comptes bancaires sp´ecifiquement attribuables aux expatri´es. Ils peuvent, au mˆeme titre
que les citoyens indiens r´esidents, souscrire `a un prˆet immobilier dans une banque ou
un ´etablissement de cr´edit sp´ecialis´e. Ils ont ´egalement obtenu la possibilit´e de signer
un contrat de VEFA pour r´eserver un appartement aupr`es d’un promoteur. Toutefois,
plusieurs conditions ont ´et´e mises en place pour d´ecourager les sp´eculations `a court terme.
Les NRIs et PIOs ne peuvent ni acqu´erir une ferme, ni une plantation, ni un terrain
agricole. En cas de revente d’un bien immobilier, les NRIs et PIOs ne sont pas autoris´es `a
rapatrier `a l’´etranger plus que la somme vers´ee lors de l’achat initial, et seulement apr`es
avoir observ´e une p´eriode de 3 ans `a compter de la date d’achat initial du bien immobilier.
Enfin, le rapatriement des fonds est autoris´e pour un maximum d’un million de dollars
par ann´ee financi`ere (d’avril `a mars) et de deux maisons ou appartements par individu.
La strat´egie d’ouverture ´economique visait `a attirer des capitaux dans l’´economie nationale
par les march´es immobiliers. L’Etat a cibl´e, dans un premier temps, des investisseurs
proches du march´e indien, tout en prenant une s´erie de mesures pour limiter les sorties
de capitaux. En d´epit des pr´ecautions dont le l´egislateur s’est entour´e afin d’´eviter une
surchauffe sur le march´e immobilier indien, des nuisances sp´eculatives ont ´et´e constat´ees.
Certains observateurs ont laiss´e entendre que l’entr´ee en sc`ene des Indiens expatri´es –
consid´er´es comme fortun´es - aurait provoqu´e une vague de sp´eculation sans pr´ec´edent. La
presse les a tenusa posteriori responsables de la flamb´ee des prix survenue au milieu des
ann´ees 1990, tout particuli`erement dans les quartiers ais´es des grandes villes o`u des NRI
investissaient de v´eritables fortunes dans l’achat d’appartements haut-de-gamme (Bombay
Times, 28 mai 1998, cit´e par [Nijman, 2000]).
Cette id´ee est aussi r´epandue dans les ´ecrits des promoteurs. Sushil Mantri, une figure de
la promotion immobili`ere en Inde du Sud, se rappelle qu’`a Bangalore, les prix immobiliers
ont atteint des sommets avant de s’effondrer de 50% en 1997 :
«Je compris plus tard que l’une des causes de cette crise fut le rˆole jou´e par les
entreprises et par les NRI de Hong-Kong. Craignant que la Chine ne s’empare
de Hong-Kong, ils avaient investi de mani`ere spectaculaire dans l’immobilier
de quelques villes, surtout `a Bangalore et `a Pune. Quand leurs craintes se sont
av´er´ees infond´ees, ils ont ´et´e bien contents de r´ecup´erer leur argent, ce qui s’est
sold´e par uncrash sans pr´ec´edent.»[Mantri, 2013] p. 100-101.
Cependant, la litt´erature acad´emique nous invite `a consid´erer ces assertions avec
beau-coup de prudence. Jan Nijman avance l’id´ee que la demande provenant de clients NRIs,
quoiqu’importante, aurait ´et´e exag´er´ee, notamment par les promoteurs qui y voyaient un
moyen d’augmenter artificiellement les prix [Nijman, 2000]. Constatant l’explosion des prix
de l’immobilier `a Mumbai entre 1992 et 1996, puis leur effondrement, l’auteur souligne qu’il
n’existe pas de preuve empirique permettant d’imputer les turbulences du march´e local aux
seules forces du«capitalisme global», telles que les multinationales ou les expatri´es
enri-chis. Il montre que la demande provenait alors aussi bien d’acteurs ´etrangers que d’acteurs
indiens
10. Il remarque ´egalement que la hausse des prix a ´et´e amplifi´ee par la faiblesse de
la disponibilit´e fonci`ere, ce qui est particuli`erement vrai `a Mumbai, en raison notamment
des contraintes g´eographiques, ainsi que d’un environnement r`eglementaire poussant les
prix immobiliers `a la hausse (l’ULCRA, voir chapitre 2).
