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4.3 Spécificités du modèle pour tirer parti des simulations paléos

4.3.2 Le suivi de traceurs intégré à la modélisation glaciologique

Comme nous l’avons signalé, une des informations les plus fiables que nous ayons sur l’his-toire passée du Groenland est enregistrée à l’intérieur même de ses glaces. Les différents forages donnent une information autant temporelle (à travers l’âge des différentes couches), que spatiale (présence ou non de glace à telle ou telle époque). Pour confronter ces observations terrains aux reconstructions de notre modèle de glace nous avons à notre disposition l’outil de suivi de traceurs, qui nous permet de suivre une particule de glace depuis sa déposition jusqu’à son évacuation (fonte ou calving). Nous avons au cours de ce travail ré-implémenté le module de traceurs développé par Nicolas Lhommeau cours de son doctorat (2004)4.

Principe : choix de la formulation

L’objectif du module de suivi de traceurs est de pouvoir fournir pour toute particule de glace (en l’occurrence un point de grille de GRISLI) l’information sur la localisation de sa déposition (XdepetYdep) ainsi que sur la date de sa déposition (tdep). Notons que l’altitude à laquelle s’ef-fectue la déposition peut être ensuite déduite directement du modèle de glace car celui-ci fournit les variations d’altitude dans le temps.

Le transport des particules de glace est un problème d’advection. La résolution de ce type d’équa-tion peut se faire de plusieurs manières, notamment en suivant une vision eulérienne (à grille fixe) ou lagrangienne (en suivant le mouvement). L’équation de transport, pour la variableΨ(pouvant êtreXdep,Ydepoutdep) dans ces deux approches est :

∂Ψ

∂t +∇(Ψu) =0 formulation eulérienne

dt =0 formulation lagrangienne (4.6)

Les modèles de glace étant écrits dans un cadre eulérien, c’est cette version qui est la plus na-turelle. Cependant, l’advection introduit des instabilités numériques dans les schémas eulériens (Vreugdenhil et Koren, 1993), instabilités qui sont souvent contournées en ajoutant un terme ar-tificiel de diffusion. Le problème de stabilité du schéma eulérien dans la modélisation de suivi isotopique dans un modèle de calotte tri-dimensionnel a été mis en évidence dansGreve(1997b). De plus, bien que la glace soit un matériau continu, l’écoulement en un point peut être la con-séquence de la rencontre de différents flux, de différentes origines. La définition de gradients continus, indispensable au schéma eulérien n’est pas assurée dans ces conditions. Enfin, une autre source d’instabilité provient de la non-continuité d’une des conditions aux limites : le bilan de 4. Cette ré-implémentation du code deLhomme(2004) a suivi la structure modulaire de GRISLI afin d’en rendre son utilisation possible quelle que soit la géométrie considérée. Ainsi, cette implémentation est maintenant pérenne dans le modèle, quelle que soit la calotte étudiée.

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masse de surface. D’une année sur l’autre, on peut passer d’un bilan positif, à un bilan négatif, provoquant ainsi une discontinuité, qui se propage ensuite vers le bas.

Le schéma lagrangien apparaît donc comme une alternative particulièrement adaptée car elle per-met de s’affranchir de tous les problèmes de discontinuité.Rybak et Huybrechts(2003) compar-ent les approches eulériennes et lagrangiennes. Ils montrcompar-ent que l’approche lagrangienne est plus adaptée aux modèles de calotte polaires mais elle présente principalement deux inconvénients majeurs. Le premier est tout d’abord que les champs lagrangiens doivent être interpolés sur la grille du modèle de glace et que cette interpolation conduit à une erreur qui peut être relative-ment importante. Ensuite, le deuxième problème vient de la formulation du schéma lui-même : la divergence importante de flux à basse altitude entraîne une dispersion de l’information en terme de traceurs. Ainsi, de vastes zones peuvent se retrouver dépourvues de particules de glace advec-tées. Pour remédier à ce problème,Rybak et Huybrechts(2003) suggèrent d’augmenter le nombre d’itérations (le nombre de trajectoires), et par conséquent le coût numérique. Un des enjeux est également le stockage des différentes trajectoires, pour pouvoir utiliser une distribution suffisam-ment régulière.

