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Chapitre 2. Le génotypage érythrocytaire

2. Méthodes de groupage

2.1. Sérologie : détermination du phénotype

Les techniques de typage sanguin utilisées en routine dans les laboratoires d’hématologie sont essentiellement basées sur les réactions d’hémagglutination entre antigènes et anticorps.

Pour la caractérisation du receveur, on identifie son groupe sanguin et on recherche les anticorps irréguliers potentiellement présents dans le sérum qui pourraient réagir avec les hématies transfusées. Pour cela, on utilise un panel d’hématies de référence en tant que réactifs standardisés pour la détection des anticorps présents dans le sérum. Dans certains cas, les anticorps spécifiques seuls suffisent à provoquer l’agglutination des hématies, c’est le cas notamment pour les IgG anti-A et anti-B, on parle de « test d’agglutination directe ». Cependant, pour les recherches d’anticorps irréguliers, il arrive souvent que ceux-ci ne provoquent pas directement l’agglutination. On procède alors à un test d’antiglobuline indirect dont le principe est décrit Figure 2-5. Un second anticorps (anti-globuline humaine) est utilisé afin de promouvoir l’agglutination. Le format du test a été progressivement amélioré et a gagné en fiabilité et praticité : test en tube, sur phase solide (anti-globuline immobilisée sur une microplaque), « gel-test » (microtube contenant une phase gel, préchargée avec les antiglobulines et ne nécessitant pas de lavage) (Lapierre et al. 1990), etc.

A l’inverse, pour la caractérisation d’une poche de sang de donneur, ce sont cette fois les antigènes de surface que l’on cherche à identifier à l’aide d’un panel d’anticorps réactifs connus.

2.2. Emergence des techniques de génotypage

L’essor des connaissances concernant les bases moléculaires des groupes ont offert la possibilité d’aller chercher l’information sur les groupes sanguins directement au niveau de l’ADN (Denomme et Flegel 2008). Il s’agit cette fois d’identifier les variants des gènes présents dans l’ADN du patient: on parle de génotypage érythrocytaire.

Dans la plupart des cas, il s’agit d’étudier des systèmes bialléliques simples et de déterminer si le patient est homozygote ou bien hétérozygote, comme décrit Figure 2-6.

Les séquences des deux allèles ne différent souvent que d’un seul nucléotide (SNP) et de nombreuses techniques d’analyse de SNP sont disponibles. Elles nécessitent en général une première phase d’extraction de l’ADN génomique à partir de l’échantillon sanguin puis son amplification. Les puces à ADN en particulier sont des outils de choix pour la détection simultanée de multiples SNP dans le génome du patient par test d’hybridation. La stratégie la plus simple consiste à immobiliser des sondes spécifiques du polymorphisme d’intérêt sur le support et à hybrider directement les séquences cibles amplifiées sur la puce (Figure 2-7). Une des difficultés de ces méthodes est de promouvoir l’hybridation spécifique et diminuer le nombre de faux positifs dus à un nombre important de mésappariements, les séquences polymorphiques étant extrêmement proches.

Enfin, dans les rares cas où le phénotype ne peut pas se déduire directement au génotype du fait de l’existence d’allèles nuls ou silencieux (Cf. paragraphe 1.2.2), des faux-positifs peuvent apparaître. S’ils n’ont pas d’incidence clinique pour le typage des donneurs, ils sont en revanche critiques pour le typage des receveurs, c’est pourquoi, dans la mesure où les mutations responsables sont connues, il est important de les inclure au test de génotypage (cas des allèles FY*FY et FY*X notamment).

2.3. Applications du génotypage érythrocytaire étendu

Le génotypage érythrocytaire est potentiellement supérieur au phénotypage sérologique dans un certain nombre de cas cliniques et de situations pratiques, pour l’essentiel décrites ci-dessous.

Limites sérologiques (anticorps non disponibles, peu réactifs)

Il arrive que les techniques sérologiques ne permettent pas un phénotypage fiable de l’échantillon : les anticorps réactifs sont parfois peu fiables ou peu, voire pas disponibles ; il arrive aussi que les antigènes soient trop faiblement exprimés sur les globules rouges pour être détectés par sérologie. Les méthodes de génotypage peuvent alors apporter une solution alternative. Pour le système Dombrock par exemple, les techniques de génotypage sont utilisées

Figure 2-7 Génotypes possibles pour un système biallélique, exemple du système Kidd

pour la recherche des antigènes DO1 et DO2 afin de pallier le manque de réactifs fiables pour la sérologie (Reid 2003).

Screening des donneurs et banque de donneurs rares

Une caractérisation étendue des poches de sang à un plus grand nombre de groupes sanguins mineurs permettrait de façon indubitable une amélioration de la sécurité transfusionnelle. En effet, les antigènes actuellement phénotypés en routine en France sont seulement ceux des groupes majeurs ABO et RH, ainsi que l’antigène KEL1. Pourtant, bien d’autres antigènes ont une importance clinique avérée, si bien que la sérologie de routine recommandée en Europe concerne au minimum ABO, RH, Kell, Duffy, Kidd et MNS. L’extension du typage à un plus grand nombre d’antigènes érythrocytaires permettrait de mieux prévenir les accidents transfusionnels immédiats ou retardés ainsi que les alloimmunisations, en optimisant la compatibilité entre donneur et receveur.

