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Le suivi informel des salariés en arrêt par le collectif de travail

Chapitre 3 : Les temps de la gestion du retour à l’emploi

1. Le temps de l’arrêt maladie

1.2. Le suivi informel des salariés en arrêt par le collectif de travail

humaines et la direction campent sur l’impossibilité d’établir un lien avec le salarié en arrêt, il existe néanmoins de nombreuses formes de suivi des personnes en arrêt, qui sont le fait du collectif de travail. Bien qu’informels, ces contacts ont un impact déterminant sur les conditions du retour à l’emploi. Les coups de téléphone, les visites à domicile ou à l’hôpital, où les déjeuners à l’extérieur du bureau constituent un suivi souvent très étroit de la personne, qui permet à l’encadrement direct d’être informé de la situation et d’anticiper le retour du salarié. Pour ce type de trajectoire, la solidarité entre les collègues de travail semble jouer un rôle important. C’est au nom de l’amitié que l’on a pour le salarié que le contact est maintenu. L’équipe se sent alors investie d’un rôle de soutien qui passe par la préservation du poste de la personne tant qu’elle est arrêtée, la mise en place d’arrangements internes au service pour pallier à son absence, et l’anticipation de son retour afin que celui-ci soit le plus favorable possible.

toutefois preuve d’un certain attentisme à l’égard du dispositif, et soulignent la méfiance des salariés à son égard.

une comparaison France Allemagne

Entreprise – Télécommunication. Exemple de suivi informel

Cas de cancer su sein, femme de 51 ans au moment du diagnostic, responsable du soutien administratif, entretien avec sa responsable de service.

- opérée en avril 2006 - 4 mois d’arrêt

- en août, arrêt reconduit pour un mois

- retour en mi-temps thérapeutique en septembre 2006, pour 6 mois - en février, demande à passer à mi-temps

- en mai 2007, demande à passer à 4/5e - pas de remplacement pendant le processus.

« Elle nous avait parlé, au cours d’une conversation banale, qu’elle avait une visite de dépistage du cancer du sein. C’était uniquement « j’ai rendez-vous pour une mammo ». Et puis on lui a dit qu’elle devait faire une deuxième visite, elle me l’a dit et ensuite j’ai su le diagnostic. Là, tout a été vitesse grand V, elle a été opérée, là elle était en arrêt maladie simple. Pendant tout ce temps, elle a échangé avec l’équipe, elle a tenu à en parler. On s’est tous dit qu’il fallait soutenir la démarche de cette personne. »

Comment l’équipe s’est-elle organisée pendant son absence ?

« Dans un cas comme ça, on ne remplace pas. Ce ne serait pas soutenir la personne dans son combat si elle apprenait qu’elle a été remplacée. Non, on a réparti sa charge de travail sur l’équipe, moi-même j’en ai pris une partie. C’était une bonne amie aussi, donc les personnes sont solidaires. »

Dans certaines situations potentiellement plus compliquées en raison d’effectifs réduits ou d’organisation d’horaires complexes, ce mode de fonctionnement peut également exister. Ainsi, dans l’établissement hospitalier, la responsable d’un secrétariat chargée d’une équipe de 28 personnes a procédé à la réorganisation complète de son équipe en prévision du retour en mi- temps thérapeutique d’une femme atteinte d’un cancer du sein arrêtée pendant 5 mois. Les collègues de travail ont pris contact avec la personne. Au cours d’un déjeuner, la responsable de service et la salariée se sont rencontrées. La responsable a conseillé à la salariée de prendre contact avec le médecin du travail pour une visite de pré-reprise afin d’anticiper les éventuelles restrictions d’aptitude. Quand le mi-temps thérapeutique a été proposé, la responsable a réuni son équipe autour d’une table pour procéder aux aménagements d’horaires nécessaires et a fait à la salariée une proposition de planning que celle-ci a acceptée. Autrement dit, lorsque la salariée est revenue au travail, son retour avait été anticipé et préparé en amont. Les aspects organisationnels afférents au retour de la salariée ont été gérés en interne, sans que les ressources humaines n’interviennent. De même, la salariée, conseillée par l’encadrement direct, a sollicité elle-même la médecine du travail pour une visite de pré-reprise. Dans ce type de cas de figure, la gestion du retour à l’emploi repose sur l’échelon du service, au plus près du collectif de travail, et il appartient aux acteurs situés à ce niveau de mobiliser eux-mêmes, selon leur identification des besoins, les acteurs compétents sur les questions qui se posent à eux. Mais ces situations très favorables, qui sont une réalité dans les services, soulignent en creux la dimension fortement discrétionnaire du processus à l’œuvre. En l’absence de procédure qui s’appliquerait à tous, le fait d’être intégré à son collectif de travail et de pouvoir compter sur ses collègues conditionne la possibilité de garder un lien pendant l’arrêt, ce qui fait une différence considérable sur les conditions du retour à l’emploi entre les salariés. En effet, le processus sera

