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Ea R 1 TfT1 (2.13) avec T la température de l’élément de volumedv,Tf la température de fusion de la glaceEa l’énergie d’activation etRla constante des gaz parfaits. L’exposantnest la plupart du temps pris comme égal à 3 pour la glace.

Rappelons que la loi de Glen est une loi empirique obtenue à partir d’essais mécaniques en labora-toire. Cependant à l’intérieur d’une calotte les contraintes déviatoriques sont souvent plus faibles que celles imposées dans ces essais, de plus elles s’exercent sur des périodes temporelles non reproductibles en laboratoire. Enfin, plusieurs processus peuvent intervenir dans la déformation : montée des dislocations, recristallisation, grossissement, des cristaux, etc. La plupart des modèles de calotte polaire s’accordent à utiliser une valeur de l’exposant n = 3. Cependant d’autres travaux suggèrent une valeur plus faible lorsque les contraintes sont faibles (Duval et Lliboutry, 1985; Pimienta, 1987). Une des particularités du modèle GRISLI est de pouvoir utiliser une loi de Glen polynomiale, combinant plusieurs valeurs de l’exposant n avec chacun leur valeur d’énergie d’ac-tivation (Ritz, 1992). Dans la suite nous utiliserons majoritairement la combinaison d’une viscosité dite de Glen à exposant 3 avec une viscosité linéaire, dite newtonienne (Dumas, 2002). Dans ces conditions le taux de déformation s’écrira donc :

2 ˙εi j= BAT12BAT3 τi j (2.14)

2.5 Écoulement et modélisation

Le problème tel que nous l’avons posé précédemment est numériquement solvable. En effet la combinaison de l’équation de conservation de la masse et de la loi de comportement (loi de Glen) nous permet de calculer le champ de vitesses pour des conditions aux limites données (frottement basal, bilan de masse de surface et fusion à la base de la calotte). La résolution complète de ce jeux d’équations est effectuée par des modèles de type “Full-Stokes”. Ces modèles sont extrêmement coûteux en termes de temps de calcul et ont longtemps été réservés exclusivement aux applications de petite échelle, comme la modélisation d’un glacier en particulier. Cependant très récemment ce type de modèle commence à être appliqué pour des calottes entières (Seddik et al., soumis). Mais là encore les applications sont pour le moment restreintes : les simulations sont encore limitées car pour un code parallélisé et pour un maillage de plus 320 000 éléments, il faut globalement entre 4 à 6 jours de temps-processeur pour une simulation de 100 ans (Hakime Seddik, communi-cation personnelle). Ce type de modèle est toutefois appelé à se développer dans le futur. Ainsi, à l’heure actuelle, nous avons encore un très grand besoin d’avoir recours à des approximations pour diminuer significativement le temps de calcul, notamment lors d’applications paléoclimatiques qui nécessitent des simulations couvrant plusieurs dizaines de milliers d’années.

2.5.1 Approximation de la couche mince

L’approximation de la couche mince (en anglais Shallow Ice Approximation, ici écrit SIA) est l’approximation la plus naturelle concernant l’écoulement des calottes polaires. Elle met à profit la forme particulière d’une calotte polaire, en considérant le rapport d’aspect. Ce rapport d’aspect est

2.5. Écoulement et modélisation 37

le rapport entre la longueur caractéristique horizontale et la longueur caractéristique de l’échelle verticale. Le Groenland s’étend sur plus de 2000 kilomètres du sud au nord et d’environ 1000 kilomètres dans sa plus grande largeur. Sa profondeur est au maximum d’environ 3 kilomètres. Le rapport des longueurs, verticale sur horizontale, est donc effectivement très faible. L’utilisation de ce rapport d’aspect négligeable va permettre de simplifier notablement les équations (Hutter, 1983;Morland, 1984). Une dérivation des équations à l’ordre 0 (SIA0) pour ce type de problème a été publiée la première fois parBodvarsson(1955). Nous allons ici présenter “avec les mains” le développement de l’ordre 0.

