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L’utilisation du modèle d’analyse stratégique de Crozier et Friedberg a permis de mettre en lumière les conceptions que se font une diversité de répondants ayant eu l'expérience de la mobilisation des connaissances, entre autres, des différentes stratégies que peuvent avoir les organismes subventionnaires, les administrateurs d’université, les professeurs- chercheurs et les milieux de pratiques et de mieux comprendre les origines des tensions entre ces divers acteurs. La demande de mobilisation des connaissances peut être vue comme une composante de la politique scientifique touchant le « système » de recherche en sciences sociales. Par contre, les stratégies envisagées pour répondre à cette demande peuvent être différentes d’un groupe d’acteurs à l’autre. Ce constat permet de formuler l’hypothèse à l’effet que les professeurs-chercheurs et les administrateurs d’université n’ont pas les mêmes objectifs devant la demande de mobilisation des connaissances. L’ensemble des entretiens nous a permis de confirmer deux perceptions importantes qui influencent les efforts de mobilisation des connaissances. D’abord que les organismes subventionnaires sont perçus comme les principaux gestionnaires des moyens financiers distribués par les gouvernements pour la recherche. Ensuite, que les professeurs- chercheurs possèdent le savoir-expert pour élaborer leurs projets de recherche et évaluer le travail de leurs pairs. Les entrevues laissent toutefois entrevoir la difficulté qu’il y a d’établir un consensus entre ces deux catégories d’acteurs quant à la nature des rapports qui devraient exister entre le monde de la recherche et les milieux de pratiques. Les organismes subventionnaires voudraient établir une plus grande proximité entre le monde scientifique et le reste de la société, tandis que les professeurs-chercheurs défendraient ardemment l’importance de préserver une saine distance entre eux et la société. En effet, selon les répondants, cette distance est nécessaire pour que les chercheurs préservent leur indépendance intellectuelle et pour qu’ils soient en mesure de bien mener leur tâche d’intellectuels.

Ces entretiens ont aussi permis de mettre en lumière les perceptions de répondants qui croient que le discours des organismes subventionnaires est souvent calqué sur un modèle

de transfert de technologie commercial. Ce modèle, qui cultive souvent des objectifs d’exclusivité et de secret pour mener à une commercialisation par des brevets, est peu viable dans les sciences sociales. Un autre modèle, qui cherche à mettre de l’avant un paradigme inclusif d’accessibilité, est davantage souhaité dans le discours des acteurs œuvrant dans les sciences humaines et sociales. De plus, une perception récurrente veut que les organismes subventionnaires influencent le discours scientifique par l’élaboration des programmes et les moyens financiers qui alimentent les projets de recherche. Par conséquent, ils semblent en position de force pour modifier à long terme les pratiques de recherche et la culture scientifique. Il est donc important pour les organismes subventionnaires de soutenir la demande de mobilisation des connaissances par l’octroi de ressources humaines et financières, ainsi qu’en suggérant des stratégies et des pratiques.

Les commentaires en lien avec les milieux de pratique sont aussi pertinents dans la perspective d’améliorer les activités de mobilisation des connaissances. Il semble que ces milieux soient peu écoutés et qu’un rôle de spectateur leur est souvent octroyé. Il est important de mettre en place des mécanismes qui permettront à ce groupe d’acteurs de pouvoir s’exprimer, d’initier de nouvelles activités et d’enrichir les réflexions des professeurs-chercheurs universitaires. Beaucoup de choses sont à réaliser en ce sens, autant d’un point de vue théorique que pratique. Rappelons que la notion de « transfert de connaissances » fait souvent référence à un échange unidirectionnel, du chercheur vers les milieux de pratique, le chercheur jouant un rôle actif, tandis que le milieu de pratique est cantonné dans un rôle passif. Cependant, le concept de « mobilisation des connaissances » cherche à établir un échange bidirectionnel où les deux groupes d’acteurs jouent un rôle actif. Mais ce concept semble encore trop peu appliqué dans le « système » de la recherche en sciences sociales.

Les pistes de recherche les plus importantes à proposer doivent être orientées vers une meilleure compréhension des particularités propres aux sciences humaines et sociales, d’une part et, d’autre part, aux sciences de la nature, concernant le processus de mobilisation des connaissances. Les modèles propres aux sciences de la nature sont basés

sur une commercialisation des innovations, tandis que les sciences humaines et sociales doivent encore construire des modèles pour comprendre et démontrer l’apport de leurs recherches pour les communautés. Par exemple, s’il est possible d’identifier clairement les impacts d’une innovation technique par la commercialisation de certains produits industriels, c’est un tout autre défi d’agréger les résultats de plusieurs travaux de recherches en sciences sociales et de démontrer leur impact sur la société.

Plusieurs pistes de recherche sont donc à approfondir. Par exemple, il serait important de documenter davantage les différentes expériences de recherche au Québec. En effet, plusieurs projets y ont été menés de concert avec différents milieux de pratiques. Une meilleure connaissance des mécanismes de travail entre ces groupes pourrait enrichir notre compréhension de la mobilisation des connaissances en sciences sociales.

TROISIÈME PARTIE : RETOUR SUR L’EXPÉRIENCE DU

STAGE

La troisième partie de cet essai aborde trois thèmes. Le premier thème dresse un bilan critique de ce stage, c'est-à-dire qu’elle décrit les apprentissages, les savoirs, les réalisations, ainsi que les contraintes et les difficultés rencontrées pendant celui-ci. Une deuxième section présente une réflexion critique et analytique du rôle d’agent d’interface. Finalement, une troisième section présente une description des activités de transfert en milieu d’action et en milieu scientifique du stage.