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Structure prosodique de la parole spontanée

Resetting de F0 et déclinaison de la fréquence fondamentale

Chapitre 9 Structure prosodique de la parole spontanée

Le chapitre 9 aussi traite de la structuration de l’énoncé ; mais cette fois, c'est la parole spontanée qui est analysée. Je cherche à déterminer les indices qui permettent de délimiter les frontières prosodiques. L'analyse de la parole spontanée étant plus complexe, je me suis intéressées à deux types de frontières seulement : continuation et fin d'énonce. Les unités prosodiques ainsi déterminées ne sont pas des unités prosodiques minimum.

Objectif de l’étude

Dans cette partie je m’intéresse à la structuration prosodique de l’énoncé produit en situation réelle de communication. L’étude permet de montrer comment le sujet parlant organise son discours en unités autonomes. Il s’agit d’une description phonétique et acoustique de l’énoncé. Les données de cette analyse proviennent d’enregistrements de locuteurs natifs du mooré et de journalistes en langue mooré. La parole journalistique a certainement une caractéristique, lié un effet de style qui la différencie du mooré courant, mais au-delà de la différence de style, est-ce les mêmes indices acoustiques qui permettent la structuration de l’énoncé ? C’est ce que je vais tenter de déterminer.

Tout comme Hansson (2003), je pense que les unités prosodiques sont délimitées par des frontières prosodiques. La question est de déterminer les indices acoustiques qui permettent d’identifier ces frontières. Je fais l’hypothèse que ces frontières peuvent être identifiées par les locuteurs du mooré. Ainsi, le point de départ de cette étude repose sur une reconnaissance perceptive des frontières prosodiques qui rendent possible un découpage de l’énoncé en unités plus petites.

Il s’agit, ici de comparer deux types de frontières prosodiques. En suivant la méthode bien connue en Français de Delattre, Léon, Martin, Di Cristo, parfois avec les variations de dénomination, on retrouve en Mooré des frontières : continuation majeure, mineure, terminale. J’ai commencé par comparer la courbe mélodique d’énoncés perçus comme finis et celle d’énoncés perçus comme ayant une continuation. Les fins d’énoncés et les continuations constituent les types de frontières prosodiques étudiées. Le but de cette

146 comparaison est de déterminer les indices acoustiques qui caractérisent les fins des énoncés et ceux qui marquent une continuation de l'énoncé en mooré.

Je me suis intéressée à un seul type de continuation, les continuations majeures, pour reprendre la terminologie de Delattre (1966). La continuation majeure est selon Delattre, celle qui permet de réunir de petites unités de sens en une grande unité de sens qui n’est pas la dernière de la phrase.

C’est cette notion d’unité de sens qui implique que la phrase n’est pas terminée, qui m’intéresse dans cette étude. Il arrive cependant, que les exemples que j’ai recueillis ne soient pas à proprement parler des continuations majeures. En effet, les exemples choisis ne regroupent pas toujours plusieurs unités même s’ils suggèrent tous que l’énoncé continu. Comme mon analyse des courbes d’intonation m’a permis d’identifier un seul contour de continuation, j’ai donc choisi de désigner par continuation tout contour qui suggèrerait que l’énoncé n’est pas fini. (Voir figure 50 : exemple de continuation)

Les paramètres de l’analyse sont le contour final de la fréquence fondamentale (F0), la durée des syllabes au niveau des différents types de frontières étudiées et la durée des pauses qui viennent après les unités prosodiques.

Hypothèses

1. Un contour intonatif est associé à chacun des deux types de frontières analysés (continuation et fins d’énoncé).

2. La chute de F0 sur l’avant-dernière syllabe annonce une frontière prosodique à venir. 3. La durée de la dernière syllabe des unités varie en fonction du type de frontière. 4. Il y a une relation entre la durée de la pause qui suit l’unité prosodique et le type de

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Corpus et conditions d’enregistrement

Il y a différent types de corpus, dont un provenant d’une émission de radio « rites et coutumes » diffusée sur la RTB (Radio Télévision du Burkina). Cette émission se déroule dans des villages du Burkina Faso (à chaque émission un village) et consiste en une interview entre un journaliste et les membres d’un village. La plupart du temps le journaliste s’adresse au chef du village. Le principe de l’émission est d’aller à la rencontre de la population, de discuter avec elle pour connaitre les origines et les coutumes du village. Le corpus analysé concerne trois journalistes, tous des hommes.

