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2.3 Les théories au-delà du modèle standard

2.3.2 La supersymétrie

La supersymétrie consiste à associer à chaque particule de spin demi-entier une particule de spin entier et inversement, les particules sont alors qualifiées de super-partenaires. La su-persymétrie a d’abord été introduite entre les mésons, particules de spin entier composées d’un quark et d’un anti-quark, et les baryons, particules de spin demi-entier composées de trois quarks par Hironari Miyazawa. Puis, dans les années 1971-72, la supersymétrie a été appliquée dans le contexte de la théorie quantique des champs. La première version supersymétrique du modèle standard a été proposé en 1977 par Pierre Fayet, il s’agit du MSSM pour Minimal Supersymmetric Standard Model [85,106, 137, 113].

De manière générale, les modèles supersymétriques permettent de résoudre le problème de naturalité grâce à l’ajout de particules supplémentaires. Dans le cas où une particule scalaire (de spin zéro) est associée au fermion dont l’interaction de Yukawa est décrite par l’équation 53, les corrections à la masse du boson de Higgs sont données par :

∆m2H = 1

2S− |λf|22U V + termes d’ordres supérieurs (87) où λS est le couplage de Yukawa entre la particule scalaire et le boson de Higgs. Pour que les corrections s’annulent, il est nécessaire d’imposer λS = |λf|2, cette condition est obtenue naturellement pour un lagrangien invariant par supersymétrie, si le lagrangien est invariant par supersymétrie sans qu’elle soit spontanément brisée alors les super-partenaires doivent posséder la même masse. Les super-partenaires auraient donc dû être mis en évidence depuis longtemps.

La solution à cette incompatibilité est de supposer que le lagrangien peut être mis sous la forme effective suivante :

LMSSM = LSUSY+ Lsoft (88)

Le terme LSUSY contient les termes de jauge et le secteur de Yukawa invariant par su-persymétrie, ce terme sera responsable des divergences quadratiques dans les corrections de la masse du boson de Higgs. Le terme Lsoft contient les termes de masse et les paramètres de couplage avec une dimension positive et sera responsable des divergences logarithmiques apparaissant dans les corrections de la masse du boson de Higgs. Cette solution peut sembler arbitraire, néanmoins il existe des mécanismes de brisure spontanée de symétrie conduisant à cette structure. La brisure de supersymétrie est alors qualifiée de légère car seule une partie du lagrangien ne respecte plus cette symétrie. Une difficulté supplémentaire apparaît lorsque la supersymétrie est légèrement brisée, en effet les corrections à la masse du boson de Higgs provenant de la partie du lagrangien légèrement brisée s’écrivent alors sous la forme :

∆m2H = m2soft λ

16π2 ln(ΛU V

msoft) (89)

msoft est l’échelle de masse des termes brisant la supersymétrie. Pour régler le problème d’ajus-tement fin, l’équation 89 impose que msoft ne soit pas trop grand.

MSSM

Dans un modèle supersymétrique, les champs de particules sont représentés par des super-multiplets. Les supermultiplets contiennent une particule et son super-partenaire. Le supermul-tiplet le plus simple est constitué de deux objets : un spineur et un champ scalaire complexe, il est qualifié de chiral. Le second type de supermultiplet qualifié de supermultiplet de jauge est composé d’une particule de spin 1 avec deux états d’hélicité et d’un spineur.

La construction d’une version supersymétrique du modèle standard ne peut pas être obtenue en utilisant uniquement les champs de particules qu’il contient. Il est nécessaire de doubler le nombre de particules. Dans les modèles supersymétriques, le cas du boson de Higgs est particulier. Pour construire un lagrangien supersymétrique, il est nécessaire d’associer au boson de Higgs son super-partenaire : le Higgsino. Néanmoins, le secteur électrofaible des modèles supersymétriques ne comportant qu’un supermultiplet de boson de Higgs souffre d’anomalie de jauge qui rende la théorie incohérente. Pour annuler ces anomalies, il est nécessaire d’ajouter un second doublet de Higgs. La supersymétrie est donc un modèle à deux doublets de Higgs particulier. Les tables 6 et 7 résument le contenu en particules du MSSM.

Le potentiel du MSSM ou superpotentiel possède la forme suivante :

WMSSM = ¯uα,ai yijuQj,αaαβH− ¯dα,ai yijdQj,αaαβH− ¯eαiyijeQj,ααβH+ µ(Hu)α(Hd)βαβ (90) où α et β sont les indices de SU (2) variant dans {1, 2}, i et j sont les indices de familles appartenant à {1, 2, 3} et a est l’indice de couleur variant dans {1, 2, 3}. ¯u, ¯d, Q, ¯e , L, Hu et

Hd sont les supermultiplets définis dans les tables 6 et 7. yu, yd et ye sont des matrices 3 × 3 dans l’espace des saveurs décrivant les interactions de Yukawa. Le terme µ(Hu)i(Hd)jij est la version supersymétrique du terme de masse du boson de Higgs.