Une façon simple d’expliquer cette approximation consiste à exprimer que, en raison du petit rapport d’aspect, les dérivées horizontales peuvent être négligées devant les dérivées verticales. En terme de vitesses de déformation, cela signifie queεxxzzxysont négligeables devantεxz et εyz. En raison de la relation visqueuse, ces inégalités se retrouvent pour le déviateur des contraintes ,τxyxyzsont négligeables devantτxz etτyz. Il en découle que dans les équations d’équili-bre 2.6), les termes de cisaillement verticalτxzetτyzsont prépondérants par rapport aux efforts de traction horizontale.

Dans ces conditions les contraintes peuvent donc s’écrire :

   τxz=ρgSx(S−z) τyz=ρgSy(S−z) (2.15)

La démonstration rigoureuse de la SIA (voir thèse deMartina Schäfer (2007)), donne accès aux termes des ordres supérieurs de l’approximation et certains modèles dits “higher order” utilisent ces ordres supérieurs (Pattyn, 2003).

L’équation 2.9 appliquée à la déformation ˙εxzpermet de retrouver le profil de vitesse le long d’une colonne de glace. En effet, toujours en négligeant∂uz

∂x devant ∂ux ∂z : ux(z) =uxb+ zZ=−B z=−S 2 ˙εxzdz (2.16)

L’expression de ˙εxzdécoule de la loi de comportement (équation 2.14) et de l’équation 2.16 précé-dente. La composante y du profil de vitesse présente une expression similaire, écrit à partir de ˙εyz. L’enjeu dans cette équation est d’avoir une idée de la vitesse basaleub. On trouve deux approches pour calculer la vitesse basale.

La première approche, la plus ancienne, consiste à utiliser une loi de glissement dans laquelle la vitesse basale dépend de la contrainte tangentielle à la base et (éventuellement) de la pression d’eau. Cette approche intuitive traduit l’importance de la température à l’interface glace-socle. En effet une base froide (en dessous du point de fusion) est ancrée au sol et présente un frottement maximal alors qu’une base au point de fusion (tempérée), avec un frottement plus faible, est sus-ceptible de glisser sur le socle. Toutes ces lois de glissement sont soit des lois basées sur des socles idéalisés (Weertman, 1979), soit des lois empiriques déduites d’observations sur des petits glaciers

(Bindschadler, 1983). Les formes de ces lois sont globalement similaires et font intervenir non pas directement la température mais plutôt la pression hydraulique à la base de la calotte (en sachant que pour avoir de l’eau liquide, il faut être au point de fusion) :

ub=A ταb

Nβ (2.17)

avec N la pression effective,N=ρH−ρwHw(avecHwla hauteur d’eau sous glaciaire). La contrainte basaleτb, qui pourra prendre plusieurs formes comme nous pourrons le voir, mais qui s’écrit simplement dans le contexte de l’approximation SIA :(τb)x,y= (τxzyz)|B. Les exposants αetβvarient d’un auteur à l’autre. Le facteurAest un facteur d’ajustement qui permet notamment d’englober la rugosité du socle par exemple. Cette formulation pose cependant des problèmes (par exemple la vitesse devient infinie lorsque la pression effective est nulle, comme lorsque la glace se met à flotter). C’est pourquoi, bien que diverses lois de glissement soient codées dans le modèle, elles ne sont plus utilisées (si ce n’est dans le cadre d’expériences d’intercomparaison).

L’autre formulation du glissement, valide pour les écoulements rapides, est décrite ci-dessous. 2.5.2 L’approximation pour les écoulements rapides

Comme nous l’avons signalé, l’approximation précédente consiste à négliger les variations horizontales devant les variations verticales. Cependant, comme nous le verrons plus en détail par la suite, la dynamique des calottes polaires est loin d’être homogène. De véritables fleuves de quelques kilomètres sont en effet présents sur la majorité du pourtour de la calotte. Dans ces fleuves de glace les vitesses peuvent être très importantes alors que la pente de la surface est généralement faible. Les contraintes longitudinales, de par des gradients de vitesses horizontales importants, et la contrainte de cisaillement horizontale, de par la faible largeur du fleuve, sont primordiales. Le faible frottement à la base rend même le cisaillement vertical négligeable devant ces contraintes. La même configuration dynamique est observable au niveau des langues de glace flottante (souvent désignées “ice-shelves” en anglais dont nous parlerons plus en détails dans la suite de ce chapitre). Dans ces deux régions, à écoulement rapide, les contraintes de cisaillement vertical sont négligeables devant les contraintes longitudinales et de cisaillement horizontal. C’est-à-dire que la situation est exactement inversée par rapport à la SIA.

