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Chapitre 1 : le grand retour des sulfures ?

3. L’âge d’or des oxydes

3.1. Les oxydes lamellaires

L’utilisation d’oxydes lamellaires comme matériaux actifs a été proposée pour la première fois par Goodenough en 1980 [44]. Ces composés d’intercalation notés LixMO2 (avec M un

métal de transition), présentent des similarités structurales avec LiTiS2, bien qu’ils n’aient été

étudiés pour l’application batteries au lithium que bien après leurs homologues soufrés. Ces oxydes lamellaires lithiés présentent une structure cristallographique de type α-NaFeO2

(représentée Figure 1-13), où les feuillets de MO2 sont composés d’octaèdres de MO6

partageant leurs arêtes, tandis que les ions lithium occupent en position inter-feuillets les sites octaédriques. Le caractère covalent des liaisons M-O assure la stabilité de la structure hôte : les ions lithium qui forment des liaisons ioniques plus faibles avec l’oxygène peuvent ainsi diffuser au sein de la structure lamellaire [45]. Au sein de cette structure, les mécanismes de transport ont lieu le long des plans (00l) et sont donc bidimensionnels.

Figure 1-13 : Structure cristallographique des composés LixMO2, groupe d’espace R-3m1, avec Li en vert, O en rouge et M en violet, où M est un métal de transition.

Les métaux de transition impliqués dans cette famille d’oxyde lamellaire appartiennent principalement à la première ligne du bloc des métaux de transition (on peut compter également les éléments Ru, Mo et W). Le caractère ionique des liaisons M-O (à mettre en parallèle avec les liaisons M-S plus covalentes) densifie non seulement la structure de tels composés, mais mène également à des potentiels plus hauts que ceux des sulfures. La nature du métal de transition influe également fortement sur les potentiels atteints. La Figure 1-14

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représente l’évolution du potentiel redox en fonction du nombre d’électrons dans les orbitales

d du métal de transition. Sur une même ligne du tableau périodique, à valence et coordinance

égale, augmenter le nombre d’électrons des orbitales d revient à augmenter l’attraction électron-noyau et donc à réduire le rayon ionique. Aussi, l’énergie nécessaire pour arracher un électron est augmentée : le potentiel redox est plus haut.

Figure 1-14 : Evolution du potentiel en fonction de la nature du métal de transition et du nombre d’électrons dans ses orbitales d, d’après Park [46].

Ainsi, ces oxydes lamellaires ont l’avantage de présenter non seulement des potentiels élevés (supérieurs à 3 V vs Li+/Li, ce qui les rend moins sensibles à l’air) mais également des capacités massiques théoriques décentes (supérieurs à 200 mAh/g dans de nombreux cas). Ohzuku [14] met tout particulièrement en avant l’attractivité de ces oxydes en terme de capacité volumique. Il propose en 1994 l’utilisation du modèle des sphères dures pour déterminer les capacités volumiques théoriques des composés lamellaires LiMX2, avec X = O,

S, Se. En considérant une réaction d’intercalation totale sur un lithium selon l’Équation 1-6, le calcul du volume molaire de ces composés via le modèle des sphères dures (un empilement hexagonal compact des anions est utilisé) permet de remonter à la capacité volumique théorique.

Équation 1-6 : □MX2 + Li  LiMX2

Il n’est pas surprenant que les capacités ainsi trouvées soient bien meilleures dans le cas des oxydes (le rayon ionique de O2- étant plus faible que celui de S2-), rendant ces derniers plus attractifs pour des applications portatives. La Figure 1-15 reporte ces capacités volumiques théoriques.

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Figure 1-15 : La capacité volumique théorique (en Ah/cm3) en fonction du volume molaire (en cm3) de plusieurs composés MX2, d’après Ohzuku [14].

