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Sulfures non lamellaires : piles au lithium

Chapitre 1 : le grand retour des sulfures ?

2. Au commencement : les sulfures

2.2. Sulfures non lamellaires : piles au lithium

Les sulfures lamellaires n’ont pas été les seuls utilisés en tant que matériaux d’électrode. De nombreux sulfures non lamellaires ont été développés par l’armée et commercialisés par des compagnies privées dès les années 60 pour une application de type pile au lithium. La pyrite FeS2 et la covellite CuS en font partie.

La structure cristallographique de la pyrite FeS2 est représentée Figure 1-9a). Ce sulfure

présente une structure cubique de type NaCl, où le Fe2+ est en coordinance octaédrique, entouré d’anions S-. Stable à l’air, abondant, de densité cristallographique importante

(5g/cm3), la pyrite présente une conductivité électronique élevée [30] (500 fois supérieure à son polymorphe la marcassite), d’où l’intérêt qu’un tel matériau a pu susciter.

Figure 1-9 : Structures cristallographiques de a) la pyrite FeS2 (maille cubique, groupe d’espace P a - 3), et b) de la covellite CuS (maille hexagonale, groupe d’espace P 63/m m), avec S en jaune, Fe en

marron et Cu en bleu.

Contrairement aux sulfures lamellaires, les mécanismes de décharge de FeS2 (et de

CuS également) ne font pas intervenir un processus d’intercalation mais font appel à un mécanisme de conversion. Le mécanisme de conversion implique la réduction totale du métal de transition et sa dispersion dans une matrice LinS selon l’Équation 1-3 (avec M le métal de

transition) :

Équation 1-3 : MaSb + (b.n) Li+ ↔ a M + b LinS

Déchargé entre 2 et 1 V vs Li+/Li, la réaction globale de réduction de la pyrite mène à du fer métallique et du sulfure de lithium Li2S selon l’Équation 1-4.

35 Équation 1-4 : FeS2 + 4 Li + + 4 e-  Fe0 + 2 Li2S Emoyen = 1,6 V vs Li + /Li

Comme on peut le voir sur les courbes galvanostatiques Figure 1-10a), la première décharge de FeS2 présente plusieurs plateaux de réduction autour de 1,6 V vs Li+/Li. La détermination

des mécanismes de réduction à l’origine de ces régions mono et biphasiques a fait l’objet de nombreuses controverses [31]. Aujourd’hui encore, ces mécanismes ne sont pas totalement compris, bien que plusieurs groupes de recherches s’accordent sur la formation d’une phase intermédiaire : LiXFeS2 [32], [33]. Quoiqu’il en soit, Whittingham met en avant en 1978

l’irréversibilité d’un tel système lorsqu’il est cyclé plusieurs fois avec du LiClO4 dans du

dioxolane [13]. FeS2 présente non seulement des mécanismes de réduction différents entre la

première décharge et les suivantes (représenté Figure 1-10b)), mais également une perte rapide de capacité au cours du cyclage. Cette irréversibilité ainsi que son bas potentiel de fonctionnement en font de piètre matériau pour batterie au lithium. Cependant, les capacités importantes atteintes pendant la première décharge (300 mAh/g) en ont fait un matériau de choix pour l’application pile au lithium, produit et vendu par l’Union Carbide Corporation dès les années 70, pour les montres électroniques par exemple.

Figure 1-10 : Courbes galvanostatiques du système Li/FeS2 au cours a) de la première décharge, d’après [31], b) du cycle suivant, d’après [13].

Les piles Li/CuS ont été plus largement commercialisées que leurs homologues Li/FeS2. La

covellite présente une plus importante capacité que FeS2, et un potentiel de réduction plus

haut (entre 2 et 1,7 V vs Li+/Li). Ces piles primaires Li/CuS ont été principalement développées et vendues par la SAFT et Dupont pour des applications de type communications

a) Première décharge

b) Deuxième cycle

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(transistor, lecteur de cassettes etc.), ou pour des applications médicales type pacemaker vendues par Cordis Corporation [34] (représenté Figure 1-11b)).

La structure cristallographique de CuS est représentée Figure 1-9b). Ce composé cristallise dans un système hexagonal où le cuivre est en coordinance tétraédrique. Tout comme FeS2,

CuS se réduit selon un mécanisme de conversion, en deux étapes, en passant par la formation de chalcogite Cu2S (courbes galvanostatiques représentées Figure 1-11) :

Équation 1-5 : 2CuS + 2 Li+ + 2 e-  Li2S + Cu2S E = 2,1 V vs Li + /Li Cu2S + 2 Li + + 2 e-  Li2S + 2 Cu E = 1,75 V vs Li + /Li

Figure 1-11 : Courbe de décharge du système Li/CuS, d’après Gabano [34], b) Piles Li/CuS et Gamma pacemaker vendu par Cordis Corporation dans les années 80.

Les piles CuS/Li présentent l’avantage d’une bonne longévité : 10 ans à température ambiante. CuS est également bon conducteur électronique (103 S/m) [35] et reste insoluble dans les solvants organiques [34]. Cependant sa réduction en Cu2S, faible conducteur

électronique, rend la charge rapide limitée, et l’ajout de noir de carbone conducteur est nécessaire. Le choix de l’électrolyte a été ici aussi critique. La dissolution des polysulfures entraine la précipitation du sel de lithium (en particulier LiClO4) et donc une augmentation de

la polarisation [36]. Pour pallier ces problèmes de nombreuses recherches ont été effectuées en parallèle afin d’obtenir un électrolyte adapté à ce système [37], [38]. Le choix s’est porté sur un mélange de trois co-solvants dioxolane, diméthoxyéthane, et de dimethyl- imidazolidinone [39], permettant d’améliorer la conductivité à basse température, tout en limitant la précipitation du sel.

Les caractéristiques des composés CuS et FeS2 sont regroupées Tableau 1-3. Les

potentiels de ces matériaux sont comparables à ceux des sulfures lamellaires (autour de 2 V vs

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Li+/Li), cependant les mécanismes de conversion, incluant plus d’un lithium par métal de transition permettent d’atteindre des capacités plus importantes. En contrepartie les mécanismes de réduction entrainent une forte pulvérisation du matériau, limitant l’application aux piles.

Sulfures FeS2 CuS

Potentiel a (V vs Li+/Li) 1,6 1,7

Capacité (mAh/g) b 890 560

Densité d’énergie massique

(Wh/kg) c 1420 950

Densité d’énergie volumique

(Wh/l) 7,1 4,4 Coefficient diffusion (cm2/s) - - Conductivité électronique (S/cm) 15 10 3 Solubilité Li2S Li2S

Extension volumique - Importante

Tableau 1-3 : Caractéristiques des composés sulfures CuS et FeS2 utilisés en tant qu’électrode positive au sein d’une pile au lithium, d’après Gabano [31], [34]. a. Potentiel d’intercalation du lithium, b. Capacité de première décharge, c. Densité d’énergie semi-théorique, calculée à partir de la première

décharge.

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