I.A.3 1999 : un cadre r`eglementaire plus souple pour l’investissement ´
etran-ger
En 1999, le Parlement a abrog´e la loi FERA, devenue incompatible avec la politique
d’ouverture ´economique men´ee par les gouvernements qui se sont succ´ed´es depuis 1991
11.
Le FERA est remplac´e par une nouvelle loi-cadre plus souple - le FEMA (Foreign Exchange
10. Les investisseurs financiers indiens auraient leur part de responsabilit´e dans la flamb´ee des prix
im-mobiliers `a Mumbai. Apr`es le krach boursier d’avril 1992, les fonds indiens auraient d´elaiss´e l’achat de
titres de propri´et´e d’entreprises, pr´ef´erant investir directement dans des biens immobiliers bien situ´es
[Nijman, 2000]. Bien qu’il n’existe pas d’´etude qui retrace les circuits de capitaux, Jan Nijman remarque
que le d´ebut de l’augmentation des prix immobiliers dans la r´egion de Mumbai co¨ıncide avec la chute de
l’investissement dans le march´e financier, pointant un processus de«capital switching»`a la mani`ere de
David Harvey [Harvey, 1982].
11. A la fin des ann´ees 1990, les principaux partis de la vie politique indienne semblent s’ˆetre accord´es
sur la n´ecessit´e d’une nouvelle loi-cadre sur les investissements ´etrangers. La r´eforme a ´et´e men´ee par deux
gouvernements successifs, de couleur politique oppos´ee. Le texte a d’abord ´et´e pr´epar´e sous l’´egide d’un
ministre des finance appartenant au parti du Congr`es, puis r´e´evalu´e et approuv´e en 1998 par un nouveau
gouvernement f´ed´eral, domin´e par une coalition de partis politiques de droite et de centre-droit (National
Democratic Alliance) (The New Indian Express, 23 avril 2009).
Management Act), entr´e en vigueur en juin 2000 - qui vise `a promouvoir une plus grande
ouverture ´economique et `a encourager les investissement en provenance de l’´etranger. La
loi FEMA affecte le secteur immobilier car elle accorde aux particuliers ´etrangers le droit
d’acheter un bien immobilier en Inde, `a condition que ces derniers prouvent avoir pass´e
plus de 182 jours sur le territoire indien au cours de l’ann´ee fiscale ´ecoul´ee (d’avril `a mars)
et qu’ils pr´ecisent la raison de leur s´ejour `a dur´ee ind´etermin´ee (emploi, situation maritale,
etc.).
Au-del`a du cas des particuliers ´etrangers, cette nouvelle loi d´efinit ´egalement les
insti-tutions d´esormais en charge de formuler les r`egles et/ou les directives de l’investissement
´etranger (power to make rules and regulations). Cette fonction est partag´ee entre la Banque
centrale de l’Inde (Reserve Bank of India) et le Secr´etariat d’´Etat `a la politique et
promo-tion de l’industrie (Department of Industrial Policy and Promopromo-tion - DIPP) qui d´epend du
Minist`ere de l’Industrie et du Commerce. La Banque centrale - dont le rˆole est pr´ecis´e plus
en d´etails dans l’encadr´e 4 - d´efinit les diff´erentes cat´egories d’actifs autoris´es `a
l’investisse-ment ´etranger, le seuil minimum de capitalisation, la dur´ee de blocage des capitaux (avant
rapatriement), les conditions pr´erequises et les proc´edures que doivent suivre les
investis-seurs. Elle l´egif`ere par le biais de d´ecrets d’applications (regulations) publi´es au Journal
Officiel. Au 1er juillet de chaque ann´ee, la Banque centrale publie une circulaire g´en´erale
(master circular) qui regroupe l’ensemble des d´ecrets d’application concernant
l’investisse-ment dans un secteur d’activit´e. Les d´ecrets qui ´emanent de la Banque centrale ont valeur
d’amendements de la loi-cadre FEMA. Parall`element, le DIPP publie des communiqu´es
sur une base r´eguli`ere (press notes, press releases, circulars). Depuis 2010, le DIPP publie
un document (biannuel, puis annuel depuis 2012), le Consolidated FDI Policy Circular,
qui pr´ecise l’ensemble des secteurs ouverts aux investissements, en distinguant les secteurs
qui doivent passer par une approbation formelle du FIPB (approval route), ceux qui en
sont dispens´es (automatic route), ainsi que les types d’investisseurs ´etrangers autoris´es.