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beaucoup plus fluide pour ceux qui auront maintenu le dialogue avec l’univers professionnel que pour ceux qui reprennent sans qu’aucune préparation en amont n’ait été suggérée. Le spectre du licenciement pour inaptitude est ainsi plus menaçant pour les personnes qui retournent au travail sans réflexion préalable sur la possibilité de reprendre le même poste qu’avant l’arrêt. Ainsi, les situations précédemment décrites contrastent avec les cas de retour inopiné du salarié après parfois plusieurs mois voire années d’absence, pour lequel il n’existe aucun poste disponible, et qui n’a pas fait de visite de pré-reprise. Les chances de parvenir à le maintenir dans l’emploi sont alors compromises puisqu’un poste doit être trouvé dans le mois qui suit la déclaration d’inaptitude. Dans l’urgence, l’encadrement, le médecin du travail, les ressources humaines et parfois l’assistante sociale cherchent un poste adapté, sans toujours y parvenir. D’où des solutions qui consistent, dans le meilleur des cas, à demander au salarié de prolonger son arrêt, où à l’affecter de manière provisoire à des tâches qui n’ont rien à voir avec ses qualifications, le temps de trouver une solution pérenne.

« Quand les salariés en parlent, qu’ils évoquent leur situation qu’ils disent ce qu’ils ont, alors tout se passe bien. Parfois il n’y a même pas de longue maladie. La personne fait des petits arrêts, passe un peu à mi temps…Dans ces cas là, je constate que l’entreprise fait tout pour que la personne ne perde pas sa place. Mais quand ça ne se passe pas comme ça, certains salariés disparaissent, parfois pendant plusieurs années. Quand ils cherchent à revenir, ils s’adressent à moi et je leur explique que leur poste à été pourvu, qu’ils sont dans les effectifs de l’entreprise mais en indisponible. A ce moment, ils sont découragés par tout ce qu’il y aurait à faire» Télécommunication, Assistante sociale

« Vous ne pouvez pas imaginer les moments d’angoisse qu’il y a quand un salarié débarque un beau matin, qu’on ne l’a pas vu depuis un, deux ans, parfois plus et qu’il s’attend à retrouver son poste. Il se présente à son atelier et son chef ouvre des yeux ronds, il a été remplacé, on ne sait pas ce qu’on va en faire ! Alors on demande s’il peut prolonger son arrêt, le temps de trouver une solution. Et là, il faut discuter avec tout le monde, le chef d’atelier, mettre les gens autour d’une table pour que ça marche. Et on a que quinze jours (…) C’est comme ça que j’ai vu des salariés se retrouver à classer des dossiers ou même, à faire le ménage dans les ateliers en attendant qu’on trouve quelque chose pour eux. » Métallurgie, médecin du travail

Ces éléments sont confortés par les résultats de la ré exploitation des données de l’enquête DREES, qui fait apparaître que les salariés ayant parlé de leur maladie sur leur lieu de travail ont plus de chance d’avoir bénéficié d’une adaptation de poste. La convergence de ces données renvoie au caractère plus ou moins intégrateur des collectifs de travail en fonction de variables relationnelles éminemment subjectives qui jouent un rôle fondamental, en amont du retour au travail proprement dit.

1.3. En Allemagne, une démarche plus assumée, mais soumise à