• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : LA MICROSCOPIE ELECTROCHIMIQUE A BALAYAGE (SECM) 4

III. B.1.a Sur substrats isolants 37

L’équipe de A. J. Bard a utilisé le mode feedback avec catalyse enzymatique de la microscopie électrochimique afin d’étudier une enzyme, la peroxydase (HRP), immobilisée avec des copolymères sur des substrats isolants (verre ou membrane polycarbonate)92. La benzoquinone présente en solution est réduite en hydroquinone à la microélectrode polarisée négativement (fibre de carbone ou platine). L’hydroquinone diffuse jusqu’au substrat où elle va être oxydée par le peroxyde d’hydrogène, H2O2, présent en solution dans une réaction

catalysée par la peroxydase sur le substrat (Fig. III.3). Le courant de feedback positif obtenu est produit par la réaction d’oxydation de l’hydroquinone par catalyse de l’enzyme, ce qui est confirmé par l’obtention d’un courant de feedback négatif loin des spots où l’enzyme est immobilisée, et sur des spots de copolymère dépourvus d’enzyme.

Figure III.3 Schéma de la réaction de feedback avec catalyse enzymatique92. Q représente la quinone

présente en solution qui est réduite en HQ, hydroquinone.

T. Matsue et ses collègues se sont également intéressés à l’imagerie de l’activité enzymatique de la peroxydase (HRP), et ont développé une nouvelle technique basée sur le couplage entre la microscopie électrochimique et la chimiluminescence (SCLM, « Scanning ChemiLuminescence Microscopy »)93. En effet, l’un des inconvénients de la SECM est que des mesures simultanées de réactivité et de topographie sont très difficiles puisque ces deux grandeurs ne peuvent pas être séparées. Le couplage des deux techniques proposé par cette équipe permet d’obtenir, d’une part, des informations topographiques à partir des images basées sur les courants redox, et, d’autre part, des données concernant l’activité de la peroxydase immobilisée par l’étude des images en chimiluminescence. La microélectrode utilisée est constituée d’une fibre de carbone insérée dans un capillaire de verre étiré. Lorsque la microélectrode est déplacée au-dessus d’un spot où est immobilisée l’enzyme dans une solution aqueuse contenant le luminol, la peroxydase va catalyser l’oxydation du luminol pour émettre de la chimiluminescence, qui est détectée par le photomultiplicateur.

HQ BQ

peroxydase (HRP) H2O

L’intensité collectée est représentée en fonction du positionnement de la sonde, ce qui donne une cartographie de l’activité de l’enzyme. Une image de la topographie du substrat peut également être obtenue par SECM en représentant le courant de réduction de l’oxygène en fonction du positionnement de la microélectrode au-dessus du substrat.

L’équipe de T. Matsue a étudié par SECM l’activité d’une autre enzyme, la diaphorase84,85,94,95. La micro-fabrication de motifs enzymatiques sur un substrat de verre a

été réalisée par mode feedback de la SECM84 (partie II.C.4 et figure II.9 de ce chapitre). Ces

motifs enzymatiques ont été caractérisés par SECM en utilisant le mode feedback avec catalyse enzymatique.

Figure III.4 Schéma de la réaction de feedback avec catalyse enzymatique utilisée dans le cas de la diaphorase84. FMA est le ferrocène méthanol et NADH la nicotinamide.

La microélectrode est déplacée le long du substrat dans une solution contenant le ferrocène méthanol (FMA) et la nicotinamide (NADH). Le médiateur FMA est oxydé à la microélectrode polarisée positivement pour donner FMA.+ qui va diffuser jusqu’au substrat.

La diaphorase va catalyser l’oxydation de NADH pour régénérer FMA qui sera de nouveau oxydé à la sonde (Fig. III.4). Ainsi, la représentation du courant d’oxydation de FMA à la microélectrode permet d’obtenir des images de la surface.

