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2. Eléments historiques

3.5 Stylistique et rhétorique

Le style des récits est en partie déterminé par la forme dominante de leur discours, à savoir le dialogue ou la narration. Dans les interviews, la conversation entre le journaliste et l’écrivain apparaît en discours direct. La forme dialogique permet un style plus vivant et authentique que celui des récits narrativisés. Le discours direct vise à rapporter les propos d’autrui le plus littéralement possible dans un style oral. Ainsi, les points de suspension sont fréquents dans les interviews de Jules Huret : ils reflètent les pauses ou les hésitations lors des discussions. Les propos de Paul Verlaine ou de L.-F. Céline contiennent quant à

107 Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, article «Interview », vol. 17, troisième partie, p.

1438.

108 Nora, 1986, p. 573.

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eux des expressions familières, d’un parler populaire (« hein ? », « je m’en fiche », « Eh bien ! mon petit vieux »109). Grâce à l’oralisation du discours, le lecteur a donc l’impression d’être confronté à l’écrivain de façon immédiate.

L’authenticité est encore plus forte lorsque le narrateur utilise le genre des ana pour rapporter la conversation de son hôte. On le constate dans l’interview de Jean Cocteau par Frédéric Lefèvre, où certaines phrases sont en italiques, indiquant qu’il s’agit des paroles originales (pp. 110-113). Lefèvre a noté certaines propos mot pour mot, et il aurait même voulu immortaliser le discours véridique dans sa totalité : « Je me souviens de tout, très nettement, mais comment tout enregistrer ? » (Lefèvre, p. 108). En 1924, le magnétophone n’existait pas encore.

Mais le journaliste dit bien qu’il a encore toute la conversation en tête (« je me souviens de tout »)110. Par conséquent, l’immédiateté de la rédaction de l’interview ajoute encore à l’authenticité du discours. Finalement, le style de l’interview est plus objectif que celui des récits traditionnels : le journaliste cherche à retranscrire une conversation de manière fidèle et son engagement est moins intime et personnel qu’un autre visiteur, qui accorde une place importante à ses impressions et ses émotions.

Parmi les textes de type narratif, certains adoptent un style télégraphique. C’est le cas des récits de Paul Morand et Elisabeth Porquerol, où les descriptions et parfois le discours rapporté se présentent sous forme de phrases nominales.

L’écriture est rapide, prise sur le vif. Porquerol écrit peu de temps après la visite de Céline : « Je note vite tout ça après avoir mangé (je crevais de faim), il est parti à une heure et demie ! » (Porquerol, p. 552). De même, dans le journal de Paul Morand, les événements quotidiens s’appuient sur une narration immédiate. Le style abrégé de ces récits exprime une spontanéité qui le rapproche de l’écriture journalistique, bien que le texte de Morand ne soit pas de cette nature. Le narrateur reproduit en quelque sorte des notes sous forme d’esquisses, analogues à celles que prend un reporter lors d’une enquête. Le style télégraphique affiche

109 Huret, p. 109 et Descaves, p. 23.

110 Philippe Lejeune explique : « […] de 1884 jusqu’à la commercialisation du magnétophone (1948), toutes les interviews se sont faites avec du papier et un crayon, mais surtout avec de la mémoire » (Lejeune, 1980, p. 105).

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ainsi une certaine fidélité discursive, qui reste toutefois moins forte que celle émanant du style direct des interviews.

Les autres textes narratifs du corpus donnent une idée moins précise de ce que l’auteur a dit. Ceux-ci contiennent peu ou pas de discours direct. Certains d’entre eux ont même été rédigés longtemps après la rencontre avec l’écrivain, poussant fréquemment l’auteur à attester de la sincérité de son récit dans le péritexte. Cette rhétorique est un lieu commun des préfaces des récits autobiographiques. Charles Buet écrit dans sa dédicace du 22 décembre 1884: « […] je n’ai dit que ce que j’ai vu, ou ce que j’ai pensé, loyalement, sans détours » (Buet I, pp. III-IV). L’auteur atteste de la fidélité de son texte en faisant part de son honnêteté, mais en soulignant également son statut de témoin : il a « vu » ce qu’il raconte, et parle ainsi en connaissance de cause. Le fait même de relater des événements vécus légitime l’écriture. Maurice Sachs recourt à une argumentation du même ordre lorsqu’il affirme que « l’auteur ne fait pas profession d’écrire et ce ne sont ici que les notes d’un spectateur » (Sachs, introduction). L’auteur délaisse son statut d’homme de lettres pour adopter celui du « spectateur », qui écrit pour transmettre ce qu’il a vu, et non pour faire un chef-d’oeuvre. L’écriture devient une entité négligeable : ce sont de simples « notes ». Ce terme atteste de l’objectivité des faits, tout en excluant l’idée de sublimation engendrée par la littérature. En adoptant le rôle du témoin, Sachs tend à se faire pardonner des « déficiences » et

