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Chapitre 1. Biopuces à détection optique

2. Supports et activations possibles

2.2. Supports à trois dimensions

Les supports poreux, grâce à leur surface spécifique très élevée (plus de 200% pour les membranes à base de polymère organique et 500% pour les alumines poreuses en comparaison aux supports 2D (Campo et Bruce 2005)), permettent d’atteindre une densité d’immobilisation des sondes très importante, et donc d’améliorer la sensibilité de la détection des cibles. Celle-ci reste toutefois limitée par les contraintes de diffusion des cibles dans le support.

2.2.1. Membranes

Membranes poreuses à base de polymères organiques

Utilisées à l’origine comme support d’immobilisation de biomolécules pour le western blot, les membranes poreuses à base de polymères organiques, telles que la nitrocellulose, ont depuis été adaptées aux tests multiparamétriques et à l’immobilisation de matrices de biomolécules (Huang 2001). Elles sont parfois supportées sur une lame de verre, telles les lames FAST-slides recouvertes de nitrocellulose, ce qui permet de combiner de façon avantageuse un format standard et une très forte capacité d’immobilisation, et peut en améliorer la stabilité (Stillman et Tonkinson 2000). Si l’avantage majeur de ces supports est la forte densité d’immobilisation qu’ils procurent, celle-ci va cependant de pair avec une absorption non spécifique souvent élevée.

De très nombreuses membranes de composition et de porosité variées sont aujourd’hui disponibles commercialement (MilliporeTM (www.millipore.com), Pall Corp. (www.pall.com), Whatman® (www.whatman.com)) : membranes à base de PVDF hydrophobe, de cellulose, de polyéthersulfone, etc. Optimisées pour l’immobilisation d’acides nucléiques et de protéines, celles-ci sont parfois activées en surface afin d’en promouvoir la fixation. Les matériaux les plus couramment utilisées restent cependant les membranes de nitrocellulose et de nylon.

Figure 1-5 Technique “Print-n-Shrink” (extrait de Mandon et al. 2010) (a) Principe de fabrication de la puce à protéines : les biomolécules sont matricées sur la surface sérigraphiée, puis la cuisson du support à 163°C entraîne sa contraction. (b) Allure d’une matrice de plots de 300 pL avant (gauche) et après (droite) cuisson (microscopie à fluorescence).

Tirant avantage de la porosité du support, de nombreux tests par capillarité ont été développés sur membranes (Posthuma-Trumpie et al. 2008). Ils permettent d’élaborer des outils jetables, peu coûteux et simples d’utilisation pour des applications de diagnostic point-of-care (POC). C’est le principe des tests bandelette bien connus, tels que les tests de grossesse qui détectent le niveau de gonadotrophine chorionique humaine dans l’urine. Le principe de tels systèmes est exposé sur l’exemple d’un immunotest sandwich à la Figure 1-6 (Mark et al. 2010). Les flux d’échantillons et de réactifs migrent par capillarité sur la membrane et entrent en contact avec la zone de détection. Celle-ci peut contenir une ligne (Aveyard et al. 2007 ; Dineva et al. 2005 ; Mao, Ma, et al. 2009) ou bien une matrice de biomolécules sondes immobilisées sur le support (Carter et Cary 2007). Ces tests colorimétriques seront détaillés ultérieurement (Cf. 5.2).

Les systèmes de type flow-through ont quant à eux permis d’améliorer la sensibilité des tests sur membrane : l’échantillon est filtré à plusieurs reprises à travers la membrane, dans les deux sens, afin de s’affranchir des limites de diffusion dans les pores et d’augmenter le contact entre sonde et cible (Mocanu et al. 2008). Van Lieshout et al. ont ainsi mis un point un test sandwich en immobilisant une matrice d’anticorps sur un disque de nitrocellulose. L’assemblage flow-through leur permit d’améliorer la sensibilité d’un facteur 10 par rapport à un système sans flux (limite de détection de la protéine C-réactive : 1 pmol.l-1, durée du test : 7 min, volume d’échantillon : 70 µl) (van Lieshout et al. 2009).

Supports poreux inorganiques

Des supports poreux inorganiques ont également été utilisés pour l’immobilisation de biomolécules. L’alumine poreuse nanostructurée s’est avérée particulièrement intéressante (Campo et Bruce 2005) : sa structuration est facile à mettre en œuvre, peu coûteuse, et permet d’obtenir une surface spécifique très élevée tout en ayant une flexibilité sur la taille des pores. De plus, le traitement par oxydation anodique renforce la stabilité mécanique du matériau et surtout de nombreuses chimies d’activation de sa surface sont connues, notamment des méthodes de silanisation. Grasso et al. ont ainsi rapporté l’immobilisation d’ADN sur matrice d’alumine poreuse nanostructurée par une méthode photolithographique (Grasso et al. 2006). Kang et al. l’ont pour leur part utilisée pour l’immobilisation de protéines (Kang et al. 2005).

