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CHAPITRE I : LA MICROSCOPIE ELECTROCHIMIQUE A BALAYAGE (SECM) 4

II. C.1.a Dépôt et gravure des métaux 19

D. Mandler et A. J. Bard ont utilisé le mode feedback afin de déposer électrochimiquement de l’or et du palladium sur un film de polymère63. Des anions

métalliques, AuCl4- ou PdCl42-, sont incorporés dans la matrice polymère

(polyvinylpyridine). Le médiateur redox, l’hexaamine ruthénium (III) (Ru(NH3)63+), est

réduit à la microélectrode, puis diffuse jusqu’à la surface (platine, carbone ou verre) recouverte du film de polymère, ce qui entraîne la réduction de l’anion AuCl4- ou PdCl42- en

métal, et donc le dépôt métallique (respectivement Au ou Pd). Un transfert d’électron rapide entre le médiateur généré et l’espèce électroactive à la surface est nécessaire pour obtenir des modifications de surfaces à haute résolution (Fig. II.2A).

.

(A) (B)

Figure II.2 Principes du mode feedback par SECM pour (A) le dépôt d’or ou de palladium63, (B) la

gravure de cuivre64. Os(bpy)32+Os(bpy)33+ Os(bpy)32+ Os(bpy) 33+ quartz cuivre Cu2+ Ru(NH3)63+ Pt, C ou verre Ru(NH3)62+ Ru(NH3)63+ Ru(NH3)62+ Pd Au PdCl42- AuCl4- polyvinylpyridine

Cette équipe a appliqué le même procédé afin de réaliser la gravure de cuivre en utilisant les espèces redox Fe(phen)32+ ou Os(bpy)32+ (phen=1,10-phénanthroline,

bpy=2,2’-bipyridyl)64. Lorsque la microélectrode est approchée de la surface de cuivre, un

courant de feedback positif est observé, ce qui correspond à la régénération des espèces réduites par transfert d’électrons avec la surface. Ceci entraîne la dissolution du cuivre, strictement limitée à la zone diffusionnelle du médiateur oxydé (Fig. II.2B).

J. W. Still et D. O. Wipf ont montré que le mode feedback peut être utilisé pour produire une corrosion localisée65. En effet, la génération d’ions chlorures à la microélectrode

va former une couche de passivation sur un substrat de fer.

L’équipe de D. Mandler a ensuite développé une nouvelle technique de dépôt par mode feedback, appelée « microwriting », basée sur la dissolution de la microélectrode66. En

maintenant un potentiel négatif constant au substrat (ITO, « indium-tin-oxide », oxyde d’étain et d’indium), la microélectrode (or) sert de réservoir de matière et est dissoute en présence de chlorures, ce qui va générer des espèces AuCl4-. Ces espèces vont diffuser

jusqu’au substrat où elles seront réduites pour former un dépôt de structures microcristallines d’or (Fig. II.3). La résolution dépend fortement de la taille de la microélectrode.

Figure II.3 Schéma du mode dit « microwriting » de micro-fabrication de dépôts d’or66.

Quelques années plus tard, cette équipe a réalisé des dépôts localisés d’or sur du silicium selon le même procédé de dissolution anodique de la microélectrode en présence d’ions chlorures67. Des monocouches de cystamine ont ensuite été assemblées sur ces motifs d’or, puis soit un fluorophore (fluorescéine isothiocyanate), soit une enzyme (glucose oxydase), afin de caractériser ces monocouches par fluorescence et par SECM respectivement. Ceci constitue donc également une méthode indirecte pour déposer localement des éléments biologiques par l’intermédiaire de microdépôts d’or.

