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La suppression de la distinction entre aides directes et aides indirectes

Dans le document RAPPORT SÉNAT N° 31 (Page 50-55)

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES LOIS : FACILITER L’EXERCICE DES RESPONSABILITÉS LOCALES

5. La suppression de la distinction entre aides directes et aides indirectes

Le dispositif proposé par le projet de loi

● Le quatrième paragraphe (IV) a pour objet de réécrire l’article L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales afin, d’une part, de conforter le rôle de chef de file de la région en matière de développement économique, d’autre part, de supprimer la distinction entre les aides directes et les aides indirectes aux entreprises.

Dans sa rédaction actuelle, issue de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, l’article L. 1511-2 dispose :

- que les aides directes revêtent la forme de subventions, de bonifications d’intérêt ou de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations ;

- qu’elles sont attribuées par la région et que leur régime est déterminé par délibération du conseil régional ;

- que les départements, les communes ou leurs groupements peuvent participer au financement de ces aides directes dans le cadre d’une convention passée avec la région.

Le rôle de chef de file de la région se limite donc aux aides directes.

En application de l’article L. 1511-3, les aides indirectes sont librement octroyées par les autres collectivités territoriales ou leurs groupements, sous réserve de respecter les dispositions nationales régissant certaines d’entre elles ainsi que le droit communautaire de la concurrence.

La rédaction proposée est ambiguë. Elle semble avoir pour conséquence :

- de donner compétence au conseil régional pour définir le régime et décider de l’octroi de l’ensemble des aides au développement économique, à l’exception des aides à l’immobilier et des commissions dues sur les garanties d’emprunt, visées à l’article L. 1511-3, et des aides versées dans le cadre de convention avec l’Etat, visées à l’article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales ;

- de supprimer la distinction entre aides directes et aides indirectes, en imposant que les aides décidées par le conseil régional revêtent la forme de subventions, de bonifications d’intérêt ou de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations.

Comme le prévoit déjà l’article L. 1511-2, les départements, les communes et leurs groupements ne pourraient participer au financement de ces aides que dans le cadre d’une convention passée avec la région.

Les départements, les communes et les groupements de collectivités territoriales conserveraient ainsi la faculté d’intervenir en complément de la région sous réserve, en premier lieu, que cette dernière ait préalablement défini les conditions de sa propre intervention, en second lieu, qu’elle accepte de signer une convention précisant les conditions de leur participation au financement du régime mis en place au niveau régional.

Une circulaire du 16 janvier 2003, émanant du ministère de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, explicite ces dispositions :

« L’intervention du département ou de la commune doit donc respecter les conditions générales d’intervention fixées par la région dans sa délibération.

« Ainsi, dans le cadre d’un régime d’aide régional qui s’adresse d’une manière générale à l’ensemble des entreprises, la convention peut prévoir que le département pour des raisons juridiques ou économiques n’interviendra qu’en faveur de certaines d’entre elles.

« S’agissant de la participation financière de ces collectivités à la mise en œuvre des aides régionales, en l’absence d’indication précise dans les débats parlementaires sur ce point, il apparaît nécessaire que d’une manière globale, sur l’ensemble du régime, la région prévoie en tout état de cause l’inscription de crédits.

« Dans le cas contraire, les autres collectivités (départements, communes et groupements) ne « participeraient pas au financement » des aides régionales au sens de la loi et apparaîtraient comme finançant seules ces dispositifs, ce qui serait alors illégal.

« Si la loi organise une possibilité de cofinancement des aides directes définies au niveau régional, en revanche, elle ne précise pas le taux de financement que doit apporter chacune des collectivités locales. Celui-ci sera donc librement défini par la convention.

« Par ailleurs, le cofinancement peut indifféremment s’apprécier projet par projet ou de façon plus globale, au niveau du régime d’aide défini par la région. Dans ce dernier cas, la participation financière de la région n’est pas nécessaire pour chacune des aides individuelles accordées dans le cadre du régime qu’elle a défini.

« Ainsi, la convention peut prévoir que certaines entreprises seront aidées par la région et d’autres par le département. Ce partage peut s’effectuer notamment selon le secteur d’activité concerné, le montant du projet, la taille des entreprises, ou la zone géographique visée... »

● Le cinquième paragraphe (V) a pour objet de modifier l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales afin, d’une part, de déterminer les types d’aides que les collectivités territoriales et leurs groupements, en particulier les départements et les communes, peuvent attribuer seuls ou conjointement, d’autre part, de prévoir que ces aides devraient « tenir compte » des orientations du schéma régional de développement économique élaboré par le conseil régional.

Le régime des aides à l’immobilier serait rénové ; celui de la prise en charge des commissions dues par les bénéficiaires de garanties d’emprunt accordées par les établissements de crédits resterait inchangé ; enfin, dans la logique de la suppression de la distinction entre aides directes et aides indirectes, la disposition selon laquelle les autres aides indirectes sont libres serait supprimée, d’autant que cette liberté n’était qu’apparente en raison du droit communautaire.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 1511-3 dispose que la vente ou la location de bâtiments par les collectivités territoriales ou leurs groupements doit se faire aux conditions du marché. Il prévoit cependant qu’il peut être consenti des rabais sur ces conditions ainsi que des abattements sur les charges de rénovation de bâtiments industriels anciens suivant des règles de plafond et de zone prévues par décret en Conseil d’Etat.

