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Suggestions et commentaires concernant les organismes subventionnaires

5. Suggestions et commentaires des répondants

5.1 Suggestions et commentaires concernant les organismes subventionnaires

a. Innover dans l’évaluation des pratiques de mobilisation des connaissances

Le répondant 7 a mis en relief des pratiques en place dans une autre sphère de recherche scientifique : la physique. Ce répondant remarque que certains physiciens ont mis en ligne des articles avant de les publier. Derrière une telle action, le raisonnement est de laisser quelque peu de côté les critères de reconnaissance par les pairs. Par ce procédé, ils peuvent compiler certaines statistiques permettant d’évaluer autrement la valeur d’un texte. Par exemple, la mise en ligne d’un texte permet d’identifier le nombre de fois que l’article a été téléchargé et permet de compiler des commentaires sur l’article. Ces données sont disponibles autant pour le producteur de l’article que pour les éventuels lecteurs. Cette pré-lecture en ligne utilise le même principe qu’un blogue, car les gens qui

veulent commenter peuvent le faire. Tout en ne garantissant pas la qualité de l’article, cette pratique rend accessible des résultats de recherche et permet de mettre en relief les articles qui sont appréciés par un grand nombre de lecteurs, donc des articles qui mobilisent fortement des connaissances scientifiques. Cette pratique permet également au rédacteur de l’article de recevoir une rétroaction des résultats de ces recherches et de mieux cerner des questions pertinentes pour d’autres chercheurs et pour des milieux de pratique. En résumé, cette pratique apporte une évaluation complémentaire des activités de mobilisation des connaissances d’un professeur-chercheur. Dans le cadre d’une demande de subvention, ces données permettraient aux évaluateurs de jauger la qualité et le rayonnement d’un article de vulgarisation.

b. Le danger de la mise de côté d’objectifs à long terme

Les répondants 4 et 7 s’inquiètent des résultats qui pourraient découler d’une recherche uniquement « utile », « pertinente » et visant un horizon à court terme. Selon eux, il serait dangereux pour l’avancement des sciences sociales de mettre de côté les avantages découlant de problématique ayant des visées larges. Ils font remarquer aussi que les impacts à moyen et long terme sont très difficiles à évaluer, surtout dans le domaine des sciences sociales. En effet, une recherche peut avoir un impact exceptionnel sur une personne et n’en avoir aucun sur une autre. Le répondant 7 illustra ce point par un exemple. Dans le domaine de l’analyse du discours, un des textes clés est celui de Lasswell, datant de 1951, mais sa popularité est venue plus de 35 ans plus tard. Selon ce répondant, le fait de ne pas voir la pertinence d’investir dans des projets de recherche à long terme peut être tributaire des budgets fonctionnant sous le principe de l’annualité et des mandats s’inscrivant à l’intérieur de quatre ou cinq ans. Cela occasionne un inconfort avec les résultats de recherches qui seront profitables à long terme.

c. Le poids des démarches administratives

Les démarches administratives peuvent également monopoliser beaucoup de temps et d’argent selon le répondant 4. Il illustre son propos par un programme d’actions

concertées d’environ 150 000 $ pour trois ans, qui demandait d’identifier un problème et de trouver des partenaires intéressés à contribuer financièrement. Ce répondant croit qu’on mobilise trop de temps et d’argent, dans une équipe, seulement pour définir un programme, le lancer et préparer une lettre d’intention. Toute cette démarche demande aux équipes de recherche de se réunir sans être encore certaines des résultats. Ce professeur-chercheur s’interroge sur la quantité de temps et d’argent ainsi dilapidé pour distribuer un ou deux projets de 150 000 $. Ce processus pourrait être compréhensible pour des actions concertées ayant des budgets de 1 ou 2 millions; mais pour 150 000 $, il conclut que l’octroi d’un contrat de recherche verrait les ressources financières et humaines mieux utilisées.

d. Inclure des postes budgétaires pour valoriser la recherche en science sociale

Le répondant 6 fait remarquer que son université avait accès à une subvention pour la « mobilisation de la propriété intellectuelle » de la part du CNRSG et IRSC pour les départements des sciences naturelles, mais peu ou pas pour les sciences sociales. Par conséquent, au-delà du discours de mobilisation des connaissances, ce répondant croit que des subventions pourraient être octroyées pour que des agents de valorisation œuvrant dans le domaine des sciences sociales, même si des retombées économiques, par une commercialisation, sont très peu probables.

e. Une particularité québécoise : l’innovation sociale

Les entrevues 2 et 7 ont fait apparaître une particularité de la politique scientifique québécoise : l’expression ‘innovation sociale ’. Ce concept a été retenu dans la politique scientifique québécoise de 2001. Ce terme a été conçu par le Conseil québécois de la recherche sociale (CQRS) dans un document qui s’appelait « contribution d’une politique de l’immatériel », en 1999. Selon le répondant 7, « dans le concept d’innovation sociale, la finalité est très importante, on parle de bien commun et de développement durable. Quand on parle de la mobilisation des connaissances, […] c’est plus un traitement de processus ». Ce même répondant croit que la mobilisation des

connaissances se développe à l’intérieur du paradigme de l’économie du savoir et qu’il est orienté davantage vers l’appropriation privée des connaissances, leur vente et le développement de brevets. Il note également que cette notion d’innovation sociale, qui a été promue dans la politique scientifique de 2001, a été évacuée dans celle de 2006. Cette particularité québécoise, même si elle est timide, de vouloir inclure l’innovation sociale dans ses priorités, ne cherche donc pas seulement à développer de l’innovation technologique ou économique, exportable dans les entreprises, mais aussi à développer l’innovation sociale dans le contexte de groupes communautaires et de politiques sociales. Par contre, au-delà du discours, le répondant 4 croit que peu d’efforts sont déployés pour stimuler l’innovation sociale comparativement à ceux mis en place pour l’innovation technologique.