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CHAPITRE I : LA MICROSCOPIE ELECTROCHIMIQUE A BALAYAGE (SECM) 4

III. B.2.e L’ADN 60

Quelques équipes se sont intéressées récemment à la détection par SECM de brins d’ADN (Acide DésoxyriboNucléique) immobilisés, et/ou du phénomène d’hybridation, c’est- à-dire d’appariement spécifique de deux brins complémentaires d’ADN.

S. Takenaka et ses collègues ont réalisé l’imagerie de réseaux d’ADN de thymus de veau5. Celle-ci est basée sur la détection d’un courant électrique, mesuré à la sonde

polarisée (ET=0,7 V vs. Ag/AgCl) et placée à une distance de 5 µm de la surface. Ce courant

est généré par un intercalant de type « threading agent » qui donne une spécificité au double brin, le ferrocènyl naphtalène diimide150, concentré dans la région du double brin d’ADN de

thymus de veau immobilisé sur une surface de verre.

L’équipe de F. Zhou a utilisé la microscopie électrochimique afin de détecter le phénomène d’hybridation d’oligonucléotides (ODN)151. Les oligonucléotides immobilisés sont hybridés en présence d’ODN complémentaires biotinylés. Des nano-particules d’or marquées par la streptavidine sont couplées sur ces spots hybridés, puis des particules d’argent

précipitent à leur surface (Fig. III.22). Ces particules d’argent ont pour effet d’augmenter la conductivité de surface et donc le courant de feedback mesuré en présence d’un médiateur, l’hexaamine ruthénium (III), sur les spots hybridés.

(A) (B)

Figure III.22 Schéma du principe utilisé par l’équipe de F. Zhou pour la détection de l’hybridation de l’ADN basé sur une augmentation de la conductivité causée par la présence de particules d’argent sur les spots hybridés151 : (A) cas des spots hybridés, (B) cas des spots non hybridés.

Cette équipe a également réalisé l’imagerie de polynucléotides et d’oligonucléotides simple brin (Poly[G] et ADN de thymus de veau), immobilisés sur des surfaces de verre modifiées, par SECM à travers l’oxydation de la guanine, l’une des quatre bases nucléiques de l’ADN152. Le médiateur redox, Ru(bpy)32+, est oxydé à la sonde pour donner Ru(bpy)33+

qui, après avoir diffusé jusqu’au substrat, va oxyder les guanines dans les molécules d’ADN immobilisées (Eq. III.11 et Eq. III.12).

A la sonde : Ru(bpy)32+ → Ru(bpy)33+ + e- (III.11)

Au substrat : Ru(bpy)33+ + guanine → Ru(bpy)32+ + guanine+ (III.12)

De plus, l’hybridation de l’ADN a été mise en évidence en réalisant l’imagerie de Poly[C] après avoir été en contact avec Poly[G], ces deux polynucléotides étant complémentaires. Enfin, la spécificité de l’hybridation d’oligonucléotides a été vérifiée par imagerie en SECM. Cette technique présente deux inconvénients majeurs : le polynucléotide ou l’oligonucléotide étudié doit contenir de la guanine pour être détecté, et cette méthode est destructive. Cependant, la détection de l’ADN et du phénomène d’hybridation par l’oxydation des guanines par SECM constitue une approche simple (absence de marquage ou de traitement après hybridation) et sensible.

L’équipe de W. Schuhmann a réalisé l’imagerie de simples brins d’ADN immobilisés sur une surface conductrice d’or, et a détecté l’hybridation des spots par mode feedback de la SECM en utilisant un électrolyte contenant un couple redox chargé négativement ([Fe(CN)6]3-/4-)153.

Ru(NH3)63+ Ru(NH 3)62+

Ru(NH3)63+ Ru(NH3)62+

ODN et ODNcbiotinylé

nano-particules d’or

marquées par la streptavidine particules d’argent

(A) (B)

Figure III.23 Détection de l’hybridation d’oligonucléotides par SECM réalisée par l’équipe de W. Schuhmann153. Images SECM d’un spot d’oligonucléotide (A) témoin non hybridé, (B) hybridé.

