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Chapitre II. : Quelle réactivité attendue pour l’hydrogène ?

II.3. Les espèces réactives: considérations cinétiques

II.3.2. Les sulfates et les sulfures

L’intérêt de l’étude du système soufre dans le contexte du Callovo-Oxfordien revêt une grande importance car un déséquilibre redox induit par la présence de l’hydrogène sur la spéciation du soufre engendrerait des modifications géochimiques majeures.

En effet, les prévisions thermodynamiques montrent qu’en présence d’hydrogène les sulfates (Eq. 2.6) ainsi que la pyrite (Eq. 2.7) sont impliqués dans des réactions redox produisant de

l’H2S.

SO42- + 4 H2 + 2 H+ = H2S + 4 H2O (Eq. 2.6)

FeS2 + (1-x) H2 = FeS1-x + (1-x) H2S (avec 0<x<0.125) (Eq. 2.7)

Les sulfates sont des espèces aqueuses majeures et la célestine (SrSO4) est un minéral en

équilibre avec l’eau porale de la formation. La pyrite est présente à hauteur de 1% environ dans l’argilite.

II.3.2.1. Les sulfates

Réaction homogène en phase aqueuse

L’hypothèse de la réduction des sulfates par H2 (Eq. 2.6) avait déjà été émise dans le cadre

d’une étude menée par le département d’état à l’énergie américain (DOE) sur un projet de stockage géologique des déchets radioactifs de haute activité intitulé Salt Repository Project (SRP). Une revue bibliographique relativement complète sur la réduction des sulfates dans le milieu naturel avait alors été réalisée (Mahoney and Strachan, 1987). Leurs conclusions indiquaient que la réduction des sulfates par l’hydrogène est possible de manière relativement rapide (quelques jours) à des températures supérieures à 200°C. Cependant les questions relatives à la cinétique ainsi qu’aux paramètres d’activation de la réaction restaient ouvertes. Les seules extrapolations cinétiques à basse température (autour de 100°C) confirmées par des observations géologiques sont celles réalisées dans le cadre de la TSR (Thermal Sulfate Reduction). Ces calculs basées sur des mesures de réductions des sulfates par des composés organiques, indiquent des temps de demi-vie pour le sulfate entre 100.000 et 200.000 ans pour des températures autour de 100°C (Kiyosu and Krouse, 1993; Goldhaber and Orr, 1995, Cross et al., 2004 ; Zang et al., 2008). L’énergie d’activation de la réaction est très élevée (entre 150 et 200 kJ/mol) ce qui implique une très forte dépendance vis-à-vis de la température (Figure II-7). Les paramètres qui contrôlent la cinétique sont encore mal connus mais il apparaît que

la présence d’H2S et un pH acide sont requis pour initier la réaction.

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 1.40 1.50 1.60 1.70 1.80 1.90 2.00 2.10 2.20 2.30 1000/T (K) L o g t 1 / 2 S u lf a te ( h e u r e s )

Goldhaber and Orr, 1995 C ross et al., 2004 Kiyusu and Krouse, 1990 Kiyosu, 1980

Thom and Anderson, 2007

300°C 250°C 200°C

Figure II-7 : Diagramme d’Arrhenius représentant le log du temps de demi-vie du sulfate obtenu lors d’études expérimentales de TSR en fonction de l’inverse de la température de réaction (1000/T en Kelvin).

Toute la question est de savoir si ces cinétiques de réduction des sulfates par la matière organique sont applicables à l’hydrogène. La possibilité d’une telle réaction dans le contexte du stockage sur une période correspondant à la production d’hydrogène nécessite d’être évaluée plus en détail.

De plus, l’éventualité d’une catalyse de la réaction par des phénomènes de sorption ou d’interactions électrostatiques par exemple, avec des minéraux présents dans la formation n’est pas à exclure.

Réaction catalysée par les argiles non ferrifères

Les argiles de par leurs propriétés de sorption et leur acidité de surface sont des minéraux présentant des caractéristiques de premier ordre dans le cadre d’une éventuelle catalyse de la réaction de réduction des sulfates (Laszlo, 1987; Schoonen et al., 1998).