« redites » de son récit (idem). La rhétorique du témoignage permet d’attester de la véracité d’une écriture dont le style paraît moins porteur d’authenticité que d’autres, mais forme également une stratégie d’auteur, cherchant à légitimer l’œuvre tout en se prémunissant de la critique stylistique.

Les autres éléments rhétoriques des récits de visites, comme l’éloge ou le blâme, s’éloignent d’une visée métadiscursive pour toucher à la représentation de l’écrivain. Nous avons qualifié d’"élogieux" tout texte louant le grand homme. Or, tel qu’il a été repris au siècle des Lumières, l’éloge est un genre "académique". Il comprend une codification précise, lisible dans les récits de visites du XVIIIe siècle, mais qui a presque totalement disparu dans ceux de la Troisième République. Comme l’explique J.-C. Bonnet111, le canon de l’éloge comprend des

111 Cf. Bonnet, 1998, pp. 84-96 et 1978, p. 62.

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motifs comme la précocité112, la sobriété et la puissance de travail. Parmi ces éléments, seul le dernier est discernable dans les récits de notre corpus, comme celui d’Edmondo de Amicis : « Il [Jules Verne] va se coucher presque chaque soir à huit heures ; le matin, à quatre heures, il est déjà debout, il travaille jusqu’à midi » (Amicis, p. 3). La présentation des horaires de Verne, lequel se lève très tôt pour écrire, permet de souligner son assiduité au travail. Ce rituel de vie souligne l’effort nécessaire à l’écrivain pour créer une oeuvre et, de ce fait, nuance le mythe romantique de l’inspiration divine. L’éloge rejette ainsi l’idée du prodige pour rendre hommage au mérite personnel113. Excepté ce motif, les récits du corpus ne laissent pas d’autres traces du genre. Qualifier les textes de la Troisième République d’"élogieux" n’est donc, au sens dernier du terme, pas tout à fait exact. Il faudrait opter pour une désignation plus neutre, telle qu’un récit

"révérencieux", ou considérer l’éloge au sens général du terme, tel que l’entendait Aristote, c’est-à-dire comme une des fonctions du discours rhétorique épidictique qui consiste à regrouper tout genre de texte cherchant à louer ou blâmer un individu. Dans les récits du corpus, la célébration du grand homme passe par des modèles discursifs qui, contrairement à l’éloge académique, marquent encore fortement les mentalités de l’époque, comme la physiognomonie114, mais également l’hagiographie et l’humorisme.

L’hagiographie remonte à l’Antiquité et a atteint son apogée à l’époque médiévale115. Le genre s’est perpétué jusqu’au XVIIe siècle, moment où il change de forme pour devenir plus historique. Plus de deux siècles plus tard, ce discours est toujours prégnant, puisqu’il laisse encore des traces dans les récits de visites.

L’édification est un motif hagiographique qui se retrouve dans plusieurs textes : Jules Verne est « bon et généreux » (Amicis, p. 6), François Coppée « aimait les

112 Afin de dresser un portrait complet de l’écrivain, certains textes de visites reviennent sur sa vie, notamment sa jeunesse. Plusieurs récits du XVIIIe siècle soulignent les dispositions intellectuelles précoces du grand homme : « A deux ans et demi il [le père de J.-J. Rousseau]

le faisoit lire […] dans la Vie des Hommes Illustres. Dès cet age il s’exprimoit avec sensibilite » (B. de St-Pierre, p. 39), « A vingt ans, il [Buffon] avoit découvert le binôme de Newton, sans savoir qu’il eût été découvert par Newton […] » (H. de Séchelles, pp. 18-19).

113 Au XVIIIe siècle, l’éloge a supplanté l’oraison funèbre, qui descendait de la culture chrétienne et était surtout réservée aux grandes personnes de naissance. L’éloge, quand à elle, est laïque : elle remonte à la tradition antique et vante les mérites d’un individu.

