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Etats suffisamment de terrains pour construire des logements destin´ es aux populations destinataires des programmes de logements sociaux, dont certaines sont des populations

Etats suffisamment de terrains pour construire des logements destin´es aux populations

destinataires des programmes de logements sociaux, dont certaines sont des populations

pauvres.

I.A.2 Le blocage des loyers : un frein `a l’investissement locatif

La priorit´e accord´ee `a la production de logements par le secteur public est par ailleurs

redoubl´ee par une m´efiance `a l’´egard du march´e locatif priv´e. Afin de limiter le risque

d’une sp´eculation sur les loyers de la part des propri´etaires priv´es, les Parlements r´egionaux

votent des Lois de contrˆole des loyers (Rent Control Acts)

7

qui g`elent les loyers. Ceci

6. Le Karnataka fut l’un des 11 ´Etats `a appliquer imm´ediatement le texte central. Le gouvernement du

Tamil Nadu a r´edig´e et vot´e son propre texte, leTamil Nadu Urban Land (Ceiling and Regulation) Act en

1978.

7. Les lois r´egionales de contrˆole des loyers sont calqu´ees sur une loi qui s’applique `a Bombay depuis

1947. Les lois de contrˆole des loyers appliqu´ees `a Madras et `a Bangalore (vot´ees en 1960 et 1961) sont

encourage les locataires, si ce n’est `a rester dans leurs logements, du moins `a conserver leurs

droits d’usage et `a les n´egocier aupr`es d’autres locataires `a l’occasion de leur d´em´enagement

[Milbert, 1988]. La cr´eation d’un march´e locatif parall`ele accompagnant le plafonnement

des loyers d´ecourage la mobilisation de l’´epargne des classes moyennes sup´erieures vers

la construction de logements locatifs. Les propri´etaires se montrent ainsi bien souvent

r´eticents `a mettre leurs biens immobiliers en location, r´eclamant des cautions tr`es ´elev´ees

pour compenser la perte de revenus [Nijman, 2000]. Ne percevant pas l’int´erˆet d’entretenir

des logements qui ne leur rapportent pas assez, ils ont ´egalement tendance `a laisser se

d´egrader les immeubles [Milbert, 1988].

I.A.3 Un bilan d´ecevant sur les plans qualitatifs et quantitatifs

Cette politique du logement a ´et´e largement critiqu´ee par les acteurs priv´es du secteur

im-mobilier. Ainsi, Manoj Namburu, un proche des grands promoteurs immobiliers indiens

8

,

dresse le bilan de la politique de l’´Etat bˆatisseur :

«Bien que cette initiative [les programmes de construction de logements

so-ciaux] ait tout d’abord contribu´e `a approvisionner les petites classes moyennes

et les classes moyennes interm´ediaires en logements bon march´e, la corruption

end´emique au sein des offices de logements a tr`es vite affect´e la qualit´e de leurs

constructions, de telle sorte qu’ils sont devenus inop´erants et peu fiables. De

surcroˆıt, ils n’´etaient pas du tout de taille `a r´epondre `a la demande croissante

de logements»[Namburu, 2007] [p.XVI].

La critique ne provient pas que des milieux priv´es. Les pouvoirs publics eux-mˆemes constatent

rapidement l’´echec de la strat´egie de l’´Etat bˆatisseur. La production de logements publics

est inf´erieure aux objectifs

9

formul´es par la Commission au plan (Planning

Commis-moins restrictives qu’`a Bombay. Les loyers ne sont pas gel´es, mais peuvent ˆetre r´e´evalu´es p´eriodiquement.

Les loyers des nouvelles constructions sont ´evalu´es sur la base des coˆuts de construction et de la valeur

actuelle du foncier (amendement de 1973 auTamil Nadu Rent Actde 1960). Notons qu’une ´etude r´ealis´ee `a

Bangalore en 1988 avec le soutien de la Banque mondiale indique que la p´enurie de logements disponibles `a

la location serait attribuable pour partie `a la Loi de Contrˆole des loyers [Tewari et Kumar, 1986] [p.44]. Les

auteurs de cette ´etude restent prudents, admettant que l’insuffisance de logements locatifs est ´egalement

imputable `a la flamb´ee des valeurs fonci`eres dans la r´egion urbaine de Bangalore.

8. Manoj Namburu a r´ealis´e une s´erie de portraits de promoteurs dans l’ouvrage cit´e. Il est actuellement le

chairmande Alliance Infrastructure Projects, une nouvelle entreprise de promotion immobili`ere qui si`ege

`

a Bangalore.

9. Pour le 3

e

plan quinquennal (1961-1966), 252 000 logements ont ´et´e construits par le secteur public au

lieu des 435 000 projet´es [Auclair, 1998].

sion)

10

et surtout tr`es insuffisante au regard de la croissance d´emographique. Le d´eficit

de construction de logements s’est d’ailleurs aggrav´e dans la seconde moiti´e du XX`eme

si`ecle, atteignant 10,6 millions d’unit´es manquantes en 2001 pour une population urbaine

de 286 millions de personnes (donn´ees duCensus of Indiaen 2001). De plus, la litt´erature

constate que les programmes de construction de logements sociaux ont davantage profit´e

aux groupes de revenus moyens et sup´erieurs qu’aux groupes les plus d´efavoris´es «parce

que les plus pauvres vendent leurs droits au logement pour en tirer un profit et faire face

aux besoins urgents d’alimentation et autres n´ecessit´es de base»[Pugh, 1990] [p.178] cit´e

par [Dupont, 2008] [p.25].

