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Chapitre 1 : le grand retour des sulfures ?

2. Au commencement : les sulfures

2.1. Les sulfures lamellaires

Les disulfures lamellaires de métaux de transition ont été les premiers composés étudiés comme matériaux d’intercalation et d’électrode positive pour l’application batteries au lithium. TiS2 et MoS2 mis face à du lithium métal ont été les premiers dispositifs

commercialisés, par Exxon et MoliEnergy entre autres. Cette famille de sulfures présente une structure lamellaire constituée de doubles couches de soufre au sein desquelles le métal de transition se place en coordinance octaédrique ou trigonal prismatique. L’intercalation du lithium se fait au niveau de l’espace inter-lamellaire de Van der Waals, dans des sites cristallographiques bien précis pouvant être octaédriques, tétraédriques ou trigonal prismatiques [13]. Au sein de cette structure, un lithium par métal peut être intercalé réversiblement selon l’équation suivante (avec M le métal de transition) :

Équation 1-2 : MS2 + 1 Li +

+ 1 e-  LiMS2

Les métaux de transition impliqués dans cette famille appartiennent pour la plupart aux groupes 4 à 7 du tableau périodique et présentent des valences élevées (supérieures à 3) : Ti, V, Cr, Zr … La Figure 1-6 représente les structures cristallographiques de TiS2 et LiTiS2.

Dans ce cas, le lithium diffuse dans ces espaces de Van der Waals et se place en site octaédrique.

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Figure 1-6 : Structures cristallographiques de TiS2 (maille trigonal, groupe d’espace P-3m1) et LiTiS2, ainsi que le tableau périodique répertoriant les métaux de transitions impliqués dans la famille des

disulfures lamellaires, avec S en jaune, Ti en bleu et Li en vert.

Le Tableau 1-2 répertorie les caractéristiques de plusieurs sulfures lamellaires étudiés pendant la période 70-80 : potentiel d’oxydo-réduction, capacité, densité d’énergie etc. Les densités répertoriées ne prennent en compte que les masses et volumes de l’électrode positive. Ces matériaux ont principalement été étudiés face à du lithium métal, en limitant le potentiel à 1 V vs Li+/Li en décharge. Cette limitation en potentiel permet de s’affranchir des mécanismes secondaires de conversion à plus bas potentiel, mais également de la formation d’une couche de passivation (Solid Electrolyte Interphase [16]). Ainsi, seul le processus d’intercalation sur un lithium est pris en compte. Concernant ces sulfures lamellaires (Tableau 1-2), on peut tout d’abord noter qu’ils présentent des potentiels inférieurs à 2,3 V vs Li+/Li. Aussi malgré des capacités conséquentes, les densités d’énergie atteintes sont plafonnées à 460 Wh/kg théorique. Cependant, la grande force de ces matériaux est leurs bonnes conductivités ionique et électronique, qui permettent de s’affranchir de l’ajout d’additifs conducteurs lors de leur mise en forme. Ces deux propriétés sont liées à la covalence des liaisons métal- soufre qui permet d’une part une grande largeur de bande de conduction donc des bonnes mobilités électroniques et une bonne répartition des charges induites par les

TiS2 LiTiS2

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défauts ioniques donc une bonne mobilité ionique. Ce sont également des matériaux mous au sens mécanique. Typiquement, ces sulfures sont simplement pressés à chaud sur une grille de métal après ajout de liant en téflon qui permet d’assurer une bonne tenue mécanique [13].

Sulfures lamellaires TiS2 MoS2 Cr0,5V0,5S2 VS2 TaS2

Potentiel a (V vs Li+/Li) 1,9 1,3 2,3 2,1 1,5

Capacité (mAh/g) b 240 160 210 110 90

Densité d’énergie massique

(Wh/kg) c 460 200 480 230 134

Densité d’énergie volumique

(Wh/l) 1,5 1,1 2,2 1,1 0,9 Coefficient diffusion (cm2/s) 10-8 - - - 3.10-8 Conductivité électronique (S/cm) Solubilité - - - - - Extension volumique 10%

Tableau 1-2 : Caractéristiques de quelques sulfures lamellaires utilisés en tant qu’électrode positive au sein d’une batterie au lithium, d’après Whittingham [13] et Gabano [26]. a. Potentiel d’intercalation du lithium, b. Capacité au cours de la première décharge, c. Densité d’énergie semi-théorique, calculée à

partir de la première décharge et de la densité cristallographique.

Parmi ces sulfures, TiS2 reste le composé d’intercalation le plus intéressant et le plus

commercialisé. Il présente des caractéristiques qui en ont fait le matériau de choix dans les années 70 : une bonne réversibilité au cours du cyclage, une expansion volumique relativement limitée au cours de l’insertion (10%), mais également de bonnes capacités en charge rapide et une importante longévité même après avoir été stocké des dizaines d’années [27]. Aussi, TiS2 est un matériau à faible coût car les sources de titane sont déjà disponibles

(TiCl4 est un précurseur largement utilisé pour la synthèse de TiO2 ; utilisé pour les peintures),

et il reste insoluble dans de nombreux électrolytes organiques.

Le développement de ce système Li/TiS2 a été effectué en grande partie par les

groupes de recherches d’EIC Laboratories (Hollek et Driscoll [28]) et d’Exxon Corporation (Whittingham [13]) où le choix de l’électrolyte y était déjà une problématique forte. Au fil des années, deux électrolytes se sont distingués : LiClO4 ou LiB(C6H5)4 dans l’éther dioxolane

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proposé par Exxon et LiAsF6 dans du 2-méthyltétrahydrofurane proposé par EIC. La Figure

1-7 représente l’évolution de la capacité du système Li/TiS2 au cours du cyclage, pour chacun

de ces électrolytes [29]. Une nette amélioration des performances est observée lorsqu’un électrolyte à base de dioxolane est utilisé, même à des courants de charge importants (10 mA/cm2). Ces différences ont été attribuées à la plus faible conductivité ionique des ions lithium dans le 2Me-THF [26].

Figure 1-7 : Evolution du nombre de lithium intercalé en fonction du nombre de cycle de charge/décharge dans a) un électrolyte à base de LiClO4 dans dioxolane et b) LiAsF6 dans 2-Me-THF,

d’après Whittingham et Panella [29].

Cette recherche conjointe entre le matériau d’insertion et l’électrolyte approprié aura permis à Exxon de commercialiser des cellules prismatiques de 45 Wh (représentées Figure 1-8).

Figure 1-8 : Pack de batterie Li/TiS2 présenté par Exxon au salon Chicago Electric Vehicles en 1977. Chaque cellule présente une capacité de 45 Wh, et est composée d’un électrolyte à base de LiClO4

dans du dioxolane, d’après Whittingham [23]. LiClO4 dans dioxolane

a)

LiAsF6 dans 2-Me-THF b)

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