En 1997, J. Heinze et ses collègues ont étudié le dépôt de métaux sur des surfaces non conductrices68. Le substrat (téflon) est recouvert d’une couche de composé précurseur, le

chlorure d’argent, et plongé dans une solution organique contenant l’espèce électroactive, la

dépôt d’or + ITO Au AuCl4- e-

p-benzoquinone. L’hydroquinone est formée par réduction à la microélectrode, puis diffuse jusqu’au substrat où elle va générer la réduction du chlorure d’argent sur la surface. Ceci va entraîner la formation de cristaux d’argent bien ordonnés via un processus chimique. Après une période d’induction, ces nucléis vont croître à travers un processus physique et vont s’assembler pour former de fins motifs d’argent. Ceci entraîne donc une propagation à deux dimensions de l’argent jusqu’à ce que la limite d’extension latérale soit atteinte. La croissance se poursuit ensuite dans la direction verticale.

Cette équipe a également réalisé sur une surface d’or des dépôts d’argent de tailles plus faibles que la microélectrode en développant une technique dite de « chemical lens » qui consiste à ajouter une entité qui va réagir avec les espèces générées à la sonde, ce qui produit un effet significatif de focalisation du champ de diffusion69. Dans la solution électrolytique, les cations d’argent sont complexés par un excès d’ammoniac, ce qui évite un dépôt d’argent initial sur la surface d’or. Une diminution locale du pH est réalisée au niveau de la sonde en oxydant les ions nitrites en ions nitrates (Eq. II.1). Ces protons générés vont favoriser la dissociation du complexe [Ag(NH3)2]+ pour donner des ions Ag+ (Eq. II.2) qui seront ensuite

réduits au substrat (Eq. II.3).

Au niveau de la sonde : NO2- + H2O  NO3- + 2H+ + 2e- (II.1)

En solution : [Ag(NH3)2]+ + 2H+  Ag+ + 2NH4+ (II.2)

Au niveau du substrat : Ag+ + e-  Ag (II.3)

La présence de l’ammoniac permet de complexer l’argent qui diffuse hors de la zone réactionnelle, ce qui a pour effet de réduire la taille des motifs obtenus dépendant alors de la distance entre la sonde et le substrat.

Quelques années plus tard, la même équipe a exploité cette technique de « chemical lens » pour réaliser la gravure de masques dans des couches uniformes de nickel sur des substrats d’or, afin d’obtenir des sites d’adsorption pour des couches auto-assemblées70. La

microélectrode est utilisée en mode feedback pour générer des protons en milieu aqueux par oxydation des ions nitrites en nitrates (Eq. II.4). Après diffusion jusqu’au substrat, l’acide nitrique généré va graver la couche de nickel selon les équations II. 5, 6, et 7.

Au niveau de la sonde : NO2- + H2O → NO3- + 2H+ + 2e- (II.4)

Au substrat : NiO + 2HNO3 → Ni(NO3)2 + H2O (initial) (II.5)

4Ni + 10HNO3 → 4Ni(NO3)2 + NH4NO3 + 3H2O (majoritaire) (II.6)

5Ni + 12HNO3 → 5Ni(NO3)2 + N2 + 6H2O (minoritaire) (II.7)

La figure II.4 représente le principe et l’imagerie d’un masque gravé dans la couche uniforme de nickel recouvrant l’or en mode imagerie de la SECM (mode feedback).

(A) (B)

Figure II.4 (A) Principe et (B) Image SECM en mode feedback obtenue en réduisant l’hexaamine ruthénium (III) sur une microélectrode de platine (diamètre de 10 µm) et en balayant la surface du substrat d’or recouvert d’une couche de nickel sacrificielle à une vitesse de 10 µm s-1. Les niveaux de gris

indiquent le courant mesuré à la sonde en nA70.

La cinétique de la gravure de nickel en milieu acide est relativement lente, ce qui peut élargir le champ de diffusion des espèces générées à la microélectrode et donc conduire à une résolution latérale réduite. Afin d’éviter ce phénomène, cette équipe a utilisé le concept de « chemical lens » en ajoutant de l’hydroxyde de potassium, ce qui permet de graver des surfaces de tailles inférieures à celle de la sonde (Fig. II.5).

Figure II.5 Principe de la technique de « chemical lens » utilisée par J. Ufheil et al. pour réaliser la gravure sur des couches uniformes de nickel sur or70.