Réaction catalysée par la magnétite

La magnétite n’est pas un oxyde présent dans la formation du Callovo-Oxfordien, mais son étude en tant que catalyseur de la réduction des sulfates présente un intérêt dans le contexte du stockage géologique à plusieurs égards. D’abord parce que la magnétite constitue un produit de corrosion des aciers (champ proche) et ensuite parce que son rôle catalytique dans la réduction de nombreuses espèces a déjà été démontré dans plusieurs études pour des températures supérieures à 300°C (Sala, 1991, Shvedov et Tremaine 2000) et entre 125 et 275°C (Mansour, 2008).

En réalisant deux expériences de sorption de sulfate à la surface de la magnétite en présence

d’hydrogène à 125 et 275°C, Mansour (2008) montre que des formes réduites du soufre (HS-,

H2S, troilite) apparaissent au bout de quelques heures de contact. Elle fait l’hypothèse que la

magnétite agit comme un catalyseur de la réduction des sulfates mais note toutefois que l’équilibre thermodynamique n’est pas atteint. Les propriétés catalytiques de la magnétite sont

reliées à la faible occupation des sites et à l’interchangeabilité des ions Fe2+ et Fe3+ dans les

sites octaédriques. Ainsi, en présence d’hydrogène, les ions Fe3+ dans les sites octaédriques

sont réduits en Fe2+. Cette réaction est facilitée par l’interchangeabilité des ions Fe3+ et Fe2+.

stœchiométrie résultant de cette réaction entraîne une instabilité du matériau et donc une réoxydation en présence d’un oxydant, en l’occurrence les ions sulfate qui se réduisent en sulfure. Par ce mécanisme on comprend que l’hydrogène n’est pas directement responsable de la réduction des sulfates contrairement aux expériences décrites précédemment en milieu homogène. Par contre le fait que l’hydrogène puisse réduire le Fe(III) à basse température (125°C) est un élément nouveau qui peut susciter un intérêt pour la compréhension de la réduction du Fe(III) des argiles.

La cinétique de réduction des sulfates par l’hydrogène est donc très mal connue et nécessite une évaluation précise. Le chapitre V est dédié à l’étude de cette réaction. La réaction homogène en phase aqueuse ainsi que la réaction catalysée par les argiles non-ferrifères, la magnétite ou la pyrite font l’objet de trois études distinctes dans ce chapitre.

II.3.2.2. La pyrite

Un minéral sulfuré d’intérêt également susceptible d’être réduit par l’hydrogène est la pyrite

(Eq. 2.7). La pyrite (FeS2), bien que présente en faible quantité, est un oxydant potentiel pour

l’hydrogène en raison du degré d’oxydation (-1) du soufre, susceptible de se réduire en S(-2). Cette réduction conduit à la transformation de la pyrite en pyrrhotite associée à une

production d’H2S.

La pyrite et la pyrrhotite sont connues pour coexister dans des environnements réducteurs (Hall, 1986) mais aucune étude relative à cette réaction aux températures qui nous intéresse n’est disponible à notre connaissance. Il faut toutefois noter que la réduction de la pyrite en pyrrhotite a fait l’objet de recherche dans le domaine de la thermogravimétrie à des températures allant de 350 à 700°C (Wiltowski et al., 1987, Lambert et al., 1998). Cependant les conclusions de ces études ne peuvent pas être extrapolées au stockage des déchets radioactifs pour deux raisons : la première est la gamme de température très élevée et la deuxième est l’absence d’eau dans le dispositif expérimental. En effet la technique de thermogravimétrie utilisée dans ces études consistait à suivre la perte de masse associée à la

transformation de la pyrite en pyrrhotite sous l’effet de la chaleur et sous plusieurs bars d’H2.

Dans ce contexte la vitesse de réaction est liée à deux phénomènes : la décomposition thermique de la pyrite et la réaction entre l’hydrogène et les atomes de soufre à la surface de la pyrite via un mécanisme d’adsorption-désorption.

A une autre échelle, par des considérations faisant appel à la théorie des orbitales moléculaires Rickard et Luther (1997) montrent que la pyrite et l’hydrogène peuvent réagir en formant un complexe activé. Par cette démonstration, ils expliquent les quantités non stœchiométriques

d’hydrogène mesurées lors d’expériences d’oxydation des mono-sulfures de fer par H2S (Eq.

2.8).

FeS + H2S FeS2 + H2 (Eq. 2.8)

Là encore, la connaissance de la réactivité de l’hydrogène avec la pyrite semble être très faible et nécessite des investigations plus approfondies.

Le chapitre VI est consacré à l’étude de la réduction de la pyrite par l’hydrogène.