D’autres termes sont autorisés dans le potentiel bien qu’ils ne soient pas inclus dans le potentiel du MSSM car ils violent la conservation du nombre leptonique L (équation 91) ou du

Noms spin 0 spin 1/2 squarks, quarks Q (˜uL, ˜dL) (uL, dL) (x 3 familles) u¯ u˜R uL ¯ d d˜R dL sleptons, leptons L (˜ν, ˜eL) L, eL) (x 3 familles) ¯e ˜eR eL Higgs, higgsinos Hu (H+ u, Hu0) ( ˜Hu+, ˜Hu0) Hd (H0 d, Hd) ( ˜H0 d, ˜Hd) Table 6 – Multiplets chirals dans le MSSM

Noms spin 0 spin 1/2 gluino, gluon ˜g g winos, bosons W W˜± W˜0 W± W0

bino, boson B B˜0 B0

Table 7 – Multiplets de jauge dans le MSSM nombre baryonique B (équation 92)

W∆L=1 = 1 2λ ijkLiLj¯ek+ λ0ijkLiQjd¯k+ µ0LiHu (91) W∆B=1 = 1 2λ 00ijku¯id¯jd¯k (92) Les champs ¯ui et ¯di ont B = −1/3 et L = 0, Qi a B = 1/3 et L = 0, le champ ¯ei a B = 0 et

L = −1 et le champ Li a B = 0 et L = 1. La conservation du nombre leptonique est violée d’une unité dans l’équation 91 et le nombre baryonique de la même quantité dans l’équation 92.

Pour empêcher l’apparition de ces termes, qui autoriseraient par exemple la désintégration du proton, il faut postuler l’existence d’une symétrie supplémentaire, la R-parité. A chaque supermultiplet de la théorie, une grandeur multiplicative est associée, sa valeur est donnée par :

PM = (−1)3(B−L), (93)

Ainsi, les supermultiplets contenant les quarks et les leptons ont PM = −1 tandis que les supermultiplets de jauge et de Higgs ont PM = 1. Pour que le lagrangien respecte cette symétrie il est nécessaire que le produit des PM des supermultiplets de chaque terme soit égal à 1. Les termes dans les équations 91 et 92 sont donc interdits.

Une conséquence de la conservation de la R-parité est que la sparticule la plus légère, LSP pour lightest supersymmetric particle doit être stable. Si cette particule est électriquement neutre et colorée alors son interaction avec la matière ordinaire est faible, un candidat pour la matière est ainsi obtenu.

Dans sa version la plus générale, le MSSM comporte une centaine de paramètres. Une étude complète du spectre de masse du MSSM ne sera donc pas présentée dans ce manuscrit. Néanmoins, plusieurs approches basées sur des approximations réalistes parviennent à réduire le nombre de paramètres pertinents, un de ces modèles a été particulièrement étudié lors de la thèse, il s’agit du hMSSM.

Figure 5 – Variation des éléments de la matrice des corrections radiatives en fonction de la masse des Higgsinos pour une masse du boson pseudo-scalaire de 300 GeV pour trois couples (MS, tan β), le couplage trilinéaire At est choisi pour que la masse du boson de Higgs le plus léger soit comprise entre 123 - 129 GeV

hMSSM

Le hMSSM [134,108] se focalise sur le secteur du Higgs, il utilise les informations supplémen-taires apportées par la découverte du boson de Higgs en particulier sa masse pour contraindre les paramètres du MSSM. Il suppose que le boson de Higgs observé au LHC est le plus léger des deux bosons de Higgs scalaires pairs. Dans le MSSM, la matrice de masse des bosons de Higgs scalaires CP-pairs s’écrit, dans la base (Hu, Hd) des états d’interaction :

MH2 = MZ2 cos

2β − sin β cos β − sin β cos β sin β

!

+MA2 sin

2β − sin β cos β − sin β cos β cos β

! + ∆M 2 11 ∆M2 12 ∆M2 12 ∆M2 22 ! (94) où ∆M2 11, ∆M2 22 and ∆M2

12 sont les corrections radiatives. Dans le MSSM, la masse du boson de Higgs vérifie la relation suivante à l’échelle des arbres :

mh < mZ| cos(2β)| (95)

La masse mesurée du boson de Higgs à 125 GeV implique donc des corrections radiatives grandes. Dans une grande partie de l’espace des paramètres, il est possible de montrer qu’une seule de ces corrections radiatives est dominante :

∆M222  ∆M2

11, ∆M122 (96)

En effet, un balayage de l’espace des paramètres pertinents en imposant 123 < mh < 129 GeV

montre que ∆M2

11 < ∆M2

12 < O(∆M2

22) comme l’illustre la figure 5. De plus, négliger ∆M2 11

et ∆M122 devant ∆M222 entraîne des variations inférieures à 5% pour mh et α par rapport au calcul complet, comme le montre la figure 6. Le hMSSM utilise ces observations pour inclure de façon effective les corrections radiatives dans le potentiel du boson de Higgs en échangeant ∆M222 par mh.