Le deuxième corpus est constitué d’enregistrements que j’ai réalisés auprès de 3 locutrices ayant le mooré comme langue maternelle.

Tableau 13: Caractéristiques sociolinguistiques

L’une des informatrices est bilingue c’est-à-dire locutrice du français et du mooré. Le français, sa deuxième langue, a été acquis dans l’enfance vers l’âge de 7 ans. Les deux autres ont quelques notions de français, mais elles n’ont pas appris le français de manière formelle. Aucun des informateurs aussi bien les journalistes que les locutrices de mooré n’ont des connaissances en linguistique. Les locuteurs enregistrés ne présentent aucune trouble de la parole. Le temps de parole analysé pour chaque locuteur est de 47 secondes en moyenne. Les enregistrements de la radio ont été recueillis directement dans les archives de la radio. Quant aux enregistrements du deuxième groupe, ils ont été faits dans une maison assez calme où radio et télévision ont été éteintes pour écarter au maximum les risques de bruit de fond. J’ai utilisé un (Edirol R09 compact digital recorder) pour effectuer les enregistrements. Pour cette analyse, les sons ont été convertis au format WAV, fréquence d’échantillonnage 22 050 Hz et avec un seul canal (Mono).

Pour obtenir le corpus, j’ai demandé à chacune des informatrices de me raconter leur emploi du temps d’une journée. Les enregistrements commencent donc par la question « quel est

Locuteur Age Profession Langues parlées

locuteur 1 65 Assistante de direction à la retraite mooré; français

locuteur 2 44 Femme au foyer mooré; notions de français

148 ton emploi du temps de la journée ? » puis s’ensuit un monologue de l’informateur, qui consiste en une description de sa journée.

Le corpus de cette étude est donc constitué d’enregistrements de parole dite "spontanée", si l’on se réfère à la définition de Beckman (1997) qui définit la parole spontanée comme un discours non lu.

« Spontaneous speech … is a speech that is not read to script » (Beckman M. E., 1997).

On peut ajouter qu’il s’agit d’une parole préparée pour les journalistes puisqu’ils connaissent le sujet à l’avance mais le discours n’est pas rédigé.

Méthode

Transcription

La première étape de mon travail a été d’écouter et de faire une transcription phonémique du corpus (voir annexe 6). En m’aidant du logiciel WinPitch qui permet de visualiser la parole et ses paramètres, j’ai procédé à une segmentation du discours. J’ai simplement utilisé la ponctuation pour marquer les deux types de frontières de mon étude. Le point (.) pour indiquer un énoncé fini et la virgule (,) pour marquer une continuation.

Préparation de l’analyse

Afin de m'assurer que l'étiquette continuation et fin d'énoncé que j'attribue à ces contours, est perçue par les locuteurs du mooré, j’ai testé quelques énoncés. J’ai découpé 10 énoncés composés de 5 énoncés finis et de 5 continuations. J'ai pris le soin de ne pas choisir des énoncés qui peuvent être catégorisés, continuation ou fini par le seul indice de la syntaxe. Par conséquent, les énoncés choisis peuvent suggérer soit une fin de l'énoncé soit une continuation si l'on changeait seulement la prosodie. J’ai fait écouter ces 10 énoncés à deux locuteurs du mooré en leur posant la question : « pensez-vous qu'il devrait avoir une suite à cette phrase ou à cette expression ? ». J’ai apporté la précision qu’il s’agit de décider où est-ce qu’ils mettraient un point et où il mettrait une virgule. Sur les dix énoncés, neuf énoncés ont reçu une catégorisation identique à celle que j’ai faite. Il y a eu une hésitation sur un énoncé (un énoncé fini), le même pour les deux informateurs, puis finalement, pour l’un des

149 informateurs a choisi de lui attribuée une catégorie ne correspondait pas à celle que j’avais donnée.

Après avoir vérifié que les catégories de fin d’énoncé sont également perçues par d’autres locuteurs (environ 90% d’accords sur la catégorie), j’ai fait une comparaison des deux types d’énoncés.