Figure 1-6 Principe d’un test par capillarité : exemple d’un immunotest sandwich (extrait de Market al. 2010)

(a) Une succession d’éléments poreux permet de faire progresser le liquide (échantillons et/ou

réactifs) par capillarité. Le test se déroule comme suit : (b) l’échantillon liquide est déposé sur le support, sur lequel il est absorbé puis migre par capillarité ; (c) l’antigène cible se lie aux anticorps de détection marqués par des nanoparticules ; (d) les particules liées aux antigènes sont immobilisées sur la ligne de test (résultat positif) et les anticorps non liés sont capturés sur la ligne de contrôle, entraînant l’apparition de deux lignes colorées dans la zone de détection.

2.2.2. Les hydrogels

Plus récemment, une nouvelle classe de matériau à trois dimensions a fait l’objet de nombreuses études : les hydrogels. Un hydrogel est un réseau polymérique à trois dimensions ayant une forte affinité pour l’eau. La polymérisation, qui peut être photo- ou thermo- induite, entraîne la réticulation des chaînes hydrophiles et crée un réseau insoluble dans lequel l’eau peut pénétrer, provoquant le gonflement du gel. On parle d’hydrogel quand le gel est chargé d’eau et de xérogel pour la structure sèche. Hydrophiles, ils plus appropriés pour les applications biologiques que les supports poreux traditionnels, généralement hydrophobes.

Quelques exemples de polymères utilisés pour la synthèse d’hydrogels sont présentés Figure 1-7. L’étendue des compositions chimiques disponibles pour la formation d’un hydrogel et la possibilité d’inclure des copolymères permet d’adapter à façon et de contrôler leurs propriétés mécaniques, structurelles mais aussi de diffusion en fonction de l’application visée. De plus, leur capacité à se charger en eau peut dépendre des facteurs physicochimiques du milieu (Langer et Peppas 2003), par exemple du pH ou de la force ionique (gels de (acide acrylique), poly-(acide méthacrylique), polyacrylamide, de la température (gels de poly-(N-isopropylacrylamide)), ou de la présence d’un composé spécifique. Ces spécificités ont donné lieu au développement de matériaux « intelligents », dont le comportement peut être contrôlé par différents stimuli (Kumar et al. 2007 ; Kopecek 2007).

Du fait de leur forte biocompatibilité, les hydrogels ont tout d’abord trouvé de nombreuses applications en thérapie pour l’ingénierie des tissus, les implants biomédicaux et l’administration ciblée des médicaments (Oh et al. 2008). Leur utilisation a aussi été rapportée dans le domaine des microsystèmes de diagnostic (Peppas et al. 2006 ; Kuckling 2009), par exemple pour l’élaboration de valves microfluidiques contrôlées par des variations de pH (Beebe et al. 2000), ou encore l’immobilisation d’ADN dans une matrice photopolymérisée à l’intérieur de canaux microfluidiques pour le développement d’un biocapteur (Olsen et al. 2002).

Grâce à l’environnement hydraté très favorable qu’ils fournissent, les hydrogels apparaissent en effet comme des candidats très prometteurs pour l’immobilisation de biomolécules. Dans le domaine des biopuces, le matriçage de biomolécules sur des couches préformées d’hydrogel a

fait l’objet de nombreuses études (Kuckling et Pareek 2008). Andersson et al. ont ainsi mis au point une surface d’hydrogel à base de poly-(polyéthylèneglycol méthacrylate) pour l’immobilisation de protéines (Andersson et al. 2009).

Une seconde approche consiste cette fois, non plus à déposer les sondes sur une couche d’hydrogel formée au préalable, mais à déposer une solution mixte contenant la biomolécule et le monomère polymérisable en solution et à polymériser les gouttes directement sur le support. Les biomolécules se greffent de façon covalente sur les chaînes du polymère lors de la réticulation du gel. Parmi les exemples de matrices de plots mixtes hydrogel-biomolécules rapportés dans les dix dernières années, la plupart concernent des gels à base de polyacrylamide déposés sur des supports en verre (Tang et Xiao 2009 ; Rubina et al. 2004 ; Pan et al. 2008). Le groupe de Jorgen Rühe a proposé récemment une approche originale pour l’immobilisation de protéines et d’oligonucléotides dans des plots à base de poly-(diméthylacrylamide) sur support plastique (Neumann et al. 2010). Ces méthodes seront détaillées au paragraphe 4.2.2.