La mise en place d’un typage étendu à l’échelle des banques du sang nécessite cependant le développement de plateformes de criblage haut-débit et les tests de phénotypage sérologiques sont difficilement adaptables à grande échelle : il s’agit de tests monoparamétriques laborieux, et les coûts en anticorps réactifs s’avèreraient particulièrement élevés et rédhibitoires. Les tests basés sur les acides nucléiques apparaissent ici comme une alternative particulièrement intéressante puisque leur adaptation au haut-débit est nettement mieux maîtrisée, notamment via la technologie des puces à ADN qui donne accès aux tests multiparamétriques.

L’intégration de tests de génotypage étendu à haut-débit dans les centres de qualifications du don permettrait la mise en place d’une banque de sang mieux caractérisée, et un stockage de ces informations in silico augmenterait l’efficacité de la sélection des poches par la mise en place par exemple d’une recherche électronique de poche compatible (Avent 2009a). Le bénéfice serait d’autant plus perceptible pour la recherche de phénotypes rares. En effet, dans le cas d’un receveur de phénotype rare, les procédures actuelles de recherche d’une poche compatible sont fastidieuses et coûteuses, puisqu’elles consistent à typer en aveugle différentes poches jusqu’à l’obtention d’une comptabilité. La création d’une bibliothèque de donneurs rares pré-identifiés permettrait de résoudre plus rapidement ces impasses transfusionnelles (Peyrard et al. 2008).

Groupage sanguin des patients polytransfusés et/ou récemment transfusés

Le typage étendu de patients multitransfusés, tels que les patients atteints de drépanocytose (Castilho et al. 2002), est souvent nécessaire autant pour identifier leurs propres anticorps que pour leur fournir un sang compatible afin d’éviter une alloimmunisation, mais il est rendu difficile par la présence d’hématies du donneur dans l’échantillon ainsi que de nombreux alloanticorps. Le même problème se présente pour les patients récemment transfusés (Reid et al. 2000). Cependant, il apparaît que les tests de génotypage révèlent, pour un ADN préparé à partir du sang du patient récemment transfusé, le génotype du patient et non celui du donneur (probablement du fait du faible nombre de cellules nucléées dans le sang transfusé).

Génotypage foetal

Le génotypage est appliqué dans la prédiction du risque de maladie hémolytique du nouveau-né (cas d’une grossesse alloimmunisée). La forme la plus sévère est causée par les anticorps de la mère dirigés contre les antigènes du système RH (D, c) et contre l’antigène KEL1 présents sur les globules rouges du fœtus (Daniels et Bromilow 2007).

Standardisation du panel d’hématies de référence

Kappler-Gratias et al., du Centre national de référence sur les groupes sanguins à l’Institut national français de la transfusion sanguine, ont étudié l’impact des méthodes de génotypage pour la caractérisation du panel d’hématies de référence utilisées comme réactifs pour le criblage et l’identification des anticorps (Kappler-Gratias et al. 2010). Les auteurs sont arrivés à la conclusion que le génotypage étendu haut-débit permettait d’améliorer la qualité du panel d’hématies de référence et que le génotypage devrait à terme remplacer l’un des deux tests de phénotypage imposées par la loi, moyennant toutefois le développement d’une technologie à bas coût. En France, plus d’une vingtaine d’antigènes appartenant aux groupes RH, Kell, Duffy, MNS, Lewis, P et Lutheran doivent être analysés.

2.4. Le génotypage érythrocytaire en routine : une réalité ?

Il est maintenant admis au sein de la communauté de la transfusion sanguine mondiale que ces techniques d’immunohématologie moléculaire sont des outils à très fort potentiel pour la sécurité et la fiabilité du dépistage transfusionnel (van Der Schoot et al. 2009). Pour le moment, ces techniques sont utilisées principalement en laboratoire de recherche et occasionnellement pour la confirmation d’un phénotype. Certaines limites perdurent en ce qui concerne le typage de patients : risque de faux positifs dus à des allèles nuls, existence de variants non identifiés, etc (van Der Schoot et al. 2009). Par ailleurs la longueur du test (imposée en général par l’étape d’amplification d’ADN) ne permet pas la gestion des situations d’urgence.

En revanche, l’apport des méthodes de génotypage érythrocytaire pour le typage des donneurs n’est plus à démontrer et il est acquis que les techniques de génotypage seront implémentées à plus ou moins court terme dans les centres de qualification du don du sang (Avent 2009b). La question encore en suspens est de savoir dans quelles proportions le génotypage haut-débit remplacera les pratiques de sérologie actuellement en vigueur (Wagner 2009 ; Hustinx et al. 2009 ; Schönitzer 2009 ; Storry et Olsson 2009 ; van Der Schoot et al. 2009). Si certains envisagent un remplacement total de la sérologie, il est plus probable que les techniques de génotypage s’intègreront en complément des techniques sérologiques, en premier lieu pour le typage des groupes sanguins mineurs. En ce qui concerne le typage ABO, il est peu probable que les tests par génétique moléculaire soient utilisés : les tests sérologiques sont rapides et fiables alors que les bases génétiques sont complexes avec de nombreux variants (Anstee 2009). De plus, un ultime test de compatibilité direct par sérologie sera toujours maintenu au lit du patient.

Toutefois, les experts s’accordent surtout sur le fait que l’intégration du génotypage étendu haut-débit en routine ne pourra se faire que lorsque sera disponible une plateforme fiable, concurrentielle d’un point de vue économique et facile à mettre en œuvre dans les laboratoires (Veldhuisen et al. 2009). Le cas échéant, la plateforme technologique devra d’abord faire l’objet d’études pilote sur site et se concentrera à long terme sur le criblage des donneurs récurrents (Hillyer et al. 2008). L’intégration de tests basés sur les acides nucléiques à haut-débit a déjà été réalisée avec succès dans les établissements de transfusion sanguine pour le dépistage de pathogènes (Avent 2009a).