114 Cf. chapitre 3.2.

115 L’exemple le plus fameux est la Légende dorée de Jacques de Voragine, qui date du XVIIIe siècle et regroupe plus de cent huitante vies de Saints.

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petits, les humbles et les pauvres » (Buet II, p. 213) et il est considéré comme un

« sage » (p. 217). L’écrivain est présenté comme une personne exemplaire, aux qualités vertueuses. Son sens du prochain tend particulièrement à le rapprocher d’une figure sainte, voire christique. Il faut préciser qu’en lui-même, le statut de d’écrivain suggère déjà une forme de dévouement. Ce dernier consacre en effet toute sa vie à écrire pour les autres, sans même parfois obtenir de reconnaissance en retour. Un autre type d’allusion hagiographique apparaît lorsque le visiteur souligne la présence d’animaux chez l’écrivain :

Des bêtes, il y en avait toujours dans le cabinet de travail : le chat, le caniche, le briard dont la tête ébouriffée ressemblait à un chrysanthème. […] Je dirai même que ce chien suppléait, dans une certaine mesure, à beaucoup de choses que d’ordinaire on demande à la vie sociale […] Les familiers de la maison étaient rares.116

La familiarité de l’homme de lettres avec le monde animal rappelle la relation que les Saints entretenaient avec les bêtes. Dans la littérature hagiographique, plusieurs épisodes les montrent en train de parler aux oiseaux, aux poissons ou autres animaux, qui les écoutent et leur obéissent. Ces individus possédaient le don de les comprendre. Saint-François d’Assise, créateur de l’ordre des franciscains, en est l’exemple le plus célèbre. En présentant l’entourage animalier de Maurice Barrès, Jérôme Tharaud suggère une empathie du même ordre.

L’écrivain s’entend bien avec les animaux, même mieux qu’avec les hommes.

Comme l’explique le romancier François Nourissier117, il est la compagnie idéale de l’écrivain, lequel a besoin d’une atmosphère calme et réflexive pour travailler.

Le chat assiste songeur au phénomène de la création et remplit ainsi le rôle du gardien de l’écriture. Le chien est le pendant du chat : plus bruyant et spontané, il apporte de la vie à la maison. Les animaux de Barrès forment un environnement

"équilibré", qui remplace en quelque sorte la présence humaine. Montrer l’homme de lettres entouré d’animaux tend une fois de plus à le sacraliser, mais également à souligner sa marginalité. En effet, à l’image de ses fidèles compagnons et de son lieu d’habitat, il aime garder une certaine distance avec le monde humain.

Cette attitude peu sociable de l’écrivain s’apparente à l’humeur mélancolique que les visiteurs ont souvent tendance à lui assigner. Ce tempérament a connu un

116 Tharaud, p. 91.

117 Nourrissier, 1984, pp. 103-105.

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succès particulier dans l’histoire. Il trouve ses sources dans l’Antiquité, plus précisément chez Hippocrate, qui a développé la théorie des quatre humeurs – sang, bile jaune, bile noire, flegme – auxquelles correspondent les tempéraments sanguin, colérique, mélancolique et flegmatique. Depuis le texte Problème XXX,1 d’Aristote118, la mélancolie fut associée au génie. Elle fut particulièrement valorisée à la Renaissance, qui hérita de cette représentation, ainsi qu’au XIXe siècle, dans le contexte du romantisme et de l’exacerbation des sentiments. Les récits de visites sous la Troisième République démontrent que le schéma humoral fait toujours partie de la doxa. Jules Huret affirme en effet que Guy de Maupassant a un « air […] très splénétique » (Huret, p. 203). Le spleen119 est un terme utilisé par les poètes du XIXe siècle, notamment par Baudelaire, pour décrire l’état d’âme mélancolique. Il illustre un sentiment de tristesse, de lassitude et perte de l’élan vital sans cause apparente. Maupassant n’a pas d’avis précis sur l’évolution littéraire. Représentée par de nombreux points de suspension, sa manière très lente de parler exprime cet état de désenchantement, de doute de soi-même, propre aux humeurs noires. Dans une visite à Paul Féval, Charles Buet écrit que « le maître était là, le visage entre ses deux mains, pâle, fatigué, plongé dans une méditation douloureuse » (Buet I, p. 101). Cette posture rappelle celle du mélancolique : l’individu est replié sur lui-même et sa main soutient une tête trop lourde. Elle est fréquemment illustrée dans les iconographies portant sur la mélancolie, telle que Melancholia I, la célèbre gravure d’Albrecht Dürer (figure 6). Mais le motif de la main soutenant le visage n’est pas sans rappeler la posture du penseur, telle qu’elle a été instaurée par la sculpture connue d’Auguste Rodin, Le Penseur (figure 7). Le fait que Féval tienne sa tête à deux mains est un moyen d’accentuer son accablement, tout comme la douleur de sa pensée (Buet parle d’ailleurs d’une « méditation douloureuse »). De même, son visage « pâle » et