L’hypothèse qui revient à négliger le cisaillement vertical, et donc à présumer que la vitesse hor-izontale est indépendante de la profondeur, est connue en tant que Shallow Shelf Approximation (SSA). Elle a été formulée pour les fleuves de glace et les langues de glace flottante une première fois parMacAyeal(1989) et a été implémentée dans le modèle GRISLI lors des travaux de Romme-laere et Ritz(1996) etRommelaere(1997). Là encore il s’agit d’une approximation de la couche mince car l’utilisation du faible rapport d’aspect nous permet de négliger les vitesses verticales devant les vitesses horizontales (voirRommelaere, 1997 pour un développement adimensionnel rigoureux). L’équation régissant les vitesses dans cette approximation s’écrit :

       ∂x 2 ¯ηH(2 ∂ux ∂x +uy ∂y)+y η¯H(ux ∂y +uy ∂x)=ρgH Sx−τbx ∂y 2 ¯ηH(2 uy ∂y +ux ∂x)+x η¯H(uy ∂x +ux ∂y)=ρgH Sy−τby (2.18)

2.5. Écoulement et modélisation 39

où ux et uy sont les vitesses à n’importe quel niveau de la couche de glace (puisqu’elles sont indépendantes de la profondeur). Le frottement basalτb est nul pour les langues de glace flottantes car on suppose nulle la résistance au glissement de la surface de l’océan (ou des lacs péri-glaciaires). Pour les fleuves de glace ce frottement basal est un réel enjeu. Pour un sédiment permettant une déformation visqueuse,MacAyeal(1989) propose une relation proportionnelle du frottement basale avec la vitesse basale :

   τbx=−βubx τby=−βuby (2.19)

Avec le facteurβpositif. Dans GRISLI ce facteur est directement relié à la pression effective de l’eau sous le fleuve de la glace par :β=cfN. Le coefficient de glissementcf étant un paramètre à ajuster dans le modèle.

Il faut signaler que cette approche ne fait pas l’unanimité parmi les glaciologues et que d’autres approches sont possibles. Notamment certains auteurs suggèrent un facteurβnon-linéaire dépen-dant de l’amplitude de la vitesse (Kamb, 1991, 2001; Tulaczyk et al., 2001). Certains auteurs préconisent également l’utilisation d’une loi plastique pour le frottement basal, munie d’un effet de seuil (Schoof, 2006). L’expression duβpeut également directement être calculé par des méth-odes d’inversion à partir des vitesses de surface observées (Joughin et al., 2004).

Pour résoudre le système d’équations 2.18 de l’approximation SSA, il faut se doter d’une paire de conditions aux limites latérales. Celles-ci proviennent là encore de la formulation deMacAyeal (1989) :

– La première condition aux limites fait l’hypothèse que le cisaillement parallèle au front est nul. Cette condition est réalisée lorsque la glace flottante (ou le fleuve) est non-confinée et que l’on néglige l’effet des courants marins (ou plus évidemment de l’air).

∂ux

∂y +uy

∂x =0 (2.20)

– La seconde condition considère l’équilibre des forces sur le front du glacier, que ce front soit marin ou terrestre. Pour la glace flottante, il s’agit de l’équilibre entre les contraintes longitudinales et la différence entre la pression de la glace et la pression hydrostatique ex-ercée par l’eau sur le front. Lorsque le bord est terrestre, le principe est le même mais la pression de l’eau est remplacé par du frottement basal.