Figure 6 – Variation maximale de mH (à gauche) et de α(à droite) lorsque les éléments de matrice ∆M2

11 et ∆M2

12 sont négligés ou non pour MA = 300 GeV avec tan β = 5 (haut) et tan β = 30 (bas). Xt est défini par Xt = At− µ cot β. Pour chaque point, les grandeurs sont calculées pour |µ| < 3T eV , |At, Ab| < 3MS, 0.5TeV < MS < 3TeV

Dans le cadre de cette approximation, il est possible de remplacer le paramètre ∆M2 22

par la masse du Higgs scalaire le plus léger pour étudier le reste du secteur du Higgs. Après diagonalisation de la matrice m2

H, l’expression de ∆M2

22 est donnée par : ∆M222 = m 2 h(m2 A+ m2 Z − m2 h) − m2 Am2 Zcos2 m2 Zcos2β + m2 Asin2β − m2 h (97) Une expression de α peut également être obtenue :

α = − arctan( (M 2 Z+ MA2) cos β sin β m2 Zcos2β + m2 Asin2β − m2 h ) (98)

Le MSSM étant un modèle à deux doublets de type II, les couplages donnés dans la table 5 peuvent être exprimés en fonction de deux paramètres mA et tanβ. Une mesure des couplages du boson de Higgs du modèle standard peut donc être utilisée pour contraindre les paramètres du MSSM. Des approximations supplémentaires liées aux corrections radiatives des couplages sont toutefois nécessaires. Le couplage entre le boson de Higgs h et le quark b reçoit des corrections radiatives provenant des boucles de sbotton et de gluino. Le couplage à l’ordre des arbres c0

b est alors modifié de la manière suivante :

cb ≈ c0

b[1 − b

1 + ∆b(1 + cot α cot β)] avec ∆b ' Sµm˜gtan β

Ces corrections peuvent être négligées si mA mZ. De la même manière, le couplage entre le boson de Higgs du modèle standard et le quark top reçoit des corrections radiatives de la part des stops :

ct ≈ c0 t[1 + m 2 t 4m2 ˜ t1m2 ˜ t2 (m2˜t 1 + m2t˜

2 − (At− µ cot α)(At− µ tan α))] (100) Les contraintes provenant du LHC sur ce couplage à travers la production associée du boson de Higgs au quark top étant faible, ces corrections peuvent être négligées. Les corrections brisant l’universalité des couplages entre les quarks charm et top d’une part et le quark b et le lepton

τ d’autre part sont ignorées. L’impossibilité de mesurer le rapport d’embranchement du boson

de Higgs se désintégrant en une paire de quarks charm BR(h → cc) au LHC et la précision actuelle de 40 % sur la mesure du rapport d’embranchement du boson de Higgs se désintégrant en paire de leptons tau justifie ce choix.

3 Dispositifs expérimentaux

Cette partie présente les dispositifs expérimentaux qui ont été utilisés pour enregistrer les données traitées lors de la thèse. Elle se décompose en deux sections : la première section présente le dispositif qui permet d’accélérer les particules à une vitesse proche de la lumière et ensuite de les faire entrer en collision. La seconde section est dédiée au dispositif permettant de détecter les particules produites lors de ces collisions.

3.1 LHC : large hadron collider

Le Large Hadron Collider (LHC) [112] est un collisionneur circulaire de 27 km de circon-férence. Les collisions sont principalement des collisions de protons, toutefois des collisions de noyaux plus lourds comme le plomb sont réalisées. Cet accélérateur se trouve au CERN à la frontière franco-suisse. Après l’approbation du projet en 1994, sa construction débute en 2000 à la place du LEP (Large Electron Positron Collider), néanmoins les premières études du projet remontent aux années 1980. Après l’arrêt du Tevatron en septembre 2011, il est le seul accélérateur de particules à pouvoir explorer les phénomènes physiques à l’échelle du TeV.

Le LHC étant un collisionneur hadronique, il est avant tout une machine d’exploration, un de ces objectifs était de mettre en évidence l’existence du boson de Higgs. Cet objectif a été atteint, néanmoins, comme il a été abordé dans la partie 2, certaines questions n’ont toujours pas de réponse et la recherche de nouvelle physique demeure un de ces objectifs principaux. Le LHC peut également réaliser des mesures de précisions comme par exemple fournir une mesure plus précise de la masse du top.