En 1991, SONY commercialise des batteries Li-ion composées de graphite à la négative et de LiCoO2 à la positive [47]. Cet oxyde a dominé le marché des matériaux d’électrode

positive jusque dans les années 2010 [23]. La Figure 1-16 représente les premières batteries Sony commercialisées ainsi que l’évolution du potentiel en circuit ouvert durant la charge du composé LixCoO2, mesuré par Mizushima [44]. On peut observer une première montée en

potentiel de x = 1 à 0,5. Cette montée correspond à une réaction d’intercalation en solution solide, où l’expansion volumique reste limitée (4%). Au-delà de cette valeur (x < 0,5), des changements structuraux ont lieu, entrainant une instabilité structurale et donc une diminution de la réactivité, et une perte en capacité. Aussi, LiCoO2 ne cycle réversiblement que sur 0,5

Li, contrairement aux sulfures lamellaires qui peuvent insérer réversiblement un lithium par métal de transition. La capacité du composé LiCoO2 est donc réduite à 50% de sa valeur

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Figure 1-16 : a) Photographie des premières batteries commercialisés par Sony, b) évolution du potentiel en fonction de la composition en lithium dans LixCoO2, d’après Mizushima [44].

Les oxydes lamellaires et dérivés souffrent également de mauvaises conductivités électroniques et ioniques. En particulier pour LixCoO2, la conductivité électronique varie

fortement avec la teneur en lithium, passant de métal à semi-conducteur au cours de la décharge, perdant ainsi plusieurs ordres de grandeur [48]. Cette faible conductivité rend nécessaire l’ajout d’additif carboné conducteur, et un travail de mise en forme de l’électrode, où la porosité permet d’assurer une bonne accessibilité des ions lithium et une bonne conductivité électronique dans l’épaisseur de l’électrode. Les poudres ne sont plus simplement pressées comme pour les sulfures mais dispersées dans des solvants avec les additifs carbonés et polymères pour former des encres qui sont ensuite enduites sur des collecteurs de courant en aluminium.

Le prix du cobalt a poussé la recherche à remplacer partiellement voire totalement le Cobalt par d’autres métaux de transitions, comme le nickel ou le manganèse. Pour une application de type véhicule électrique, le coût du matériau d’électrode positive est estimé à 18% du coût total du pack batterie [49]. A la tonne en 2019, le coût du cobalt fluctuait autour de 30 000 EUR/t contre 15 000 EUR/t et 500 EUR/t pour le Nickel et le Manganèse respectivement [50]. De nombreuses substitutions ont donc été réalisées, détaillées par Whittingham [51] entre autres. Des éléments tels que le nickel, le manganèse, le fer, l’aluminium, le chrome ou encore le magnésium ont été ajoutés avec succès. Parmi cette

V ol tage V v s L i + /L i x dans LixCoO2 a) b)

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effusion d’oxydes lamellaires, quelques compositions sont ressorties au cours des années 2000 et ont progressivement remplacé LiCoO2. Le composé LixNi1-y-zMnyCozO2 noté NMC

en fait partie. Les technologues ont pris l’habitude de nommer les NMC en fonction de leurs rapports de composition Ni/Mn/Co sachant qu’il y a 1 cation dans les sites octaédriques. (Ainsi le NMC 111 est LiNi0.33Mn0.33Co0.33O2 tandis que le 622 est LiNi0.6Mn0.2Co0.2O2).

Cette triple substitution a été proposée pour la première fois par Liu en 1999 [52]. La présence du cobalt reste nécessaire, car elle stabilise la structure (limite la diffusion du nickel dans les espaces inter-feuillet, [53]), et permet d’améliorer les performances en charge rapide (augmentation de la conductivité du composé). Le manganèse reste un cation spectateur et permet de diminuer le cout de la batterie. On retrouve actuellement le NMC dans de nombreuses batteries pour véhicule électrique (Renault Zoé, Chevrolet Bolt, Kia Soul etc) [54].

L’électrolyte de choix pour accompagner ces oxydes lamellaires a été le LP30, composé de LiPF6 dans un mélange équivolumique d’EC : DMC. Le choix des carbonates

s’est imposé principalement pour leur stabilité à haut potentiel mais également pour leur impact sur la SEI. Dahn [20] reporte en 1990 l’utilisation d’EC comme étant indispensable à la formation d’une SEI stable et à l’intercalation réversible du lithium dans le graphite. Le co- solvant DMC est ajouté afin de diminuer la température de fusion du mélange. Le choix du sel s’est donc fait suivant la nature de ce solvant : LiPF6 présente des propriétés de conductivités,

de stabilité à haut potentiel, de sécurité les plus acceptables dans ce mélange EC : DMC [18]. Les propriétés caractéristiques du NMC111 et NMC622 sont reportées plus bas au sein

du Tableau 1-4.

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