Les limites rencontr´ees par les pouvoirs publics favorisent le d´eveloppement d’une fili`ere

priv´ee de production du logement, dont les principaux clients sont les m´enages ais´es. Dans

les faits, nombreux ´etaient les m´enages qui ne r´epondaient pas aux crit`eres des offices

publics de logement ou qui n’avaient gu`ere la patience d’attendre une dizaine d’ann´ees

avant de pouvoir disposer d’un logement par ce biais, d’autant plus que ces logements

´etaient jug´es de pi`etre qualit´e. Les m´enages qui en avaient les moyens s’improvisaient donc

maˆıtres d’œuvre de leur logement, tout en ayant recours aux services d’op´erateurs priv´es.

Ce processus s’affirme dans les ann´ees 1960, alors que la strat´egie du gouvernement pour

r´epondre `a la p´enurie de logements connaˆıt une inflexion. Il ne s’agit plus seulement de

fournir directement des logements aux m´enages, mais de les inciter `a faire bˆatir leur maison,

en leur accordant des parcelles et des prˆets `a faible taux d’int´erˆet [Auclair, 1998][p.74-86].

C’est ainsi que le secteur de la promotion, comme dans bien d’autres contextes nationaux,

se constitue avec le soutien de l’Etat.

I.B Les premiers d´eveloppements d’une fili`ere priv´ee de la construction

Sur la sc`ene du logement urbain, deux fili`eres de production immobili`ere priv´ee coexistent :

la fili`ere dite de l’«autopromotion» (ou de la promotion immobili`ere patrimoniale) et la

fili`ere de la promotion immobili`ere sp´eculative, dont nous allons expliquer le

fonction-nement (ces deux mod`eles sont repr´esent´es sur la Figure 2.1). Ces fili`eres impliquent la

participation de divers types d’entreprises priv´ees - des contractors, des builders et des

developers - qui apparaissent (et disparaissent parfois) dans la conjoncture ´economique et

fonci`ere difficile qui pr´ec`ede les ann´ees 1990.

10. Depuis sa cr´eation en 1950, la Commission au Plan est charg´ee par le gouvernement central de l’Inde

de r´ediger un document qui fixe les objectifs de production sur une p´eriode de cinq ans. L’actuel premier

ministre, Narenda Modi, a ordonn´e en 2014 la dissolution de la Commission au Plan.

I.B.1 Les contractors

L’autopromotion est le mode de production du bˆati privil´egi´e par les classes moyennes

sup´erieures jusque dans les ann´ees 1980. L’expression renvoie `a une mode de production

dans lequel les m´enages initient chaque ´etape du d´eveloppement immobilier. Au d´epart,

ils disposent d´ej`a d’une parcelle ou se procurent le foncier aupr`es d’un courtier sp´ecialis´e

(land broker, ´egalement appel´eproperty broker ouagent). Puis ils sous-traitent les plans de

construction `a un architecte et s’acquittent de l’obtention des permis de construire aupr`es

des autorit´es locales. On se retrouve donc dans un mode d’autopromotion comme d´ecrit

par Christian Topalov et par Michel Lescure dans le contexte fran¸cais [Topalov, 1973,

Lescure, 1982].

Une grande partie des travaux est confi´ee `a un entrepreneur du bˆatiment (general

contrac-tor) qui ach`ete les mat´eriaux de construction et fournit les outils n´ecessaires `a la maˆıtrise

d’œuvre. Celui-ci dispose d’´equipes d’ouvriers, d’ing´enieurs ou de techniciens tr`es qualifi´es,

mais il recrute g´en´eralement la main-d’œuvre faiblement qualifi´ee aupr`es de sous-traitants

sp´ecialis´es (petty contrators).

La profession decontractors ´emerge dans un contexte d’autant plus difficile que les

ma-t´eriaux de construction sont rationn´es par les pouvoirs publics. En effet, la fabrication et

la distribution du ciment et de l’acier sont contrˆol´ees par l’ ´Etat qui pr´ef`ere r´eserver ces

mat´eriaux pour les entreprises publiques et les grands travaux (Isabelle Milbert 1989). Les

prix sont maintenus `a des niveaux tr`es bas afin de garantir l’approvisionnement des offices

publics de logement, ce qui n’encourage gu`ere l’investissement priv´e pour la fabrication

de mat´eriaux. Face `a ces difficult´es, les entrepreneurs et les individus cherchent `a

s’appro-visionner au«march´e noir»

11

, via des fournisseurs de mat´eriaux li´es aux r´eseaux

d’or-ganisation criminelle. Qu’ils transitent par des r´eseaux l´egaux ou ill´egaux, les mat´eriaux

de construction sont distribu´es de mani`ere fluctuante, ce qui fragilise consid´erablement la

chaˆıne de production

12

.

11. Ce qu’ils pratiquent toujours aujourd’hui, comme nous l’expliquerons dans le chapitre 4.

12. Isabelle Milbert remarque que la p´enurie de mat´eriaux de construction culmine au d´ebut des ann´ees

1980, aboutissant `a une «crise dramatique» qui affecte l’ensemble du secteur priv´e de la production

immobili`ere [Milbert, 1989].