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Chapitre 1. Biopuces à détection optique

4. Immobilisation de biomolécules

4.2. Immobilisation covalente

Pour renforcer la stabilité de l’immobilisation, un couplage covalent est souvent mis en œuvre. La réaction choisie doit pouvoir se faire en conditions douces afin de protéger la biomolécule (en particulier dans le cas des protéines) et doit former une liaison stable dans les conditions du test.

4.2.1. Couplage covalent classique

Très généralement, le couplage covalent implique une activation de surface préalable. Dans le cas des oligonucleotides, les sondes sont généralement également modifiées par une fonction dite « greffable » à leur extrémité. En ce qui concerne les protéines, la liaison peut faire intervenir les groupements fonctionnels des chaînes latérales des différents acides aminés, ou bien les extrémités N- et C-terminales. L’essentiel des stratégies d’immobilisation covalente repose sur la chimie des groupements amine, acide carboxylique (plus particulièrement sous la forme d’équivalent activé), alcool et thiol. Des exemples d’immobilisation par liaison covalente sont présentés à la Figure 1-12.

Diverses activations de surfaces ont été employées pour l’immobilisation de biomolécules via un groupement amine. Il est ainsi possible de greffer une amine par attaque nucléophile sur une surface d’époxydes, comme présenté sur l’exemple (a) de la Figure 1-12. Parmi les premières puces à protéines développées, celle proposée par MacBeath et al. en 2000 mettait en jeu l’immobilisation des protéines par leurs groupements amines sur des lames de verre activées par des silanes portant des groupements aldéhyde (Service 2000). Plus récemment, Fuentes et al. ont proposé une méthode d’immobilisation covalente d’ADN modifié par une amine primaire dans un gel de dextran, en réalisant une activation du dextran par des fonctions aldéhyde (Fuentes et al. 2004).

Enfin, une autre stratégie très employée consiste à immobiliser les sondes aminées sur une surface présentant des fonctionnalités acide carboxylique activé. L’activation la plus classique, présentée dans l’exemple (b) de la Figure 1-12, utilise un carbodiimide (typiquement EDC (1-éthyl-3-(3-diméthylaminopropyl)carbodiimide) ou DCC (dicyclohexylcarbodiimide)) conjointement avec un équivalent de N-hydroxysuccinimide (NHS) afin de former un ester activé, stable en conditions standard (pH 7, milieu aqueux). La voie d’activation EDC/NHS fut par exemple mise en œuvre par Andersson et al. pour l’immobilisation de biomolécules dans une matrice d’hydrogel composée de PEG (Andersson et al. 2009). Les groupements hydroxyle du

nucléophile sur l’acide bromoacétique, puis l’acide est activé par un ester-NHS.

Ces stratégies de couplage peuvent évidemment être utilisées à l’inverse pour l’immobilisation de biomolécules sur des surfaces présentant des fonctionnalités amine, par exemple en utilisant des oligonucléotides activés par un ester-NHS (Zammatteo et al. 2000).

Il est de plus possible d’utiliser une troisième entité, un agent pontant (cross-linker) qui fournit des groupements fonctionnels permettant un couplage efficace entre la surface et la biomolécule et peut également jouer le rôle d’espaceur en introduisant un espace contrôlé entre les deux entités, afin d’améliorer l’accessibilité de la biomolécule envers sa cible, ou bien afin de protéger une protéine d’une surface dénaturante (Jonkheijm et al. 2008). Ces espaceurs peuvent être homofonctionnels, tel le glutaraldéhyde (exemple (c), Figure 1-12) ou hétérofonctionnels comme le SMCC qui contient des groupements fonctionnels ester activé-NHS et maléimide séparés par un espaceur cyclohexane (exemple (d), Figure 1-12). Les espaceurs homofonctionnels ont pour inconvénient le risque de couplage entre groupes voisins, alors que les hétérofonctionnels garantissent un couplage sélectif.

L’étendue des fonctionnalisations de surface et des agents pontants et/ou espaceurs disponibles rend aujourd’hui possible pratiquement n’importe quel couplage. Le choix de la méthode d’immobilisation covalente et de l’activation de surface doit de plus prendre en compte les conditions du test (risque d’immobilisation non spécifique, stabilité de la liaison covalente…), mais aussi la nature de la biomolécule. En comparant différentes activations de surface pour l’immobilisation d’anticorps, Angenendt et al. ont en effet mis en évidence l’influence de la nature de l’anticorps immobilisé sur la qualité de l’immobilisation (Angenendt et al. 2002).

Figure 1-12 Exemples de couplages covalents (a) Immobilisation d’une biomolécule présentant un groupement

amine sur une surface fonctionnalisée par des groupements époxyde par formation d’un aminoalcool. (b) Activation par la voie EDC/NHS d’une surface acide carboxylique pour l’immobilisation de biomolécules aminées. (c) Immobilisation covalente d’une biomolécule présentant un groupement amine sur une surface fonctionnalisée par des groupements amine grâce à un espaceur homofonctionnel, le glutaraldéhyde (pentane-1,5-dial). (d) Immobilisation covalente d’une biomolécule présentant un groupement thiol sur une surface fonctionnalisée par des groupements amine grâce à un espaceur hétérofonctionnel, le SMCC (succinimidyl-4-(N-maléimidométhyl)cyclohexane-1-carboxylate).