« fatigué » peut avoir plusieurs connotations : il illustre d’une part l’insomnie, symptôme secondaire à la mélancolie, mais également, de façon indirecte, la force de travail de l’écrivain, qui consacre parfois ses heures nocturnes à l’écriture. La mélancolie avait la réputation de toucher l’humeur d’hommes hors du commun ;

118 Ce texte est attribué à Aristote, mais il vient sûrement de son disciple Théophraste.

119 Ce terme vient de l’anglais mais sa racine est d’origine grecque, splên, qui signifie "la rate", organe producteur de la bile noire dans la médecine hippocratique.

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attribuer ce tempérament à l’écrivain est donc une manière d’attester de son génie, et par là même de l’honorer. Le récit sarcastique de Léon Daudet bouscule cette logique car Emile Zola est « le type achevé du bilieux » (Daudet, p. 57). En faisant référence à la bile jaune, l’auteur attribue à Zola un tempérament colérique qui entache l’image d’un être d’exception dans l’écriture.

La rhétorique des interviews est moins manifeste que celle des récits de type narratif, mais pas inexistante. La discussion est souvent assimilée à une narration de la rencontre, qui laisse apparaître quelques marques d’un discours révérencieux. Pour le reste, la célébration réside dans la pratique de l’interview, même si son scénario n’apparaît pas de manière explicite dans le texte. Le déplacement du journaliste chez l’écrivain suggère déjà une forme de reconnaissance, qui ne sera plus la même lors de l’entretien radiophonique ou télévisé, où l’écrivain pénètrera lui-même dans le foyer du public : la visite sera en quelque sorte « inversée »120. L’attitude du journaliste est aussi significative : prendre un carnet et un crayon afin d’immortaliser les paroles de l’écrivain est une façon de lui accorder une grande importance et de l’honorer. La technique de l’interview suggère donc une célébration du discours oral. Le procédé de Frédéric Lefèvre y ajoute le culte de l’écrit car, durant son interview, il récite par coeur des extraits de l’œuvre de Jean Cocteau (Lefèvre, pp. 104-105). Cette manière d’entretenir la discussion met en évidence le rôle de Lefèvre, c’est-à-dire celui du critique littéraire, qui connaît parfaitement l’œuvre de l’auteur interrogé afin d’en donner un portrait approfondi. Mais en réciter de mémoire des extraits souligne également l’intérêt et le respect que le critique porte à Cocteau. Comme le but d’un texte journalistique est avant tout informationnel, la célébration du grand homme est moins explicite que dans les récits narratifs, mais tout geste ou discours sous-entendu compte.

La figure émergente du reporter sous la Troisième République contribue à la transformation des récits de visites à l’écrivain. Le contraste entre les interviews et les récits traditionnels, qui coexistent lors de cette période, est révélateur. La nouvelle technologie médiatique impose en effet des formes différentes

120 Nora, 1986, p. 581.

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d’expression, tant au niveau stylistique que rhétorique. Le style est plus authentique et objectiviste, laissant moins de place au discours rhétorique qui, dans les récits traditionnels, a pour but de renforcer la célébration déjà instaurée par le rituel de la visite et les comportements du sujet (émotions, fétichisme, voyeurisme positif). Mais la révérence se manifeste par certains détails significatifs, qui découlent la plupart du temps de la mise en scène de l’entretien et non du discours explicite.

58 4. La représentation du grand écrivain

Après avoir décrit le cérémonial de la visite à l’écrivain, nous entrons dans la partie analytique du travail, portant sur la représentation du "grand homme".

Pendant la visite, l’écrivain donne une image de lui-même, qui résulte de sa manière d’être et d’agir. Le visiteur a quant à lui une certaine façon de percevoir son hôte et de le représenter dans son écrit. La figure d’auteur est donc construite à travers le double prisme de l’auto- et de l’hétéroreprésentation. Suivant le profil de l’écrivain et du visiteur, la visite se passe différemment et la figure d’auteur varie. Bien que les topiques marquent la structure globale, chacun des textes affiche donc certaines spécificités.