La même équipe a ensuite modifié ce protocole en développant un système couplant la microscopie électrochimique et la microscopie confocale à balayage (SCFM, « scanning confocal microscopy »)96. Le principe est le même que celui expliqué dans la figure III.4. De plus, dans ce cas, le centre actif de la diaphorase va émettre une intensité de fluorescence qui sera détectée par le système SCFM (excitation à λ=473 nm). Ainsi, la SECM va fournir des informations concernant la réaction enzymatique, alors que la SCFM apporte des données sur la localisation de l’enzyme active. La figure III.5 présente les images des spots de diaphorase. Les 4 spots émettent une forte intensité de fluorescence en présence ou en absence de NADH (Fig. III.5A et B), mais l’addition de NADH réduit la diaphorase et diminue légèrement l’émission de fluorescence à partir des spots. A l’inverse, les images SECM diffèrent fortement en fonction de la présence ou non de NADH (Fig. III.5C et D). Aucun courant n’est observé en absence de NADH, alors que les quatre spots apparaissent

FMA.+

FMA

diaphorase (Dp) NAD+

après son addition. Cette augmentation du courant d’oxydation de FMA mesuré à la sonde est causée par l’oxydation de NADH catalysée par la diaphorase.

(A) (B)

(C) (D)

Figure III.5 (A) et (B) Images SCFM des spots de diaphorase (A) avant, et (B) après ajout de NADH, (C) et (D) images SECM correspondant respectivement aux images (A) et (B)96. V=10 µm s-1, E

T=0,5 V

vs. Ag/AgCl.

L’équipe de A. J. Bard a utilisé la SECM afin d’étudier les réactions de transfert d’électrons d’espèces électrogénérées à la sonde se produisant sur des surfaces non conductrices contenant une enzyme redox, la glucose oxydase97. Ils ont utilisé une solution contenant deux médiateurs redox et le substrat de l’enzyme, le β-D-glucose (Fig. III.6).

(A) (B)

Figure III.6 Méthode développée par D. T. Pierce et al. pour l’étude de l’activité enzymatique de la glucose oxydase (GOx)97 : (A) feedback négatif en utilisant pour médiateur le méthyl viologène MV2+, (B)

feedback positif avec catalyse enzymatique en utilisant l’hydroquinone (HQ) en tant que médiateur, qui va être oxydée en quinone (Q) à la sonde, jouant le rôle d’accepteur d’électron pour la glucose oxydase.

Réponse ampérométrique MV.+ MV2+ GOx Réponse photonique Q HQ GOx D-gluconolactone Β-D-glucose

Le premier médiateur, le couple MV2+/.+ permet de déterminer la distance

microélectrode-substrat, sans interférer avec la catalyse de l’enzyme. Le second médiateur (ferrocène carboxylique 0/.+, ferrocyanure 4-/3- ou Q/HQ) joue le rôle d’accepteur d’électrons

pour la glucose oxydase.

Plus récemment, l’équipe de G. Wittstock a étudié l’activité de la glucose déshydrogénase (GDH) par les modes feedback et génération/collection de la SECM dont les principes respectifs sont présentés dans la figure III.898. La quinone pyrroloquinoline

(PQQ) est un co-facteur redox du mécanisme catalytique de la glucose déshydrogénase. La quinone à l’état oxydé peut être transformée en sa forme réduite, la quinole (PQQH2) par le

transfert de deux électrons et de deux protons (Fig. III.7).

Figure III.7 Réaction de réduction de la quinone à l’état oxydé (PQQ) pour donner la forme réduite quinole (PQQH2).

Le mécanisme catalytique de la glucose déshydrogénase a fait l’objet de nombreuses études, et plusieurs mécanismes peuvent être proposés. Nous n’en retiendrons qu’un pour la clarté de l’explication :

D-glucose + PQQ → PQQH2 + D-gluconolactone (III.1)

PQQH2 + GDH (ox) → GDH (red) + PQQ (III.2)

GDH (red) + (3-n) Mox → GDH (ox) + (3-n) Mred + 2H+ (III.3)

où Mox et Mred sont respectivement les formes oxydée et réduite du médiateur redox.