C’est la Commission pour les investissements ´etrangers (Foreign Investment Promotion
Board – FIPB), plac´ee sous l’´egide du Minist`ere des Finances, qui est charg´e d’accepter
ou de rejeter les propositions d’investissements pour les secteurs de l’´economie soumis `a la
proc´edure d’approbation (approval route). Les observateurs acad´emiques remarquent que
la pluralit´e institutionnelle se r´epercute sur le climat d’investissement, notamment lorsque
les directives se contredisent entre elles [Shah, 2012]. Toutefois, un amendement au FEMA
vot´e en 2000 pr´evoit que, en cas de contradiction, par exemple, entre la Banque centrale
et le DIPP, les directives de la premi`ere pr´evalent sur celles de la seconde.
Encadr´e 4 : La Banque centrale de l’Inde, clef-de-voˆute du syst`eme
ban-caire en Inde
La Banque centrale de l’Inde (Reserve Banque of India - RBI) est `a l’origine une
banque priv´ee cr´e´ee en 1935, puis nationalis´ee en 1949. La RBI ´emet la monnaie
nationale et sert de banque `a l’ ´Etat en finan¸cant les emprunts des gouvernements.
Elle r`eglemente ´egalement l’activit´e des institutions financi`eres priv´ees (notamment
les conditions de prˆets des banques), et elle peut, en cas de crise, leur accorder des
prˆets.
Par ailleurs, elle est l’autorit´e centrale qui surveille les ´echanges commerciaux et
financiers avec l’´etranger : elle peut lancer des poursuites et sanctionner par des
p´enalit´es. Elle fonctionne comme une «agence de surveillance» du march´e
in-dien, ´edictant des r`egles de transparence, de reporting et d’´evaluation des acteurs
´
economiques.
La RBI est contrˆol´ee par le gouvernement central, qui nomme le directeur g´en´eral,
ainsi que les dix-neuf autres membres qui composent son comit´e central.
I.A.4 2001 : L’ouverture aux promoteurs immobiliers ´etrangers
Quelques mois apr`es l’entr´ee en vigueur de la nouvelle loi-cadre, le DIPP a autoris´e les
Investissements Directs Etrangers dans le secteur de la construction (Press Note N°4 2001
series, section 4, DIPP)
12. En formulant cette autorisation, le l´egislateur ´enonce des
di-rectives strictes qui confinent les IDE aux grands projets immobiliers de type«integrated
township ». Ainsi les entreprises ´etrang`eres sont autoris´ees `a acqu´erir des parts dans le
capital d’entreprises indiennes non-cot´ees qui construisent des «integrated townships »,
ce qui inclue des logements, des locaux commerciaux, des hˆotels, des hˆotels de tourisme,
des ´equipements de niveau r´egional et municipal, et des transports rapides de masse. Le
terme d’«integrated township
13», plus courant en Inde dans le langage des am´enageurs
12. Le mˆeme texte autorise les investissements sur la production de mat´eriaux de construction.
13. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, les premierstownships sont de grands ensembles de
loge-ments entour´es par une clˆoture, qui se sont multipli´es dans les ann´ees 1950 et 1960 (Varrel, 2010). Ils ont
´et´e construits par des entreprises publiques ou priv´ees afin d’accueillir des employ´es `a proximit´e de leur lieu
de travail (usine, administration, universit´e, etc.). Dans le contexte contemporain, le termetownshipr´
eap-paraˆıt pour d´esigner des grands complexes d’immeubles, g´en´eralement construits par la mˆeme entreprise.