4.1 La posture d’auteur par autoreprésentation

L’image que l’homme de lettres donne de lui-même résulte de deux types de données : d’une part de ses attitudes non verbales (son habillement, sa gestuelle), d’autre part de son discours (rapporté en style direct ou indirect). Nous pouvons parler de « posture d’auteur »121 dans la mesure où l’écrivain tend à renégocier la position qu’il occupe dans le champ littéraire. L’auteur impose au public une image de soi qui ne correspond pas toujours à la réalité. Il construit un

« personnage »122, distinct de sa personne123, c’est-à-dire de l’homme civil. La posture d’auteur ne découle pas uniquement des conduites sociales, mais provient aussi de ses textes à travers lesquels il donne une représentation de soi que la rhétorique appelle l’ethos discursif. Les récits de visites ne permettent pas de distinguer tous clairement une posture d’auteur. Dans le corpus, trois écrivains

121 Cette notion a été utilisée en premier lieu par Pierre Bourdieu. Elle a ensuite été développée par Alain Viala (1993) et Jérôme Meizoz (2001, 2003).

122 Ce terme a été utilisé par Jean-Benoît Puech pour différencier la vie figurée de la vie réelle de l’écrivain (2002, p. 45). Jérôme Meizoz s’en est également servi pour illustrer sa définition de la posture (2003, p. 13). L’origine même du terme, du latin persona, inclut l’idée de l’artifice puisqu’elle signifie "le masque".

123 Pour Dominique Maingeneau, l’instance auctoriale inclut trois dimensions : la personne (le sujet civil), l’écrivain (l’acteur du champ littéraire) et l’inscripteur (le sujet d’énonciation). La posture touche donc à la deuxième dimension et se différencie de la première.

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donnent une représentation originale d’eux-mêmes qui a retenu notre attention : Guy de Maupassant, Jules Verne et L.-F. Céline.

4.1.1 Guy de Maupassant

Lorsque Jules Huret interroge Guy de Maupassant, ce dernier se montre récalcitrant à l’idée de parler de littérature : « […] je vous en prie ! ne me parlez pas littérature !... j’ai des névralgies violentes […] … je suis vraiment très malade ici… » (Huret, p. 203), « Oh ! littérature ! monsieur, je ne parle jamais. J’écris quand cela me fait plaisir, mais en parler, non » (idem). Maupassant manifeste une posture de déni, exprimée à la fois dans son discours et sa façon de parler, entrecoupée de points de suspension. Cette ponctuation souligne aussi le ton souffrant de l’auteur, qui affirme être malade. L’attitude de l’"écrivain malade" est sans doute une forme de protection personnelle adoptée afin d’échapper à la discussion littéraire. Lorsqu’ Huret insiste pour avoir quelque opinion de sa part, il va même jusqu’à renier son métier d’écrivain. Il perçoit le travail littéraire comme un divertissement (« j’écris quand cela me fait plaisir ») et affirme à propos de Dumas fils : « […] nous ne faisons pas le même métier […] » (p. 204).

Maupassant déconstruit sa position d’homme de lettres, ce qui l’amène à rejeter tout lien avec le champ littéraire, aussi bien au niveau relationnel (« Je ne connais plus, d’ailleurs, aucun homme de lettres […] », p. 203) qu’au niveau de la reconnaissance de son statut légitime (« […] on est venu il n’y a pas si longtemps m’offrir l’Académie… […] j’ai refusé […] je ne m’intéresse pas… », p. 204). Sa manière assez orgueilleuse de récuser cet honneur (« m’offrir l’Académie ») renforce sa réputation d’écrivain snob décrite au début du texte (p. 202).

Maupassant déconstruit sa position d’homme de lettres, ce qui l’amène à rejeter tout lien avec le champ littéraire, aussi bien au niveau relationnel (« Je ne connais plus, d’ailleurs, aucun homme de lettres […] », p. 203) qu’au niveau de la reconnaissance de son statut légitime (« […] on est venu il n’y a pas si longtemps m’offrir l’Académie… […] j’ai refusé […] je ne m’intéresse pas… », p. 204). Sa manière assez orgueilleuse de récuser cet honneur (« m’offrir l’Académie ») renforce sa réputation d’écrivain snob décrite au début du texte (p. 202).

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