L’enzyme est liée à des billes paramagnétiques déposées en des sites microscopiques d’une surface de verre par l’intermédiaire de la forte affinité streptavidine-biotine. En mode feedback, trois médiateurs ont été utilisés : le ferrocène méthanol, le ferrocène carboxylique, le p-aminophénol (PAP). Parmi eux, le p-aminophénol présente la plus forte sensibilité, mais celle-ci reste cependant inférieure à celle obtenue en mode génération/collection. De plus, le mode génération/collection est peu sensible aux variations de la distance de travail, ce qui permet de travailler à des distances plus élevées et donc de limiter les risques de collision de la sonde avec la surface. La glucose déshydrogénase montre une activité catalytique plus importante que la glucose oxydase, et se présente ainsi comme un

+2e-+ 2H+ -2e-- 2H+ PQQ PQQH2 N COOH COOH H N COOH O O N COOH COOH H N COOH OH HO

substituant prometteur pour son utilisation dans les capteurs à glucose et dans le marquage enzymatique des puces.

(A)

Bilan de matière à la sonde :

Mred (solution) + Mred (réaction à l’enzyme) → Mox

Bilan de courant à la sonde :

iT=i (réaction à l’enzyme) + i (diffusion latérale)

(B)

Bilan de matière à la sonde : Mred (réaction enzymatique) → Mox

Bilan de courant à la sonde : iT=i (réaction à l’enzyme)

Figure III.8 Principe des modes (A) feedback avec catalyse enzymatique et (B) génération/collection utilisés98. E représente l’enzyme, la glucose déshydrogénase (GDH) ; PQQ est la quinone

pyrroloquinoline et est utilisée en tant que co-facteur de l’enzyme ; Mox et Mred sont respectivement les

formes oxydée et réduite du médiateur.

Cette équipe s’est également intéressée à l’activité enzymatique de la β-galactosidase immobilisée sur des billes paramagnétiques99. Le mode génération/collection de la SECM a

été utilisé afin de contrôler l’oxydation du p-aminophénol (PAP) formé par l’hydrolyse catalysée par l’enzyme du p-aminophényl-β-D-galactopyranoside (PAPG) à la surface des billes. La formation de ces spots enzymatiques ouvre une nouvelle voie de construction de capteurs enzymatiques multiparamétriques (Fig. III.9).

Figure III.9 Image en mode génération/collection par SECM de micro-dépôts de β-galactosidase, ET=0,35 V, V=10 µm s-1, microélectrode de platine de 25 µm de diamètre99.

Mox

Mred glucose gluconolactone

E PQQ Mred Mred

Mred glucose gluconolactone

E PQQ Mox

C. Zhao et G. Wittstock ont très récemment montré que le mode feedback était particulièrement adapté à l’imagerie de réseaux avec de fortes densités de motifs enzymatiques100. Le mode génération/collection est préconisé lorsqu’une forte sensibilité de

détection est recherchée.

H. Yamada et al. ont réalisé l’imagerie de diaphorase et d’albumine co-immobilisées sur un substrat de verre par microscopie électrochimique101. Ils utilisent deux types de

méthodes de balayage afin d’obtenir des données concernant l’activité électrochimique et la topographie simultanément via l’utilisation d’une microélectrode vibrante (piézoélectrique). Le premier mode consiste à déplacer la sonde verticalement au cours de son balayage de la surface afin de conserver une force de cisaillement constante. Ceci permet de placer la microélectrode très près de la surface (typiquement entre 10 et 30 nm) sans risque de destruction de la morphologie de la couche enzymatique. Cependant, une grande partie de la diaphorase immobilisée sur le verre est déplacée, ce qui peut être du à une collision entre la microélectrode et la surface lors du déplacement latéral de la sonde. Le second mode utilisé (« standing mode »), proposé par l’équipe de A. J. Bard102, consiste à répéter une approche

suivie d’une rétractation de la sonde en chaque point de mesure du courant. La rétractation de la sonde (environ 2 µm) permet d’éviter le contact avec la surface lors de son mouvement latéral.