La photochimie offre une alternative intéressante et peu coûteuse pour l’immobilisation covalente de biomolécules sur des surfaces peu réactives ou inertes. L’application la plus célèbre de la photochimie pour la fabrication de biopuces est certainement la synthèse in situ d’oligonucléotides immobilisés sur une surface, développée par Fodor et al. (Fodor et al. 1991) et largement exploitée depuis par la compagnie Affymetrix, comme discuté précédemment (Cf. paragraphe 3.1). L’irradiation permet dans ce cas de déprotéger sélectivement les chaînes en croissance grâce à un système de photomasques. De la même manière, les techniques de photolithographie sont couramment employées pour déprotéger ou activer de façon localisée la surface d’immobilisation, sur laquelle une biomolécule pourra ensuite être greffée. Kim et al. ont ainsi réalisé l’activation d’un hydrogel à base de PEG grâce à un espaceur bifonctionnel présentant une terminaison phénylazoture pour le couplage à l’hydrogel et une terminaison NHS pour le greffage de protéines (Kim et al. 2009). Liu et al. ont quant à eux activé une surface de polystyrène en y greffant un espaceur hétérofonctionnel par voie photochimique via une terminaison benzophénone ; la seconde fonctionnalité, un groupement maléimide, permet l’immobilisation covalente d’anticorps sur la surface activée (Liu et al. 2000).

La réaction photochimique peut être aussi utilisée directement pour le couplage entre la biomolécule et la surface. L’activation par un groupement photoréactif peut concerner le support ou bien la biomolécule. Les groupements photoactivables présentés Figure 1-13 illustrent les grands types de réactivité impliquées : groupements cétyl (benzophénone), nitrène (p-nitrophényl azoture) et carbène (phényl-(trifluoromethyl)diazirine). Les espèces cétyl, telles que la benzophénone, ont l’intérêt de présenter une activation réversible (retour à l’état fondamental en cas de non réaction) et d’être stables en conditions aqueuses.

La première stratégie possible consiste à activer le support en générant une surface photoactivable. L’activation de canaux de silice avec des groupements benzophénone portés par un espaceur de PEG a ainsi permis la photoimmobilisation d’ADN à leur surface (Renberg et al. 2009). De même, la fonctionnalisation de surface de diamant dopé par du bore a permis l’immobilisation de protéines, peptides et oligonucléotides sur ce support (Szunerits et al. 2007 ; Marcon et al. 2010). Le couplage covalent de protéines dans un gel de dextran a été rendu

Figure 1-13 Exemples d’espèces photoactivables couramment utilisées pour l’immobilisation de biomolécules

(a) benzophénone (cétyl), (b)nitrophényl azoture (nitrène), (c) phényl-(trifluorométhyl) diazirine.

(Caelen et al. 2002).

Enfin, une approche originale proposée par le groupe de J. Rühe pour le matriçage sur des surfaces plastiques consiste à immobiliser les biomolécules in situ dans des plots d’hydrogel à base de polydiméthylacrylamide (Neumann et al. 2010). Les oligonucléotides sont mélangés avec un pré-polymère portant des groupements benzophénone. Le mélange est matricé sous formes de plots sur le support puis irradié : l’activation du groupement benzophénone induit la photopolymérisation du gel, mais aussi son ancrage dans le support plastique et surtout le greffage covalent des oligonucléotides. Des puces à oligonucléotides ont ainsi été fabriquées pour le génotypage du papillomavirus et pour l’amplification et détection d’ARN (Brandstetter et al. 2010 ; Mader et al. 2010).

La seconde stratégie consiste à fonctionnaliser cette fois la biomolécule avec le groupement photoréactif. Elle a notamment été mise en œuvre pour l’immobilisation d’oligonucléotides sur des supports plastiques, par exemple en immobilisant des oligonucléotides-anthraquinone dans des micropuits pour la détection de produits de PCR (Koch et al. 2000). Dankbar et al. ont comparé l’efficacité de différents groupements photoactivables (benzophénone, anthraquinone, p-nitrophényl azoture et 3-phényl-3-(trifluorométhyl)diazirine)) pour l’immobilisation d’oligonucléotide sur des plastiques non activés (PMMA, PS et COC). Le p-nitrophényl azoture donna les meilleurs résultats (Dankbar 2006).

Enfin, il est possible de coupler la biomolécule et la surface en une étape unique (sans activation préalable) par l’intermédiaire d’un agent pontant bifonctionnel photoactivable. En utilisant un agent pontant portant une benzophénone photoréactive et un groupement NHS séparé par un espaceur tétraéthylène glycol, Hypolite et al. ont immobilisé des gradients de protéines sur une surface de polystyrène (Hypolite et al. 1997). Comme exemple de groupement homofonctionnel on peut citer l’utilisation d’un espaceur portant deux fonctions azoture pour l’immobilisation de protéines dans un gel de poly-(PEG méthacrylate) (Matsudaira et al. 2008).