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CHAPITRE I : LA MICROSCOPIE ELECTROCHIMIQUE A BALAYAGE (SECM) 4

II. B.2 Dépôt de polymères conducteurs 15

Depuis quelques années, les polymères conducteurs56, tels que la polyaniline (PANI), le polythiophène (PT) ou le polypyrrole (Ppy), représentent un intérêt considérable dans l’industrie microélectronique. En effet, ils sont rapidement devenus des composés prometteurs en science des matériaux, comme, par exemple, pour la fabrication de diodes, capteurs et guides d’ondes. L’un des aspects les plus intéressants de tels polymères est leur capacité à passer d’un état électronique isolant à un état conducteur, ce qui est accompagné d’importants changements de leurs propriétés optiques. De plus, ils sont aisément formés par électropolymérisation, ce qui conduit à des films polymères bien adhérents sur la surface de l’électrode. La micro-structuration de ces polymères est possible selon plusieurs procédés tels que, par exemple, l’utilisation du laser (dépôt de polythiophène sur du silicium) ou le microscope à effet tunnel (dépôt de polypyrrole sur de l’or)57. La microscopie électrochimique et ses possibilités de polymérisation localisée ont permis une nouvelle approche des applications microtechnologiques des polymères conducteurs, en particulier concernant les capteurs et outils microélectroniques.

La première étude de micro-fabrication de polymères conducteurs par mode direct a été menée par l’équipe de A. J. Bard en 198910. La microélectrode et un substrat de platine sont séparés par un film fin de polymère conducteur ionique, le Nafion, qui contient des cations anilinium libres de se déplacer à l’intérieur de la matrice polymère. Ils utilisent de l’aniline protonée car la polyaniline ne polymérise dans l’eau qu’en milieu acide. Le substrat de platine est polarisé positivement, ce qui entraîne l’électropolymérisation de l’aniline. En déplaçant la sonde polarisée négativement le long du film, les protons sont simultanément réduits à la microélectrode, ce qui permet le dépôt de motifs de taille submicrométrique de polyaniline. La résolution de ces dépôts dépend de la taille de la sonde, la distance de pénétration et l’épaisseur de la couche de Nafion.

Le dépôt de lignes de polymères conducteurs a fait l’objet de nombreuses recherches, en particulier par l’équipe de W. Schuhmann58. Ce dernier a mis en évidence l’importance de

maintenir une forte concentration de monomères dans l’espace entre la microélectrode et le substrat. Or, l’application d’un potentiel constant au substrat conduit à une disparition rapide du monomère dans cette zone, ce qui réduit la probabilité de propagation de la chaîne, et peut éventuellement entraîner la formation d’un dépôt du polymère sur la surface entière du substrat. Afin d’éviter ce phénomène, W. Schuhmann a alors proposé une technique qui consiste à appliquer une série d’impulsions au substrat, et non plus un potentiel constant, la microélectrode jouant le rôle de contre-électrode. La première impulsion (1,2 V vs. Ag/AgCl pendant 2 secondes) correspond à l’oxydation de la quasi-totalité des monomères de pyrrole présents dans la zone entre la microélectrode et le substrat d’or ; la seconde impulsion (0,85 V pendant 1 seconde) a pour effet d’oxyder les oligomères solubles. Enfin, la dernière impulsion (0,35 V pendant 2 secondes) est une période de relaxation qui permet au système de revenir à son état initial. Au cours de cette série d’impulsions, la microélectrode est déplacée à une vitesse de quelques microns par seconde. W. Schuhmann et al. ont ainsi obtenu des lignes de polypyrrole d’une largeur comprise entre 50 et 60 µm, ce qui peut être corrélé à la taille totale de la microélectrode (fil de platine et verre isolant). Aucune trace de polymère en dehors de ces lignes n’a été observée. D’autres polymères conducteurs, tels que le polythiophène, ont été déposés suivant le même procédé.

Par cette méthode de dépôt microstructuré de lignes de polypyrrole, C. Kranz et al. ont réalisé la connexion d’électrodes d’or séparées par un intervalle isolant de 100 µm, dans le but de développer des transistors microélectrochimiques59. En utilisant la microélectrode en tant que contre-électrode et en appliquant une série de trois impulsions galvanostatiques au substrat, un spot de polypyrrole est déposé dans l’intervalle entre les deux électrodes d’or.

En combinant cette technique de série d’impulsions galvanostatiques et le mode feedback de topographie, l’équipe de W. Schuhmann a montré la possibilité de déposer des structures à trois dimensions de polypyrrole22. Ces « tours » ont une hauteur d’environ 140

µm et un diamètre de 40 µm. La reproductibilité de la fabrication de telles structures dépend fortement de la géométrie de la microélectrode et de la distance entre la sonde et le substrat.

En appliquant le même concept, l’équipe de W. Schuhmann s’est ensuite intéressée au dépôt de lignes de poly-N-(ω-amino-alkyl)pyrrole6. Comme précédemment, les largeurs

des lignes obtenues sont reliées à la taille de la microélectrode. Cependant, le processus de dépôt électrochimique et la croissance du film sont limités par la faible conductivité de ces films de polypyrrole fonctionnalisé. Une enzyme modifiée, la glucose oxydase, est ensuite liée de manière covalente à ces motifs, et par cette post-fonctionnalisation, le microscope électrochimique peut ensuite contrôler la formation des motifs, et également l’activité enzymatique, comme nous le verrons dans la partie suivante de ce chapitre.

W. Schuhmann et al. ont montré que cette méthode de série d’impulsions permet de déposer localement des lignes de polypyrrole, de polypyrrole N-substitué, de polythiophène, et de polythiophène substitué en 360.

Selon la méthode de W. Schuhmann, S. A. G. Evans et al. ont déposé sur un substrat de platine des spots de polypyrrole biotinylé d’un diamètre de 50 à 75 µm en utilisant une microélectrode de platine (5 µm de diamètre) en tant que contre-électrode61. En accord avec

les résultats de l’équipe de W. Schuhmann, la taille des micro-dépôts obtenus par mode direct est comparable au diamètre total de la microélectrode (50 µm), c’est-à-dire de la partie conductrice et du verre isolant. Par l’intermédiaire de l’avidine, ils ont ensuite fixé une enzyme sur ces spots, la glucose oxydase biotinylée. Afin de cartographier son activité enzymatique, cette équipe a ensuite utilisé la SECM en mode génération/collection qui consiste ici à détecter des espèces électroactives à la microélectrode, le peroxyde d’hydrogène, générées par les molécules immobilisées au substrat. La microscopie électrochimique est ainsi utilisée pour ses deux fonctionnalités que sont la structuration et la caractérisation de surfaces.

II.B.3. Fonctionnalisation par des molécules organiques et biologiques