Le schéma semi-lagrangien

Le schéma proposé parClark et Mix(2002) et implémenté parLhomme(2004) est un schéma semi-lagrangien. Dans cette approche les quantités sont évaluées sur la grille fixe du modèle de glace. A partir de l’information sur la grille au tempst, on calcule la rétro-trajectoire (x,y,z), au tempst−∆t, à partir du champ de vitesse (ux,uy,uz) du modèle de glace par :

   x(t−∆t) =x(t)−ux(x,y,z,t)∆t y(t−∆t) =y(t)−uy(x,y,z,t)∆t z(t−∆t) =z(t)−uz(x,y,z,t)∆t (4.7)

La position précédente ainsi obtenue n’est pas nécessairement localisée sur la grille du modèle de glace et une interpolation est nécessaire. Nous effectuons dans notre cas une régression tril-inéaire. En calculant les rétro-trajectoires de tous les points de grille du modèle de glace il est ainsi possible de transporter les quantités Ψ (Xdep, Ydep ou tdep) depuis la localisation définie par les retro-trajectoires àt−∆tvers les points de grille au tempst. Le développement complet des équations et des spécificités de ce type de problème est disponible dans la thèse deNicolas

Lhomme(2004).

L’approche semi-lagrangienne pour le suivi de traceurs dans un modèle de glace a déjà été ap-pliquée avec succès parClark et Mix(2002). Le module utilisé lors de travail a été calibré, validé et testé lors de la thèse deN. Lhomme(2004). Il a été également utilisé sur le Groenland en vu de contraindre son histoire climatique et sa contribution au niveau des mers (Lhomme et al., 2005).

Conditions aux limites

– Conditions en surface.

Le modèle de suivi de traceurs est directement nourri par le bilan de masse de surface. Là où le bilan de masse est positif, l’âge de la glace en surface prend la valeur courante du temps

dans la simulation. Lorsque les bilans de masse en surface sont négatifs, la vitesse verticale est alors dirigée vers le haut et les rétro-trajectoires vont vers des couches de glace situées en profondeur, et donc d’âge plus important. La procédure permet donc de faire “remonter” des couches plus anciennes.

– Conditions à la base.

Lorsque la base est froide l’âge n’est pas modifié, cette grandeur est simplement advectée en suivant les vitesses prescrites par le modèle de glace (mais en général, la vitesse basale est nulle pour la base froide). Dans le cas d’une base tempérée, la fusion, si elle existe, est traitée globalement de la même manière que les bilans de masse en surface négatifs. La vitesse verticale est supposée égale à la fusion. Ainsi, les retro-trajectoires vont viser des couches supérieures, plus jeunes, avec suppression des plus vieilles strates. Notons que le cas du regel n’est pas traité explicitement. En effet, considérer un âge “remis à zéro” et donc une inversion du profil des âges n’est pas réaliste, et non observé dans les carottages. Une condition artificielle est appliquée pour ne pas modifier l’âge à la base (on conserve l’âge que la couche avait avant le regel).

– Conditions initiales.

Il s’agit de définir les valeurs des variables 3DXdep,Ydep,tdepdans l’ensemble de la calotte. La position de déposition initiale (Xdep,Ydep) est considérée uniforme selon la verticale. Pour l’âge initial de la glace, a0, à la profondeur h (axe dirigé vers le bas), nous avons utilisé une forme analytique simplifiée proposée parNye(1957) :

a0(h) = hZ=h h′=0 1 λ(h)dh (4.8)

Avecλl’épaisseur d’une couche annuelle.

Dans l’approximation d’une valeur d’accumulation constante au cours du temps (acc0égale à la valeur actuelle) on peut montrer, en intégrant l’équation précédente, que l’âge est relié à la profondeur et au taux d’accumulation de façon logarithmique (formule deNye, 1957). Pour éviter les valeurs infinies à la base, nous avons rajouté une fusion basale fictive faible (f0de 0,1 mm/an) et une limite sur l’âge de la glace (1 million d’années).

L’expression de l’âge initial selon la profondeur (z, axe dirigé vers le haut) dans GRISLI s’exprime donc comme :

a0(z) =H log(1− z

H(1− f0

acc0))

acc0−f0 (4.9)