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Chapitre 1 : le grand retour des sulfures ?

4. Un retour vers les sulfures ?

4.1. Le lithium-soufre

La batterie Li/S se compose d’une électrode positive de soufre élémentaire S8 (et

d’additifs conducteurs et polymères), d’un électrolyte organique et de lithium métallique à la négative. Le soufre élémentaire est un solide moléculaire : il est constitué de molécules cycliques à 8 atomes de soufres, associées entre elles par des liaisons de Van der Waals. A température ambiante, le soufre élémentaire se présente sous sa forme thermodynamique la plus stable : une phase α qui cristallise dans un réseau orthorhombique, avec 4 molécules de S8 par maille. Il réagit avec le lithium selon l’Équation 1-10. Deux électrons sont échangés par

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atome de soufre, menant à la formation de sulfure de lithium. Le potentiel moyen de fonctionnement reste relativement bas en comparaison avec les oxydes : 2,1 V vs Li+/Li, cependant la capacité théorique est conséquente : 1675 mAh/g. La structure moléculaire du soufre élémentaire ainsi qu’une courbe de décharge classique d’un accumulateur Li/S sont représentés Figure 1-20.

Équation 1-10 : 16 Li + S8  8 Li2S

Figure 1-20 : a) Soufre élémentaire S8, b) Courbe de décharge d’un accumulateur Li/S, d’après Barchasz [4].

Le système Li/S présente un mécanisme de décharge original, qui ne peut être qualifié ni d’insertion, ni de conversion ou d’alliage. En effet, la majeure partie de ce mécanisme de réduction s’effectue en solution : la matière active passe successivement de l’état solide à soluble. On parle alors de catholyte [75]. Au cours de la décharge, les molécules cycliques S8

sont tout d’abord réduites en chaines linéaires de polysulfures de lithium de type Li2Sn avec n

variant entre 6 et 8. Ces polysulfures sont solubles dans l’électrolyte : on a donc une solubilisation de la matière active et la production de polysulfures à chaines longues en solution. Au fur et à mesure de la réduction, la longueur de chaine de ces polysulfures diminue, menant à la formation de composés tels que Li2S5, Li2S4 ou encore Li2S2. Au cours

de la dernière étape de réduction, le composé final Li2S est formé. Ce composé est insoluble

dans les électrolytes organiques ; on a donc précipitation de la matière active soufrée [76]. Les mécanismes exacts de réduction du soufre ne sont pas encore bien compris. De nombreuses réactions ont lieu en solution et rendent complexe l’étude de ces polysulfures.

Capacité /u.a Pote n ti el v s Li +/ L i a) b)

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Les batteries Li/S souffrent de plusieurs limitations. Tout d’abord le soufre est isolant, sa faible conductivité électronique (5.10-30 S/cm) oblige l’utilisation d’additifs conducteurs et les régimes de décharges sont souvent limités. Les densités d’énergie volumiques sont également plus faibles que celles atteintes avec les oxydes. Aussi, les applications portatives ne semblent pas envisageables pour ce type de système. Les verrous les plus importants résident cependant dans la nature même des produits de réduction. La formation des polysulfures entraine une perte de réversibilité. Plusieurs phénomènes sont à l’origine de cette perte en cyclabilité :

- Le caractère isolant de Li2S. Sa précipitation en fin de décharge entraine la formation

d’une couche de passivation qui rend partiellement inactive l’électrode positive [77]. - La dissolution des polysulfures au sein de l’électrolyte. Cette dissolution entraine une

augmentation de la viscosité du solvant, et la mobilité des ions est diminuée [75]. Ces mêmes polysulfures dissous peuvent diffuser au travers du séparateur et corroder l’électrode négative, entrainant l’autodécharge de la batterie [78].

- Le mécanisme de navette redox qui provoque une surcharge de l’accumulateur. Les polysulfures à chaines courtes insolubles sont oxydés durant la charge en polysulfures à chaine longues solubles. Ces derniers peuvent traverser l’électrolyte et le séparateur jusqu’au lithium métal où ils se réduisent en polysulfures à chaines courtes. Ces polysulfures diffusent ensuite de nouveau vers l’électrode positive et sont oxydés, ainsi de suite. Ce mécanisme fixe le potentiel de l’accumulateur, les réactions aux électrodes sont dictées par la navette redox : l’accumulateur se retrouve en surcharge (représentée Figure 1-21).

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-

Figure 1-21 : Courbes de charge galvanostatique de deux batteries Li/S, avec en rouge une courbe de charge classique et en noir une courbe de surcharge, d’après Barchasz [4].

Historiquement, les premiers électrolytes utilisés pour le Li/S étaient composés d’éthers, tels que le 1,3-dioxolane (DOL), le tétrahydrofurane (THF) ou de glymes tel que le 1,2- diméthoxyéthane (DME) [75], [71], [17]. Ces solvants permettent une bonne solubilisation des polysulfures et assurent également la formation d’une couche de passivation stable à la négative. Leurs fenêtres de stabilité électrochimique en oxydation, s’adaptent parfaitement au Li/S, bien que leur potentiel d’oxydation soit plus faible que celui des carbonates : (< 4 V contre 4,5 V vs Li+/Li).

Contrairement au Li-ion, les électrolytes à base de carbonates ne sont pas employés pour le système Li/S. Ces derniers présentent une certaine réactivité vis-à-vis des polysulfures, entrainant une diminution rapide de la capacité au cours du cyclage [79]. Gao et al. proposent deux mécanismes réactionnels possibles (Figure 1-22) :

- un premier mécanisme d’attaque nucléophile de l’anion polysulfure sur l’éthylcarbonate,

- un second mécanisme menant à la formation d’un thioéther. Cette réaction est catalysée par des métaux alcalins, les hydroxydes et les carbonates [80]. Capacité (mAh/g) Po ten ti el v s Li +/ L i

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Figure 1-22 : Réactions proposées par Gao et al. entre un polysulfure et des carbonates, d’après [79].

Aussi, encore aujourd’hui les électrolytes à base d’éthers et de glymes sont couramment employés pour le système Li/S.

La compréhension des mécanismes de réduction du système Li/S, mais également de l’impact de l’électrolyte a permis de poser un regard nouveau sur les sulfures. Il en est de même du travail de structuration des composés oxydes de conversion. La preuve de la réversibilité des matériaux de conversion reportée récemment par Leroux [81] et Poizot [82], a redonné une impulsion à la recherche sur les sulfures pour les systèmes Li-ion.

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