

El Machiavelismo degollado au prétexte qu’ils s’intègrent dans la pensée de la Contre-

Réforme.

Claude Clément est placé dans la catégorie des auteurs qui exposent « le bonheur des Rois qui se maintiennent dans la foi et même s’employèrent à la défendre, et, en contrepartie, le malheur de ceux qui se détournèrent de l’enseignement divin104 ». Cette analyse est parfaitement juste, mais elle n’envisage qu’une partie de l’œuvre, sans prendre en compte le pragmatisme de son auteur qui met au premier plan la défense de la foi par la guerre et la conquête territoriale. La foi du prince compte, évidemment, mais ce sont aussi ses actes, voire, très prosaïquement, ses dépenses militaires, qui lui attachent la grâce de Dieu :

que se hubiessen gastado en la guerra de Holanda desde el principio de su rebelion […] hasta el año de 1616. ciento y ochenta millones de oro […] si tienen ojos veran con facilidad quantas tierras, y Señorios se le aumentaron en el Reyno de Philipo por pelear las batallas del Señor105.

Claude Clément ferait plutôt partie d’une autre catégorie de penseurs qui brandissent : « l’argument pratique de la réussite de ceux qui ont observé la loi de Dieu et combattu pour lui106 ».

2.3.4 Gonzalo Fernández de la Mora, 1949

Avec méthode, Claude Clément commence son exposé par une définition du mot

político107. Cette définition permet à G. Fernández de la Mora de conclure : « Político es el teórico del Estado, cuyo credo fundamental está constituído por esta doble tesis: el interés de la república justifica cualquier medio, injusto o impío108 » ; c’est, en somme, celui qui manie la raison d’État. Cet auteur commente les listes de penseurs políticos que dressent Pedro de Ribadeneyra et Claude Clément en portant ce jugement :

En ella[s] se mezclan clásicos y modernos, lo que es incompatible con la modernidad del término Políticos, y se confunden hombres de Estado con pensadores políticos, falta de rigor sólo disculpable si se ha incurrido en ella tentado por la vanidad de una copiosa erudición109.

Ce procès méthodologique envisage comme une vanité érudite des listes qui sont, probablement, l’un des fondements de la pensée de P. de Ribadeneyra et de Claude Clément : l’identification, en apparence absurde, de Machiavel à La Noue, Bodin,

104 MARAVALL, José Antonio, La philosophie politique espagnole…, op. cit., p. 305. 105 E. M. D., p. 105-106.

106 MARAVALL, José Antonio, La philosophie politique espagnole…, op. cit., p. 305. 107 Voir E. M. D., p. 3.

108 FERNÁNDEZ DE LA MORA, Gonzalo, « Maquiavelo, visto por los tratadistas políticos españoles de

la Contrarreforma », ARBOR 13/43-44 (1949), p. 425.

69

Sénèque ou Jules César constitue, pour ces deux jésuites, une véritable stratégie. Ils cherchent à dépasser les anachronismes apparents pour montrer comment s’articulent, autour de la figure emblématique du Florentin, des pensées qui n’ont de commun que de chercher à imposer la pragmatique et la rationalité humaines dans l’exercice du pouvoir. G. Fernández de la Mora exploite la pseudo-cérémonie des Políticos du chapitre II comme un réservoir de thèses machiavéliennes vues par les tratadistas du Siècle d’Or. Il en cite la page 26 où Claude Clément déclare, selon cet auteur, la « primacía del Secretario florentino110 » sur tous les autres Políticos. Il cite également le début du serment dans lequel ceux-ci revendiquent la primauté du politique sur le religieux : « El reverenciar a Dios, el guardar su ley y Religion […] ha de ser a la medida que le estuviere bien a la defensa, ó aumentos del estado Politico111 », ainsi que le conseil de défiance envers les amis : « no ai que fiar de nadie, aunque sea del amigo mas del alma112 ». Toutes choses qui révèlent, selon cet auteur, la façon dont les tratadistas considéraient Machiavel : un homme qui place l’action politique hors de tout cadre moral et se fait le chantre de la guerre : « Maquiavelo no pensó que la diplomacia fuese pretensión de paz, sino, constitutivamente, lucha113 ». Il cite encore E. M. D., page 27, pour appuyer cette idée :

La aplicación de los postulados fundamentales de Machiavelo a una concepcion bélica de la diplomacia conducía a la tesis de que « el derecho y justicia de la guerra se ha de medir con sola la voluntad del Principe ». Frente a este dictamen que consagra formalmente la anarquía internacional, los tratadistas políticos españoles […] reelaboraron toda una teoría de la guerra justa y del respeto a los tratados114.

Selon cet auteur, les anti-machiavéliens auraient une vision morale des relations internationales et défendraient une forme de pacifisme contre la « concepción tiránica del gobierno y una concepción bélica de la diplomacia115 ». Claude Clément, quant à lui, ne formule aucune critique à l’encontre de la guerre, ni même de la guerre de conquête, dès lors qu’elle est justifiée par l’extension de la foi catholique. Il en est au contraire un fervent défenseur, par tous les moyens et contre tous les ennemis de l’Espagne ; c’est la conclusion de son traité116.

G. Fernández de la Mora se sert également des définitions du chapitre I pour remarquer le basculement religieux induit par les écrits des Políticos : « implicaba una

110 Ibid., p. 428.

111 E. M. D., p. 19. Voir FERNÁNDEZ DE LA MORA, Gonzalo, « Maquiavelo… », art. cit., p. 436,

note 45.

112 E. M. D., p. 27. Voir FERNÁNDEZ DE LA MORA, Gonzalo, « Maquiavelo… », art. cit., p. 439. 113 Ibid., p. 443.

114 Ibid., p. 442. 115 Ibid., p. 444.

70

deificación del Estado o, como escribía Clemente, una « Politiolatría117 ». Un néologisme qui, avec un autre : « Atheopoliticos118 », a participé à la postérité de l’œuvre mais n’en reflète pas la complexité. Une fois encore, cet auteur semble n’avoir exploité que les deux premiers chapitres de l’œuvre de Claude Clément, probablement les plus originaux, mais qui ne sont jamais que les prémisses de son raisonnement.

2.3.5 Étienne Thuau, 1966

Dans son essai sur la raison d’État, É. Thuau ménage une catégorie propre aux penseurs jésuites dans le chapitre II sur « L’accueil à Tacite et à Machiavel ». Il y évoque Léonard Lessius, Adam Contzen, Juan Márquez, Robert Bellarmin et Giovanni Stephano Menochio. Toutefois, c’est chez Claude Clément qu’il tire, en fin de raisonnement, la plus longue citation. Il s’agit d’un passage du début du Machiavellismus Jugulatus, de près d’une demi-page « Ego de Politicorum secta cogitans […] ex usu vitæ et regnandi est119 », au cours duquel Claude Clément attribue leur nom aux Políticos. É. Thuau donne en note quelques indications biographiques provenant, probablement, de la Bibliothèque des

écrivains de la compagnie de Jésus d’A. de Baker et Ch. Sommervogel.

Il ne cite que les toutes premières pages de l’œuvre mais il en a parfaitement compris la problématique : « C. Clément condamne la secte des Politiques parce qu’elle ne s’intéresse qu’au maintien et à l’agrandissement de l’État, et fait de la religion un simple moyen pour atteindre ce but120 ». Il situe la pensée de Claude Clément plus globalement dans le courant d’une pensée dévote qui s’oppose à la toute-puissance de l’État civil en le soumettant à l’autorité morale supérieure de l’Église. Plus largement,