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Chapitre 2. Le génotypage érythrocytaire

1. Le groupage sanguin : enjeux et problématique

1.1. Compatibilité transfusionnelle

1.1.1. Historique et exemple du système ABO

La transfusion sanguine correspond à l’injection par voie intraveineuse d’un concentré de globules rouges. Les sangs du patient et du donneur possèdent des caractères qui leur sont propres et qui sont parfois incompatibles entre eux. De ce fait, la poche à transfuser ne peut être choisie au hasard, au risque d’occasionner une incompatibilité pouvant avoir pour conséquence un accident transfusionnel immédiat ou retardé, parfois très grave, voire fatal.

L’existence de ce phénomène de compatibilité fut mise en évidence en 1901 par Landsteiner (Landsteiner 1901) qui constata que le sang de différents individus sains présentait des caractéristiques différentes. Il observa notamment que le plasma sanguin de certains provoquait l’agglutination de globules rouges chez d’autres. Par ces tests croisés, il mettait en évidence l’existence du groupe sanguin ABO, facteur le plus important pour la sécurité transfusionnelle. Considérons l’exemple d’un receveur de groupe A : lescaractéristiques spécifiques à son groupe sanguin sont la présence d’antigènes A sur la surface de ses hématies et celles d’anticorps anti-B dans son sérum (Tableau 2-1). En conséquence, si on transfuse à celui-ci du sang d’un donneur de groupe B, les anticorps anti-B présents chez le receveur vont interagir avec les antigènes spécifiques B présents à la surface des globules rouges du donneur, provoquant au final une lyse massive des globules rouges transfusés (Figure 2-1). Non seulement la transfusion est inefficace, mais les conséquences de l’hémolyse massive sont très graves voire fatales. Les anti-A ou B sont des anticorps naturels et réguliers (naturellement présents dans le sérum de tous les individus), c’est pourquoi il est impératif de respecter la compatibilité dans le système ABO lors d’une transfusion.

Figure 2-1 Compatibilité transfusionnelle Dans cet exemple, le receveur peut être transfusé avec le

sang du donneur 2 seulement. En effet, la présence dans le sérum du receveur d’anticorps dirigés contre des antigènes présents à la surface des globules rouges du donneur 1 crée un risque d’accident transfusionnel.

1.1.2. Groupes sanguins mineurs et phénomène d’alloimmunisation

Suite à la découverte de Landsteiner, d’autres systèmes sanguins furent mis à jour, à commencer par ceux associés à des anticorps pouvant directement agglutiner les globules rouges. Mais c’est grâce à l’élaboration du test d’antiglobuline indirect - qui permet la détection des anticorps irréguliers non-agglutinants - par Coombs, Mourant et Race en 1945 (Daniels 2002) que la sérologie des groupes sanguins a pu réellement se développer (Cf. Chapitre 2, paragraphe 2.1). Ces techniques ont permis la découverte et la caractérisation de 30 systèmes sanguins reconnus à ce jour : identification et caractérisation des molécules portant les polymorphismes, localisation et clonage des gènes responsables et classification en groupes sanguins (Figure 2-2 (Daniels et Reid 2010)). Ceux-ci sont associés à plus de 300 antigènes qui représentent autant de risques potentiels d’incompatibilité transfusionnelle.

Dans l’extrême majorité des cas, les anticorps dirigés contre les antigènes érythrocytaires sont qualifiés d’irréguliers : contrairement au système ABO, ils ne sont pas présents de façon spontanée dans le sérum. Ils peuvent être développés à la suite d’une transfusion lorsque le sang du donneur présente des caractéristiques différentes de celui du receveur, faute d’une caractérisation suffisante de la poche, ou encore lors d’une grossesse si les groupes sanguins du

Tableau 2-1 Caractéristiques simplifiées du système ABO

Groupe du receveur O A B AB

Antigènes érythrocytaires

présents chez le receveur aucun A B A et B

Génotype du receveur O/O A/A ou A/O B/B ou B/O A/B Anticorps dans le sérum

du receveur Anti-A,B anti-B Anti-A aucun

Donneur possible O O, A O, B O, A, B, AB

Figure 2-2 Chronologie de la découverte ou identification des systèmes de groupes sanguins La couleur représente le type de composant membranaire porté

par les antigènes. La ligne en pointillée indique la découverte du test d’antiglobuline indirecte (IAT). Extrait de Daniels 2002.

fœtus et de la mère diffèrent. On parle alors d’alloimmunisation. Le développement d’alloanticorps concernerait environ 13% des patients (Westhoff et Sloan 2008). Dans ce cas, le risque d’accident hémolytique pèse sur les transfusions qui suivront cette alloimmunisation. Ce phénomène est particulièrement problématique pour les patients polytransfusés, notamment les patients drépanocytaires, qui développent des alloimmunisations multiples. Il devient alors très délicat de trouver un receveur compatible et les situations d’impasse transfusionnelle se multiplient (Zimring et al. 2011).

1.1.3. Recherche d’anticorps irréguliers

Afin d’éviter les accidents transfusionnels et de minimiser les cas d’alloimmunisations, une recherche d’anticorps irréguliers est pratiquée dans les cas suivants :

- avant une transfusion, pour éviter un accident hémolytique transfusionnel ;

- après une transfusion (environ six semaines après) pour déceler l'apparition d'un anticorps d'immunisation primaire, susceptible de disparaître plus tard, mais toujours dangereux du fait d'une réactivation possible (réponse secondaire) lors d'une transfusion ou grossesse ultérieure ;

- chez les femmes enceintes, pour le dépistage des incompatibilités fœto-maternelles susceptibles d'entraîner une atteinte fœtale, pour pouvoir transfuser la mère en urgence en cas d'hémorragie.

Par ailleurs, un ultime test croisé de compatibilité directe entre les globules rouges du donneur et le sang du receveur, est effectué au lit du patient avant une transfusion. Notons que les pratiques actuelles de typage des poches de sang en routine ne concernent qu’un petit nombre d’antigènes érythrocytaires (systèmes ABO, RH et Kell), malgré le fait que bien d’autres ont une importance clinique avérée (Figure 2-3).

Figure 2-3 Importance clinique des antigènes érythrocytaires Les groupes

sanguins sont classés en abscisse suivant leur numéro dans la classification ISBT. L’ordonnée représente le nombre d’antigènes du groupe considéré. Les couleurs correspondent à la fréquence des accidents transfusionnels dus aux anticorps correspondants : rouge = souvent ; orange = occasionnellement ; vert = rarement voire jamais. Extrait de Anstee 2009.