Les promoteurs immobiliers priv´es usent `a loisir de ce terme. Ils lui accolent les adjectifs «integrated»
que des d´ecideurs ´economiques, caract´erise un ensemble r´esidentiel de grande taille, ferm´e
par une clˆoture. Les directives pr´ecisent que le projet doit ˆetre de tr`es grande taille : le
terrain identifi´e doit mesurer au minimum 100 acres (40 ha) et ob´eir aux r`eglementations
r´egionales concernant l’am´enagement. En l’absence de telles r´eglementations, le promoteur
doit construire au moins 2 000 unit´es de logement pour accueillir 10 000 personnes.
Par ailleurs, le DIPP exige un investissement minimum de d´epart assez ´elev´e : de 10
mil-lions de dollars pour un investissement dans une filiale en propri´et´e exclusive ou de 5
millions de dollars pour un investissement dans une joint-venture avec un partenaire
in-dien. Le rapatriement des capitaux n’est permis qu’apr`es une p´eriode de trois ans (lock-in
period), `a compter de l’apport de l’investissement minimum l´egal. Si la moiti´e du projet
n’est pas construit avant cinq ans, `a compter de la date d’acquisition fonci`ere,
l’investis-seur ne pourra pas non plus rapatrier les fonds. En restreignant fortement la liquidit´e des
investissements, et en imposant un seuil de taille, le gouvernement esp`ere ainsi dissuader
des investisseurs opportunistes qui privil´egieraient la sp´eculation fonci`ere `a la r´ealisation
effective des op´erations immobili`eres. Enfin, chaque projet d’investissement requiert
l’ap-probation pr´ealable du FIPB ou de la Banque centrale qui se prononcent sous 4 `a 6
semaines (approval route).
L’ann´ee suivante, le DIPP formule de nouvelles conditions, toujours plus restrictives (Press
Note n°3 2002 series). Selon la nouvelle r´eglementation, l’investisseur ´etranger doit ˆetre
enregistr´e en tant qu’entreprise indienne (selon le statut du Companies Act 1956),
c’est-`
a-dire comme filiale indienne en propri´et´e exclusive d’un investisseur ´etranger ou comme
joint-venture form´ee avec un partenaire indien. Ces statuts lui permettant d’acqu´erir et
d’assembler du foncier pour le projet. De surcroˆıt, l’investisseur ´etranger doit justifier
aupr`es de la Banque centrale que sonactivit´e principaleest le d´eveloppement detownships
et qu’il a men´e `a bien plusieurs projets de ce type par le pass´e.
De telles conditions ont limit´e significativement les investisseurs ´eligibles - en les
restrei-gnant aux seuls promoteurs - ce qui a donc restreint l’afflux des capitaux. Les premiers
entrants ont ´et´e peu nombreux : seulement 9 op´erations immobili`eres impliquant des
pro-moteurs ´etrangers ont ´et´e annonc´ees entre 2002 et 2005. Les projets ont ´et´e port´es par
des promoteurs sp´ecialis´es dans les op´erations de grande taille. La majorit´e d’entre eux
sont originaires de Singapour (Ascendas, Singapore Housing Board, Keppel Land, Lee Kim
Tah Holdings), de Malaisie (Kontur Bintang, IJM Berhad) ou encore d’Indon´esie (Salim
Group, Ciputra Group) (Asia Times, 23 d´ecembre 2004).
Dans le document
Quand les grands promoteurs immobiliers fabriquent la ville en Inde : regards croisés sur Bangalore et Chennai
(Page 117-121)