2 ¯ηH ∂ux ∂x +uy ∂y =ρgH 2 2 −ρwg(sealevel−B)2 2 −τb (2.21)

2.5.3 Les modèles hybrides

Les premiers modèles de calotte polaire 3D appliqués à l’intégralité d’une calotte polaire (Huybrechts, 1990 pour l’Antarctique etHuybrechts et al., 1991 pour le Groenland) se basaient intégralement sur l’approximation de la couche mince. Les modèles d’écoulements rapides ont dérivés tout d’abord des schématisations des langues de glace flottantes (Weertman, 1957; van der Veen, 1986). Ils ont ensuite suggéré que les fleuves de glace peuvent être comme des langues de glace flottantes frottant sur le socle, des extensions pour les fleuves de glace ont été formulées

(MacAyeal, 1989). L’intérêt de combiner ces deux approches est évidente : permettre une meilleure représentation des diverses rhéologies des calottes polaires.

Tout comme l’approximation SIA, les modèles d’écoulement rapides SSA, reposent sur une ap-proximation de la couche mince. Cependant elles prennent leurs sources dans deux directions diamétralement opposées : l’importance des cisaillements verticaux ou horizontaux. Elles ne se donc en aucune façon compatibles et transcrivent deux types d’écoulement bien distincts.

Toutefois l’association de ces deux types d’approximations est le seul moyen de représenter cor-rectement les zones à écoulement rapide. Plusieurs stratégies ont été développées pour rendre compatible ces deux jeux d’équations. Nous pouvons citer les travaux de (Marshall et Clarke, 1997) pour un modèle de type mixture qui présente l’avantage d’avoir en chaque point de grille un pourcentage de vitesses SSA par rapport aux vitesses SIA, les deux régions étant traitées de manière complètement indépendante. Cependant cette vision idéalisée de coexistence des deux types de flux mène vers des questions largement sujettes à discussion, notamment en ce qui con-cerne la répartition des deux types de flux et leurs échanges. Une autre approche est de consid-érer un mélange des deux types de flux en considérant uniquement la vitesse résultante de la somme d’une composante SSA et d’une composante SIA. Dans ces considérations, il s’agit d’une moyenne des vitesses sur une région donnée (la taille de maille) mais l’information précise sur le fleuve de glace est perdue (vitesse et largeur). C’est cette vision qui a été retenue dans les travaux précédents concernant GRISLI (Rommelaere et Ritz, 1996;Ritz et al., 2001).

Ceci étant, un problème majeur vient de la détermination de la localisation des fleuves de glace. Nous verrons par la suite (chapitre 5) que nous pouvons utiliser notamment des informations géo-morphologiques.

Il faut également signaler que l’approximation SSA est dorénavant communément utilisée pour définir la vitesse basale de glissement dans une approche SIA (Bueler et Brown, 2009). GRISLI est principalement utilisé de cette manière.

Notons enfin que les équations de la SIA sont des équations locales alors que les équations de la SSA nécessitent des conditions aux limites (de type Dirichlet en vitesse). Généralement, les do-maines sur lesquels la SSA est utilisée sont frontaliers d’une région à écoulement lent et ainsi, les vitesses évaluées sur cette dernière région alimenteront les conditions aux limites nécessaires. Un traitement particulier est tout de même effectué pour les îles, qui peuvent présenter des problèmes en terme de conditions aux limites.

2.5.4 Anisotropie et déformation

Nous avons précédemment fait l’approximation de l’isotropie pour développer les équations précédentes avec une viscosité indépendante de la direction. Cependant, soumise à des efforts de compression, la glace des calottes polaires va présenter des directions privilégiées de déformation. La distribution des orientations des cristaux de la glace est décrite à travers une fonction s’appelant la fabrique. L’historique des contraintes modifie cette fabrique. La mesure de cette fabrique peut donc être utilisée pour comprendre l’histoire de l’écoulement. Elle est également utilisée pour avoir une idée des déformations à l’intérieur de la calotte. Il a été montré que la prise en compte de l’anisotropie accélère notablement le champ de vitesse vis à vis d’une glace isotrope (Mangeney