Sur le fondement de ces dispositions trois types de rabais peuvent être accordés par les collectivités locales sur le prix de vente et de location des bâtiments :

- les rabais consentis sur le prix de rénovation des bâtiments industriels existants ;

- les rabais consentis sur le prix de vente et de location des bâtiments dans les zones éligibles à la prime d’aménagement du territoire pour les projets industriels ;

- les rabais consentis sur le prix de vente et de location des bâtiments dans les zones éligibles à la prime d’aménagement du territoire pour les projets tertiaires.

Le deuxième alinéa de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales dispose que les commissions dues par les bénéficiaires de garanties d’emprunt accordées par les établissements de crédit peuvent être prises en charge, totalement ou partiellement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Cette aide ne peut pas être cumulée, pour un même emprunt, avec la garantie ou le cautionnement accordé par une collectivité ou un groupement.

Le dernier alinéa de l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que les aides indirectes autres que les aides à l’immobilier d’entreprise et celles concernant la prise en charge des commissions de garanties d’emprunt sont libres.

Ces aides indirectes ne sont pas encadrées par des dispositions réglementaires. Toutefois, la jurisprudence a fixé certaines conditions à respecter pour l’une des aides indirectes « libres » la plus couramment utilisée : la vente ou la location de terrains par les collectivités locales aux entreprises. Dans un arrêt du 3 novembre 1997, « commune de Fougerolles », le Conseil d'Etat a admis la légalité d’une délibération du conseil municipal prévoyant la cession d'un terrain à une entreprise au franc symbolique dans la mesure où l'opération contenait des contreparties suffisantes pour la commune en termes d'intérêt général, et notamment en termes de créations d'emplois. Cette jurisprudence peut être étendue aux dispositifs qui prévoient la location de terrains communaux à une entreprise privée dès lors que sont prévues de réelles contreparties en termes d’intérêt général pour la commune.

Toutefois, ce dispositif présente des risques au regard des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne. En effet, par une décision du 12 juillet 2000, la Commission européenne a considéré qu’une aide accordée par deux collectivités locales à une entreprise sous la forme d’une vente de terrain à un prix inférieur à sa valeur était illégale.

La Commission a estimé que cette mesure constituait une aide à l’investissement en faveur de l’entreprise bénéficiaire, qui conformément aux dispositions de l’article 88-3 du traité CE, aurait du être notifiée et approuvée préalablement à sa mise en œuvre.

La modification proposée par le présent article consiste à encadrer les différentes aides à l’immobilier actuellement consenties par les collectivités territoriales et leurs groupements.

Ces aides pourraient prendre la forme de subventions ou de rabais sur le prix de vente, de location ou de location vente, de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique ou privée. Elles pourraient être versées soit directement à l’entreprise bénéficiaire soit au maître d’ouvrage, ce dernier devant alors en faire bénéficier intégralement l’entreprise. Elles devraient donner lieu à l’établissement d’une convention. Le montant des aides serait calculé par référence aux conditions du marché, suivant des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d’Etat.

L’article L. 1511-4 du code général des collectivités territoriales, aux termes duquel les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent imposer des garanties aux entreprises bénéficiaires d’un aide ainsi qu’à leurs dirigeants, ne serait pas modifié.

La position de la commission des Lois

Le dispositif proposé laisse donc une grande latitude aux collectivités territoriales pour se répartir les tâches en matière de développement économique selon la double exigence de cohérence et de proximité des politiques publiques.

Les départements et les communes devraient ainsi aisément se voir confier par les régions l’attribution des aides aux petites entreprises, au commerce et à l’artisanat. En cas de mésentente, ils auraient la possibilité de verser seuls des aides à l’immobilier aux entreprises, en application du texte proposé pour l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, mais également de faire appel à l’Etat en ayant recours à la procédure de carence prévue par le texte proposé pour l’article L. 1511-5.

Plus préoccupante est la définition limitative des formes d’aides susceptibles d’être décidées par le conseil régional et accordées par l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements.

En effet, les rédactions proposées pour les articles L. 1511-2 et L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales pourraient laisser croire qu’en dehors des aides à l’immobilier et des commissions sur les garanties d’emprunt, les départements et les communes ne pourraient accorder d’autres formes d’aides que celles contrôlées par la région.

Rien n’est non plus indiqué sur l’articulation entre le régime des aides au développement économique et celui des aides en faveur de la protection des intérêts économiques et sociaux de la population, définies au titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie du code général des collectivités territoriales.

Afin de lever ces ambiguïtés, votre commission des Lois vous soumet deux amendements de réécriture du texte proposé par cet article pour les articles L. 1511-2 et L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, afin :

- de préciser que le rôle de chef de file de la région en matière de développement économique porte sur les aides qui revêtent la forme de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations ;

- d’indiquer plus explicitement que les départements, les communes et leurs groupements ne peuvent participer au financement de ces aides qu’à la condition d'avoir passé une convention avec la région ;

- de permettre aux départements, aux communes et à leurs groupements de continuer à accorder seuls ou conjointement, dans le respect du droit communautaire de la concurrence et en tenant compte du schéma régional de développement économique, des aides actuellement qualifiées d’indirectes (conseils de gestion, réalisation d’études, mise à disposition de locaux commerciaux) et des aides aux entreprises en difficulté ou au maintien des services en milieu rural.

Dans le document RAPPORT SÉNAT N° 31 (Page 50-55)