Conditions de détection : microélectrode de platine (10 µm de diamètre), V=10 µm s-1, solution de

tampon phosphate 0,1 M pH 5,7 et NaCl 3 M contenant 5 mM [Fe(CN)6]3-.

Des diminutions importantes du courant de feedback positif sont observées sur les microstructures d’ADN en raison de la répulsion localisée entre les groupements phosphates déprotonés des brins d’ADN immobilisés et l’anion [Fe(CN)6]3-. Une charge négative

additionnelle est introduite par l’hybridation, ce qui augmente l’effet d’interaction coulombienne sur le flux diffusionnel des espèces électroactives. Le courant de feedback positif observé sera donc encore plus faible après hybridation (Fig. III.23).

L’équipe de A. J. Bard s’est intéressée très récemment au transfert d’électrons dans des monocouches auto-assemblées d’ADN en présence et en absence d’ions métalliques154.

En effet, une nouvelle structure, notée M-ADN, a été mise en évidence en 1993, et correspond à l’association d’ions métalliques divalents avec les bases du duplex d’ADN. Cette équipe a mesuré les vitesses de transfert d’électrons dans des monocouches de double brin d’ADN et de M-ADN par analyse des courbes d’approche théoriques et expérimentales en mode feedback de la SECM. Une étude avec différents médiateurs a montré que la réponse électrochimique était bloquée uniquement avec les espèces anioniques, ce qui indique l’influence des forces de répulsion électrostatique entre le médiateur et les groupements phosphates chargés négativement de l’ADN. Enfin, ils ont observé qu’avec l’addition de l’ion Zn2+ afin d’obtenir une structure de la forme M-ADN, la constante de vitesse de transfert d’électrons augmente. Cette variation peut être attribuée à une augmentation intrinsèque de la conductivité électrique de M-ADN. Le changement de la charge de surface des monocouches d’ADN en raison de la liaison des ions métalliques avec les molécules biologiques joue également un rôle important dans l’augmentation du courant observée pour les structures M-ADN.

R. E. Gyurcsanyi et al. ont détecté le phénomène d’hybridation de l’ADN en utilisant un marquage enzymatique12. Des brins d’oligonucléotides 18-mer sont déposés sur une électrode, puis hybridés en présence d’ODN complémentaires marqués par une enzyme, la

glucose oxydase. Le mode génération/collection de la SECM est utilisé afin de détecter à la sonde le peroxyde d’hydrogène généré en présence de D-glucose par la réaction catalysée par la glucose oxydase. Cette réaction enzymatique ne se produit donc que sur les spots hybridés (Fig. III.24).

Figure III.24 Détection de l’hybridation d’oligonucléotides par marquage enzymatique (glucose oxydase)12.

Conditions de détection : microélectrode de platine (12,5 µm de diamètre) dans une solution de D- glucose 130 mM dans du tampon phosphate pH 5,8.

S. Bi et al. ont utilisé le mode génération/collection de la microscopie électrochimique afin d’étudier les intermédiaires à faible durée de vie de l’un des nucléosides de l’ADN, la guanosine (Gs)155. Celle-ci a un rôle très important car son oxydation en radical cation est

impliquée dans les transferts de charge et dans les dommages de l’ADN. Leur objectif est de détecter le radical cation Gs.+ qui est généré dans un premier temps lors de l’oxydation de la

guanosine, avant de subir rapidement une déprotonation, suivie d’un perte d’un second électron, afin d’obtenir le produit final de cette réaction, la 8-oxo-guanosine156,157 (cf

chapitres VI et VII). La guanosine est oxydée au niveau de la sonde et détectée au niveau du substrat qui doit être de faible taille afin de limiter le courant de fond. De plus, il est nécessaire de placer la microélectrode à une distance du substrat inférieure à 2 µm afin de permettre à l’espèce intermédiaire Gs.+ de diffuser jusqu’à la seconde électrode où elle sera détectée avant qu’elle ne subisse de déprotonation. L’épaisseur de la couche réactionnelle de cet intermédiaire est inférieure à 0,2 µm, et sa durée de vie est estimée à moins de 40 µs.